Bandeau Législatives (région)

Législatives : « Il semblerait difficile pour le RN de ne pas aller à Matignon » (Bruno Cautrès, CNRS)

ENTRETIEN - À quelques jours du second tour des législatives, le Rassemblement national de Jordan Bardella est en position d'avoir le groupe le plus important à l'Assemblée nationale. Au seuil du pouvoir, l'extrême droite profite à plein de l'échec d'Emmanuel Macron « à clarifier la situation », après l'annonce fracassante de la dissolution, rappelle le chercheur au CNRS, Bruno Cautrès. Cette décision « a provoqué une situation incroyablement chaotique dans le pays », pointe le politologue.
Grégoire Normand
Bruno Cautrès est chercheur CNRS et au CEVIPOF, le centre de recherches de Sciences Po.
Bruno Cautrès est chercheur CNRS et au CEVIPOF, le centre de recherches de Sciences Po. (Crédits : © LTD / IBO/SIPA)

LA TRIBUNE - Au lendemain du dépôt des candidatures pour le second tour des législatives, quelles leçons tirez-vous des désistements ?

BRUNO CAUTRES - Sur les 306 triangulaires issues du premier tour, il en reste moins d'une centaine. Les appels au désistement ont donc bien fonctionné en termes numériques. En revanche, les messages à faire passer pour le second tour sont quand même très compliqués à décoder pour les électeurs. Les messages envoyés par la majorité n'ont pas été à l'unisson.

Lire aussi🔴 En direct - Législatives : pour Macron, il n'est « pas question » de « gouverner demain avec LFI »

Beaucoup de membres de la majorité, à commencer par le chef du gouvernement Gabriel Attal ou le président de la République, Emmanuel Macron, demandent aux électeurs de la France Insoumise (LFI) de voter pour des députés du bloc du centre, tout en renvoyant dos à dos le Rassemblement national et les partis à gauche.

Le RN va-t-il être en mesure d'imposer une cohabitation à Emmanuel Macron ?

À ce stade, il est en position d'avoir le groupe le plus important à l'Assemblée nationale en pourcentage de votes et en nombre de députés. Il semblerait difficile pour le RN de ne pas aller à Matignon, même s'ils n'ont pas de majorité absolue. Le RN est moins en capacité d'imposer une cohabitation que dans l'hypothèse du maintien des triangulaires partout.

Cela aurait accentué l'hypothèse d'une majorité absolue pour le RN. Si ce dernier finit premier des élections législatives même avec une majorité relative, Emmanuel Macron sera dans l'impossibilité de ne pas lui proposer de former un gouvernement. C'est au RN de montrer s'il va y arriver ou non.

Peut-on parler d'un barrage à l'extrême droite comme en 2002 ?

On dispose de peu de données de sondages sur les réactions des électeurs entre les deux tours. Partant de ce que l'on sait, le barrage républicain est davantage un réflexe des électeurs de gauche que ceux de droite ou de la majorité. Il n'y a pas de processus symétrique entre les électeurs. On sait qu'il y aura beaucoup de déperdition si on demande à des électeurs de la majorité de voter pour un candidat France Insoumise. Si on demande à un électeur de la majorité de voter pour un candidat socialiste, il y aura beaucoup moins de déperdition. Cela va dépendre des configurations.

Lire aussiLégislatives : gauche et majorité présidentielle condamnées à s'entendre pour faire barrage au RN

Le Rassemblement national peut-il profiter d'un réservoir de votes important chez Les Républicains après l'alliance avec Eric Ciotti ?

Oui, il y a un réservoir de voix chez Les Républicains. Et, il y a sans doute une réserve de voix chez les abstentionnistes, même si les seconds tours mobilisent moins. Est-ce que les arrangements entre les partis ne vont pas donner envie aux électeurs sensibles au RN de participer au second tour ? C'est dans ces deux réservoirs de votes que le RN peut essayer de contrecarrer l'effet de la disparition des triangulaires.

Comment expliquez-vous qu'Emmanuel Macron ait échoué sur son pari de la dissolution ?

C'est d'abord Emmanuel Macron qui a pris la décision de la dissolution. Lorsqu'on regarde les réactions, le chef de l'Etat n'a pas consulté les principaux membres de la majorité. Le président ne s'est vraisemblablement pas concerté avec le Premier ministre. Cette initiative est désastreuse pour son mouvement politique. Son bloc va voir son nombre de députés divisé par deux ou deux et demi.

Dans une récente chronique, vous avez évoqué l'image « d'un pompier incendiaire » à propos d'Emmanuel Macron. Que voulez-vous dire ?

Emmanuel Macron est celui qui a allumé l'incendie et il demande aujourd'hui de l'éteindre. Le chef de l'Etat demande à des forces politiques de se rassembler dans un gouvernement d'unité nationale alors qu'il n'a cessé de les combattre. Le président a pris une responsabilité majeure. Cette décision a provoqué une situation incroyablement chaotique dans le pays.

Quel regard portez-vous sur la stratégie du Nouveau Front populaire ?

La stratégie du Nouveau Front populaire est conforme à celle de la Nupes avec l'unicité de candidature dans les circonscriptions. Pour le moment, cette stratégie a donné de bons résultats. Elle a permis la qualification au second tour de nombreux candidats de la gauche. Ce qui n'aurait pas été le cas s'il y avait eu une pluralité de candidats au premier tour.

En revanche, il y a toujours des ferments de division potentiels. Avant le premier tour, le rôle de Jean-Luc Mélenchon dans le Nouveau Front populaire a été débattu. Après le second tour, la proposition de Gabriel Attal de former un gouvernement d'unité nationale a déjà provoqué des clivages. La France Insoumise a immédiatement réagi, en affirmant qu'ils étaient là pour appliquer le programme du Nouveau Front populaire. Du côté des écologistes et une partie des socialistes, certains sont prêts à réfléchir à cette proposition.

Le bloc du centre a subi plusieurs revers lors des derniers scrutins. Peut-on parler d'une rebipolarisation de la vie politique française et de l'affaiblissement de la tripartition ?

Non, on peut surtout parler d'une nouvelle donne de la tripartition. Il y a toujours les trois pôles, mais ils ne pèsent plus le même poids. Le pôle central pèse aujourd'hui beaucoup moins et le pôle du Rassemblement national va peser au moins deux fois plus qu'en 2022. C'est un fait majeur.

Propos recueillis par Grégoire Normand

Grégoire Normand
Commentaires 19
à écrit le 04/07/2024 à 14:11
Signaler
oui, si l'on part du principe ou regardant les notes de bardella , ben 5/20, de moyenne c'est a peu prêt le niveau de lemaire , du coup il a le niveau ..... C'est vrai que si l'on regarde bien, il faut des experts comme bardella, j'imagine qu'il ...

à écrit le 04/07/2024 à 11:31
Signaler
De toute façon , aller à Matignon , c'est un piège. La situation de la France , compte tenu de son endettement, ne laisse aucune marge de manœuvre. Il vaut mieux laisser Macron gérer son bilan et attendre les présidentielles.

le 04/07/2024 à 21:13
Signaler
C'est pas faux. Mais il y a un détail qui vous a échappé, nfp veut se servir dans l'épargne. Libérer 15000 détenus le 14 juillet. Augmenter le déficit à 400 milliards d'euros. Taxer 50 milliards d'euros cet été. Bref la même potion qui a conduit le ...

à écrit le 04/07/2024 à 9:47
Signaler
Nous assistons actuellement à la plus incroyable campagne de dénigrement contre un parti jamais vue dans un pays qui se prétend démocratie ! Ça va fonctionner. Après tout on a tous connu quelqu'un qui allait se prendre un menu bigmac juste après avo...

le 04/07/2024 à 10:34
Signaler
@Fredo30400 - Qué dénigrement de Parti ? Antidémocratique? Le FN/RN de "Jordan Bardella !" bénéficie bien de ce que permet la démocratie. Une démocratie qu'ils dénoncent et vont s'empresser de detricoter s'ils arrivent au pouvoir. C'est l'idéologie d...

le 04/07/2024 à 11:29
Signaler
Oui, ça va marcher, mais ils sont en train de creuser leur tombe. Ils n'ont pas eu besoin du RN pour infantiliser et ruiner le pays et ils vont apprendre que avoir une majorité au parlement ne vous permet pas de braquer les gens productifs sans consé...

le 04/07/2024 à 14:19
Signaler
Dénigrement? une mention trés bien au bac et un niveau de 5/20 sur le peu de temps qu'il a passé a l'université ! ben ce n'est pas dénigré que de montrer le niveau de bardella. Quant au fait de parler de dénigrement, cela fait plusieurs années qu...

le 04/07/2024 à 15:10
Signaler
dénigrement, anti-démocratie? Je ne vois pas...Le RN a fait 34% des voix, il va faire (si les simulations sont pertinentes) 40% des sièges (c'est plus que ce qu'aurait donné un scrutin proportionnel). Où est l'injustice? Le scrutin majoritaire à deux...

le 04/07/2024 à 17:08
Signaler
Comme la droite ne souhaite pas s'unir entre LR et le RN ce qui faciliterait les choses pour eux (on verra par contre, si l'élecorat de droite suit les consignes des états majors,dimanche) ,Ils laissent le champ libre à la gauche qui elle à moins de ...

à écrit le 04/07/2024 à 9:12
Signaler
Sans majorité absolue à l'Assemblée, Matignon est un piège pour le RN car il ne pourra pas gouverner. Et même en cas de majorité absolue, sans sortir de l'UE, de l'Euro, de Schengen, de la CEDH, de l'OTAN il ne lui sera pas possible de mettre en oeuv...

le 04/07/2024 à 10:34
Signaler
@ Jean Paul B. Vous avez raison pour ce qui concerne l’Europe,par contre en interne,le gouvernement peut ramener de l’ordre,combattre l’insécurité de nos rues et limiter l’arrivée de ceux qui ne sont pas invités.Ca serait déjà pas mal,qu’en p...

le 04/07/2024 à 10:35
Signaler
@ Jean Paul b - Oui et c'est très bien ainsi.

à écrit le 04/07/2024 à 7:19
Signaler
National Géographic nous apprend que la France a longtemps été le pays des "duels" entre gentilshommes afin de défendre leur honneur. Il faudrait l'imposer en politique, au lieu de leurs si lunaires discours, nous ferions de sacrés économies ! ^^

à écrit le 04/07/2024 à 6:36
Signaler
Aucun bloc n'aura la majorité. Un gouvernement technique expédiera les affaires courantes. Plus de nouvelles lois...ni de changement dans la fiscalité. Ce n'est peut être pas une mauvaise chose. 2 ans de stabilité jusqu'en 2027.

le 04/07/2024 à 8:54
Signaler
Oui, c'est une bonne chose mais ce n'est pas suffisant. Il faut aussi 100 milliards de réduction des dépenses que aucun gouvernement d'aucun type ne fera sans y être contraint . Seule l'impossibilité de nous endetter nous obligera à le faire. Donc n...

à écrit le 03/07/2024 à 16:56
Signaler
Le RN est obligé de faire ses preuves avant 2027 sinon cela ne vaudra pas mieux que la McKroni qui n'a rien fait depuis 7ans sinon d'obéir à la coalition bruxelloise !

à écrit le 03/07/2024 à 16:41
Signaler
Macron veut que le RN/FN aille à Matignon et à l'intérieur...pas LFI.

à écrit le 03/07/2024 à 16:41
Signaler
Macron veut que le RN/FN aille à Matignon et à l'intérieur...pas LFI.

le 04/07/2024 à 16:09
Signaler
cela ne fait aucun doute depuis un moment ! je vous conseille de revisionner les deux débats de 2017 et 2022, vous en comprendrez une orga entre les deux, car ils sont drivés par les mêmes milliardaires ! cela expliquera aussi pourquoi lepen s'est s...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.