Nouvelle-Calédonie : une économie plombée par le nickel

FOCUS. Le territoire français du Pacifique Sud sombre dans la crise. Au-delà des revendications politiques sur les questions de souveraineté de l'archipel, plusieurs indicateurs économiques révèlent la fragilité de la plus vaste Zone économique exclusive française.
« La reprise de l'activité économique calédonienne post-Covid a donc bien eu lieu, mais avec une année de décalage par rapport à la France métropolitaine et aux autres géographies ultramarines ».
« La reprise de l'activité économique calédonienne post-Covid a donc bien eu lieu, mais avec une année de décalage par rapport à la France métropolitaine et aux autres géographies ultramarines ». (Crédits : Delphine Mayeur / Hans Lucas via Reuters Connect)

La Nouvelle-Calédonie, devenue territoire français en 1853 sous Napoléon III, est-elle au bord de la « guerre civile », comme le craint Jean-François Merle, conseiller de Michel Rocard pour les Outre-mer lors de la négociation des accords de Matignon sur l'archipel en 1988 ? Après, l'instauration d'un couvre-feu nocturne à Nouméa qui n'a pas fait retomber la tension, Paris a décidé de placer l'archipel du Pacifique Sud où vivent 271.400 habitants en état d'urgence. Quatre personnes dont un gendarme sont mortes dans la nuit de mardi à mercredi et des centaines d'autres blessées.

En cause : une réforme du corps électoral local, contestée par les indépendantistes kanaks qui redoutent d'être mis en minorité. Mais derrière le volet politique se cachent des enjeux économiques clés. La Tribune fait le point sur les principaux indicateurs de cette collectivité d'outre-mer à statut particulier, située à quelque 18.000 km de la métropole.

Une population qui vieillit

Pour rappel, les deux principales communautés sont les Kanak (41%), premiers habitants du pays, et la communauté européenne (24%), dont les Caldoches, descendants des colons blancs. Une part grandissante de la population déclare toutefois désormais être métissée ou « calédonienne ».

Mais sur ces îles regroupées en « Province », la croissance démographique est nettement plus faible qu'auparavant en raison d'une hausse des départs et d'une baisse des arrivées. En outre, le vieillissement de la population s'accélère sur la vaste Zone économique exclusive (ZEE) du « Caillou » de 1,4 million de kilomètres carrés.

Les Calédoniens échangent avec une monnaie spécifique : le franc Pacifique (ou franc CPF pour Communauté Française du Pacifique). Son cours est fixé par rapport à l'euro. 1 franc CFP (ou XPF) correspond à 0,00838 euro.

Une croissance à la peine après le Covid

D'un point de vue macro-économique, après trois années de contraction, le produit intérieur brut (PIB) a augmenté de 3,5 % à prix constants en 2022.

« La reprise de l'activité économique calédonienne post-Covid a donc bien eu lieu, mais avec une année de décalage par rapport à la France métropolitaine et aux autres géographies ultramarines. Malgré ce rebond, le territoire ne retrouve pas le niveau de son PIB de 2019 (en francs constants) : le rattrapage n'est donc que partiel », note l'Insee (l'Institut de la statistique et des études économiques Nouvelle-Calédonie).

Aussi, le soutien de l'Etat français est notable. Les dépenses publiques en Nouvelle-Calédonie, pour l'année 2020, s'élèvent à plus de 178 milliards F CFP (1,494 milliard d'euros), ce qui représente environ 19 % du PIB de la Nouvelle-Calédonie, selon les chiffres du gouvernement. En 2022, le PIB par habitant est de 35 745 dollars (contre 40 880 en France métropolitaine).

Pourtant, le taux de chômage au sens du bureau international du travail (BIT) comme ailleurs est en baisse, à 10,6% en 2023. Mais le chômage des jeunes (15-25 ans) s'élève à 36% contre 22% dans la France entière.

Selon les derniers chiffres disponibles, 17% des foyers calédoniens vivraient sous le seuil de pauvreté relatif, soit 53.000 personnes, dont un tiers d'enfants de moins de 14 ans. Aussi, les écarts de revenus sont environ deux fois plus élevés qu'en métropole.

Le nickel cristallise les tensions

Au cœur de l'économie néo-calédonienne, l'exploitation du nickel connaît une grave crise malgré un boom de la demande mondiale, lié à la fabrication de batteries pour les voitures électriques. Une crise qui exacerbe les tensions.

Le nickel produit en Nouvelle-Calédonie représente environ 8% des réserves mondiales selon un rapport de l'institut d'émission d'outre-mer (IEOM). Ce qui la place en quatrième position derrière l'Australie (24%), le Brésil (15%) et la Russie (9%).

L'exploitation du nickel, indispensable à la fabrication d'acier inoxydable, est le poumon économique du « Caillou », qui détient 25% des ressources mondiales.

Le secteur traverse une crise économique sans précédent, plombé par la baisse du prix du minerai, qui a dévissé de plus de 45% en 2023, causant des pertes record pour les groupes exploitant les trois usines de l'archipel.

La production de nickel a ainsi chuté de 32% au premier trimestre. Le groupe français Eramet et sa filiale Société Le Nickel (SNL), premier employeur de l'archipel, a enregistré une chute de ses ventes de 50%.

La forte dépendance de l'économie au secteur se traduit surtout dans la balance des paiements. Principale source de recettes à l'exportation (environ 90 %), ses fluctuations influent traditionnellement sur la balance commerciale calédonienne.

Ainsi, depuis 2015, le déficit des transactions courantes s'est néanmoins creusé renforçant les déficits des opérateurs du secteur.

« La volatilité du cours du nickel, mais aussi des problématiques techniques, stratégiques et sociales ont provoqué des difficultés financières pour les trois opérateurs métallurgiques (l'opérateur historique calédonien SLN, filiale d'Eramet ; KNS; et Vale NC, filiale du groupe canado-brésilien qui a récemment cédé ses parts au consortium Prony Resources) », note la Banque de France.

Aussi, concurrencées par des pays producteurs à bas coûts (Chine, Indonésie, Philippines), ces usines n'étaient pas compétitives et plusieurs mois de crise les ont encore affaiblies. Or, près d'un quart des emplois salariés du privé de l'archipel est lié au nickel, tous victimes de la chute des cours, du coût de l'énergie et de la concurrence étrangère.

La faiblesse des autres secteurs

Outre le nickel, l'archipel ne peut pas réellement compter sur d'autres secteurs.

Avant le Covid, « chaque année, 100.000 touristes viennent sur notre île, dont 30% seulement de métropolitains. C'est à peu de choses près deux fois moins qu'en Polynésie française », relevait la CGPME de la Nouvelle-Calédonie à La Tribune en 2016. Il faut compter au moins 24 heures de vol depuis Paris pour rejoindre son chef-lieu Nouméa.

Pour sortir de cette impasse, en 2018, le Medef Nouvelle-Calédonie a d'ailleurs préconisé de sortir du « tout nickel » et favoriser le développement de filières nouvelles autour de la biodiversité, du développement durable, du tourisme et du numérique.

Le secteur public représente un poids non négligeable dans l'économie locale. Selon un rapport de l'institut d'émission d'outre-mer, le secteur des administrations publiques représente 18,6% du produit intérieur brut de l'archipel. C'est davantage qu'en France métropolitaine.

L'administration arrive ainsi en seconde position derrière les services marchands (40%), puis arrivent le commerce (11%) et enfin le BTP (11%). Le secteur bancaire calédonien emploie, lui, un effectif de plus de 1.200 personnes.

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Le coût de la vie

Dernière source de colère pour les Calédoniens, sur l'archipel, les prix seraient de 30% à 70% plus élevés qu'en Ile-de-France, selon des estimations.

A tel point que tout projet de nouvelles taxes met potentiellement le feu aux poudres. Ainsi, en mars 2023, un projet de taxe sur le carburant qui avait été pensé pour renflouer le gestionnaire du système électrique calédonien Enercal, en déficit chronique, a finalement été abandonné.

Depuis la fin du Covid, « dans les outre-mer, comme dans l'Hexagone, l'inflation a nettement reflué en 2023, passant d'environ 5% en décembre 2022 à 2,5% en décembre 2023 », ont expliqué dans un communiqué l'IEDOM (pour les outre-mer en zone euro) et l'IEOM (pour les territoires du Pacifique).

Face à ces faiblesses chroniques l'Etat a décidé en 2023 d'une nouvelle aide financière de 37 millions d'euros (4,415 milliards F CFP).

Commentaires 10
à écrit le 16/05/2024 à 19:23
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Bonjour, avant toute chose, lors de la découverte de la Martinique et de la Guadeloupe, ils n'y avez aucune population , donc c'est terroriste sont français ( premier arrivé). En France ons nous oblige à vivre avec des individus venu du monde entier...

à écrit le 16/05/2024 à 11:27
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La Calédonie, un territoire français ? La Calédonie est une colonie française. La Calédonie est située à des milliers de kilomètres du territoire français. La France a pris possession de ces îles par la force. Il n'a pas demandé le consentement des h...

le 16/05/2024 à 19:52
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Bonjour, vous être hypocrite, car les premiers habitants sont morts depuis longtemps... Donc actuellement tous les individus vivants sur ses îles sont légitimes... Peuple originel, les sangs mêle et les blancs née sur place... Donc pas question de...

à écrit le 16/05/2024 à 8:59
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Les Jeux olympiques peuvent déboucher sur de nombreux projets économiques. Si vous voulez savoir quelle action a un potentiel de hausse, cliquez sur le lien pour l'obtenir. https://wa.me/33745320360

à écrit le 16/05/2024 à 8:25
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Ce n'est pas le nickel qui plombe le développement économique de la Nouvelle Calédonie, ce sont les revendications indépendantistes et communautaristes des kanaks... Le nickel est une manne qu'ils n'ont jamais comprise

le 16/05/2024 à 19:03
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Avant de se préoccuper du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, on aurait pu réformer le code électoral, à la majorité des élections législatives, qui prive de représentation équitable une partie des français ? On aurait pu aussi changer le code él...

le 19/05/2024 à 18:52
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Le développement économique d’un territoire est une chose, le droit à l’autodétermination de la population en est une autre. J'apprécie davantage le droit à l'autodétermination. La Nouvelle-Calédonie est une colonie française et non un territoire fra...

à écrit le 16/05/2024 à 8:11
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Si nos dirigeants n'étaient pas si peu compétents, ces même pas 1.5 milliards que la nouvelle calédonie coûte, déjà c'est pas grand chose, Macron et Sarkozy nous ont couté eux des centaines de milliards d'euros, seraient vite rentabilisés par l'écono...

à écrit le 16/05/2024 à 7:31
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Bonjour, bon le développement économique de cette ils n'est pas seulement du ressort de la france, ils y a une forte décentralisation au parlement locaux... Donc tous doivent faire des efforts pour favoriser le développement économique... Donc l...

le 17/05/2024 à 9:55
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Il suffit de lire entre les lignes et les euphémismes, le nickel devient plus un problème qu’une chance pour se développer, les kanaks au nom de la lutte contre le colonialisme considèrent que la France leur doit une dette financière, ils reçoivent ...

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