Simplification : le « millefeuille administratif » coûterait 7,5 milliards d'euros à l'Etat

Par latribune.fr  |   |  919  mots
Il existe en France « trop d'empilement: vous avez des services de l'Etat, des opérateurs, des agences, quatre niveaux de collectivités, parfois des syndicats, des sociétés d'économie mixte... », avait récemment déploré Thomas Cazenave au lancement de la mission. (Crédits : Reuters)
Selon un rapport commandé par le gouvernement, le « millefeuille administratif » pèse principalement sur les collectivités (6 milliards d'euros), l'Etat supportant une charge financière quatre fois moindre (1,5 milliards d'euros).

La facture est salée. Le coût de l'enchevêtrement des compétences entre l'Etat et les collectivités ainsi qu'entre les différents niveaux de collectivités (communes, départements, régions) « peut être estimé à 7,5 milliards d'euros », selon les conclusions d'une mission commandée par le gouvernement, dévoilées ce mercredi à l'AFP.

Le chiffre communiqué par Thomas Cazenave (Comptes publics) et Dominique Faure (Collectivités territoriales) est issu d'un rapport commandé fin 2023 au maire de Charleville-Mézières Boris Ravignon, et remis ce mercredi au gouvernement. Pour parvenir à ce chiffre, la mission a sondé plus de 200 collectivités et préfectures par questionnaire et identifié trois types de coûts induits par le partage entre administrations de certaines compétences (« comitologie », coordination et instruction des demandes de financement).

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Un coût surtout porté par les communes

Le document précise que le coût du « millefeuille administratif » pèse principalement sur les collectivités (6 milliards d'euros), l'Etat supportant une charge financière quatre fois moindre (1,5 milliards d'euros).

Dans le détail, le coût de l'enchevêtrement des compétences est estimé à 4,8 milliards d'euros pour les communes, 696 millions d'euros pour les intercommunalités, 355 millions d'euros pour les départements et 117 millions pour les régions.

« Cette évaluation reste un ordre de grandeur, et sans doute un minimum, étant entendu que les opérateurs » de l'Etat (France Travail, Agence nationale de l'habitat...) n'ont pas été inclus dans le calcul, précise Boris Ravignon dans son rapport.

Les coûts liés à la coordination entre différentes administrations qui exercent conjointement une politique publique représentent à eux seuls 85% des 7,5 milliards d'euros. Parmi les compétences dont le partage coûte le plus cher, la mission cite l'enseignement (1,2 milliard d'euros), l'urbanisme (819,5 millions) et la voirie (566 millions).

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Le gouvernement en quête d'économies

Alors que l'exécutif a déjà acté 10 milliards d'euros de coupes dans les dépenses de l'Etat en 2024, et cherche 10 milliards d'économies supplémentaires, les auteurs préviennent que « ces coûts (...) ne peuvent pas être tous supprimés car la coordination entre les acteurs des territoires est nécessaire » sur certaines politiques qu'ils exercent conjointement.

« Mais ils peuvent être diminués », écrivent les ministères délégués aux Comptes publics et aux Collectivités territoriales, dans un communiqué commun. « La France n'a pas une catégorie de collectivités à supprimer, une strate d'élus à liquider pour que tout s'arrange », martèle Boris Ravignon en conclusion de son rapport.

Reste que pour l'exécutif, il existe en France « trop d'empilement: vous avez des services de l'Etat, des opérateurs, des agences, quatre niveaux de collectivités, parfois des syndicats, des sociétés d'économie mixte... Ce qui ne va pas, c'est que sur une politique publique, on soit quatre ou cinq autour de la table », avait déploré Thomas Cazenave au lancement de la mission.

Vers une simplification de l'administration?

Selon le ministre, cité dans le communiqué du gouvernement, le rapport remis ce mercredi va servir de « contribution à la réflexion plus globale souhaitée par le président de la République » autour de la décentralisation, un thème sur lequel une autre mission a été confiée au député de la majorité Eric Woerth. Le rapport Ravignon « nourrira la concertation à venir avec les associations d'élus », ajoute le ministre.

De son côté, Boris Ravignon estime que « le souhait le plus vif de la mission, c'est que la réflexion se poursuive, pour examiner toutes les responsabilités que notre Etat, enfin recentré et stratège, pourrait déléguer en confiance aux collectivités françaises. » Le maire de Charleville-Mézières plaide également pour un « chantier de simplification des normes », autre cheval de bataille du gouvernement ces derniers mois en plus de la maîtrise des dépenses publiques.

Parmi les pistes à creuser, Boris Ravignon suggère de simplifier la gestion des ressources humaines dans les collectivités ou de revoir les règles et l'organisation de la commande publique pour la rendre « plus efficace et plus efficiente ».

Une réforme de l'assurance-chômage tournée vers la quête d'économie

Dans sa quête d'économies, le gouvernement entend aussi jouer la carte de la réforme de l'assurance-chômage. Le gouvernement espère que les mesures retenues permettront 3,6 milliards d'euros d'économies. Au total, ce tour de vis devrait permettre à 90.000 personnes de se retrouver en emploi selon l'exécutif.

Parmi les options sur la table figure la durée d'affiliation nécessaire à l'assurance-chômage pour ouvrir des droits. Actuellement, il faut avoir travaillé six mois sur les 24 derniers mois pour toucher des indemnités. L'exécutif envisage d'allonger la durée nécessaire de cotisation à 8 mois et de réduire la période de référence à 20 mois.

Dans une étude présentée début mai aux organismes paritaires, l'Unédic, qui n'a pas évalué l'impact de l'hypothèse présentée par le gouvernement, a calculé que si le temps minimum était relevé à sept mois, cela affecterait 11% des allocataires et permettrait d'économiser 400 millions d'euros. S'il était relevé à 12 mois, l'économie s'élèverait à 2,3 milliards. Baisser la période de référence de 24 à 18 mois permettrait de réaliser des économies comprises entre 5,1 milliards et 7,5 milliards d'euros.

(Avec AFP)