Sondage : le RN toujours en tête, les électeurs sourds aux consignes de vote

Par Jules Pecnard  |   |  818  mots
Jordan Bardella arrive en tête des choix des Français pour le poste de Premier ministre, avec un score de 37%. (Crédits : © Eliot Blondet/ABACAPRESS.COM VIA REUTERS)
La dernière enquête réalisée par Elabe pour « La Tribune Dimanche », BFMTV et RMC donne toujours une possible majorité absolue à Jordan Bardella. Une majorité d’électeurs – tous camps confondus – refuse le désistement au second tour pour faire « barrage » à leurs adversaires.

Dans le marasme considérable où se trouve plongée la France depuis la dissolution prononcée par Emmanuel Macron, on peut au moins savoir gré d'une chose au chef de l'État : le regain d'intérêt des Français pour les élections législatives, scrutin tombé en désuétude malgré son importance cruciale dans l'avènement d'une politique pour conduire le pays.

Selon la dernière enquête réalisée par Elabe avant le premier tour pour « La Tribune Dimanche », BFMTV et RMC, l'indice de participation est à la hausse. À date, 61% des Français inscrits sur les listes électorales se disent certains d'aller voter le 30 juin, tandis que 12% l'envisagent sérieusement. Les projections de l'institut se situent entre 63 et 65% de participation le jour J. Une telle fourchette laisse entrevoir un engouement record depuis les législatives de 2002, qui ont suivi l'accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle face à Jacques Chirac. En 2017 et en 2022, moins de 50% du corps électoral s'était déplacé pour choisir ses députés.

Trois électeurs sur quatre sûrs de leur vote

Concernant les intentions de vote, les choses ont à peine évolué depuis la dernière vague de consultation d'Elabe. Le bloc du Rassemblement national (RN), auquel il faut ajouter la force d'appoint chapeautée par Éric Ciotti, recueille 36% des intentions de vote. Cette force mêlant droite et extrême droite caracole loin devant le Nouveau Front populaire (NFP) de la gauche, crédité de 27,5% des voix, et la majorité macroniste sortante, qui plafonne à 20%.

À deux jours du scrutin, Gabriel Attal n'a pas réussi à desserrer l'étau dans lequel se trouve inexorablement bloqué son camp, à la fois désorienté et courroucé par le choix du président de la République de dissoudre l'Assemblée. C'est d'autant plus patent que trois électeurs sur quatre se disent sûrs de leur vote. Ceux du RN et du NFP sont les plus nombreux (82 et 81% respectivement), devant le socle de la coalition Ensemble (70%) et, surtout, l'électorat résiduel des Républicains (58%).

Nul doute que la situation sera très compliquée, dimanche soir, pour le bloc central. Beaucoup de ses élus sortants craignent, au mieux, de subir une triangulaire contre la gauche et le RN, au pire, d'être éliminés dès le premier tour. Au Palais-Bourbon, Elabe projette entre 260 et 295 sièges pour le RN et ses alliés, soit une majorité absolue dans l'hypothèse haute.

Pas de Premier ministre à gauche

S'agissant du poste de Premier ministre, les Français interrogés par Elabe dressent une hiérarchie différente : Jordan Bardella arrive en tête de leurs choix (37%), suivi de Gabriel Attal (35%). Cette forte identification de ces deux personnalités tranche avec la situation de la gauche, qui n'est pas parvenue à se mettre d'accord sur un candidat commun à Matignon. Résultat : ses différentes figures - Raphaël Glucksmann, François Ruffin, etc - sont largement distancées par le leader frontiste et l'actuel Premier ministre. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il est rejeté par l'opinion en tant que putatif chef du gouvernement.

Dernier élément de cette étude, peut-être le plus capital puisqu'il donne une idée de l'état d'esprit des Français avant même l'entre-deux tours : les trois quarts des sondés (74%) affirment auprès d'Elabe qu'ils ne suivront pas les consignes de vote des états-majors politiques de leur camp ou des candidats eux-mêmes. Certains en Macronie phosphorent sur la posture à adopter dimanche soir en cas de triangulaire ou face à des duels entre le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire, a fortiori lorsqu'il s'agira de candidats issus de La France insoumise.

Cette donnée indique d'ores et déjà que leur parole aura une portée très limitée. Du reste, une majorité d'électeurs refuse de faire « barrage » : seuls 25% d'électeurs macronistes appellent à un désistement de leur candidat, s'il arrive en troisième position, pour faire battre un adversaire de gauche, 31% pour un adversaire lepéniste. Quant à ceux du RN, ils ne sont que 18% à appeler au désistement pour bloquer un candidat NFP. Les électeurs de gauche sont plus nombreux (40%) à appeler au « barrage » dès lors qu'il s'agit de faire battre le Rassemblement national.

Echantillon de 2 004 personnes, représentatif des résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus, dont 1 871 inscrits sur les listes électorales. Interrogation par Internet du 26 au 27 juin 2024. La représentativité de l'échantillon a été assurée selon la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socio-professionnelle, région de résidence et catégorie d'agglomération. Pour les questions d'intention de vote, seules les personnes inscrites sur les listes électorales et ayant l'intention d'aller voter sont prises en compte. Marge d'erreur comprise entre 1,0 et 2,6 points de pourcentage.