![Le CAC 40 a effacé tous ses gains de l'année, avec un vendredi noir.](https://static.latribune.fr/full_width/2089852/le-cours-de-l-indice-cac-40-et-les-informations-sur-le-cours-des-actions-des-entreprises-sont-affiches-sur-des-ecrans-suspendus-au-dessus-de-la-bourse-de-paris.jpg)
Ce sera donc l'une des pires semaines à la Bourse de Paris depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Sur des marchés actions globalement baissiers dans le monde, le CAC 40 n'a cessé d'accentuer ses pertes au lendemain de l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron, avec en filigrane, d'un scénario de victoire législative possible de l'extrême droite en France.
L'indice parisien a ainsi perdu près de 6 % depuis lundi, nettement plus que les autres places européennes. Tous ses gains de l'année sont ainsi effacés. L'indice Stoxx 600 a ainsi reculé de « seulement » 2,6 % sur la période mais le CAC 40 a entraîné dans sa chute l'Eurostoxx 50 où les valeurs françaises pèsent près de 40%. Et quand on connaît le poids de la gestion passive sur cet indice, il n'est pas étonnant de constater des flux vendeurs importants sur les grandes capitalisations françaises. Fait remarquable, tous les secteurs en France « sous performent » leurs équivalents européens. Il y a bien un mouvement de défiance sur la France.
Prime de risque élevée
La France a été longtemps considérée comme un pays presque imprenable pour les partis populistes. Mais aujourd'hui il existe un risque de voir un parti moins pro-business, moins européen, arriver au pouvoir. « C'est quelque chose que personne n'a vu venir, ce qui peut expliquer l'ampleur des mouvements cette semaine »', avance Roland Kaloyan, responsable de la stratégie sur les actions européennes à la Société Générale.
Le stress de marché se porte également sur la dette française, déjà fragilisée par une récente dégradation de l'agence de notation Standard & Poor's,et par la persistance d'un déficit de 5 % du PIB. L'écart de taux entre le taux souverain français à dix ans et le taux équivalent allemand a grimpé à 80 points de base, soit 30 points de base de plus en une semaine. C'est beaucoup.
Et chacun sait que cet écart mesure, aux yeux des investisseurs, le degré de crédibilité d'un gouvernement. Les esquisses de programmes de l'extrême droite ou du « Nouveau front populaire » ne sont pas de nature à rassurer. L'épisode de la Première ministre Truss au Royaume-Uni qui a mis au tapis la dette britannique suite à des dépenses non financées reste dans les mémoires.
La prime de risque sur les taux affecte également les marchés actions, puisqu'elle renchérit le coût de financement des entreprises. Les investisseurs arbitrent également par rapport à la prime sans risque, ce qui peut dégrader encore un peu plus les valorisations actions.
Le marché pris à contre-pied
« Mais pour comprendre l'ampleur de la baisse, il faut regarder également d'où nous partons », nuance cependant Roland Kaloyan. De fait, les élections européennes étaient considérées comme un non-évènement et les investisseurs étaient globalement positifs sur les actions européennes alors même que les indices avaient beaucoup monté depuis le début de l'année. La glissade est finalement à la hauteur de l'optimisme des marchés, pris à contre- pied.
Les mouvements sont alors d'autant plus violents que les investisseurs étrangers, qui pèsent 40 % dans le capital du CAC 40, sont peu au fait des subtilités du scrutin majoritaire à deux tours. Tous les stratégistes de marché, peu habitués à faire de la politique, travaillent sur au moins trois scénarios : une cohabitation (avec une nouvelle option de cohabitation avec le front populaire), une majorité présidentielle et pas de majorité claire. Mais les scénarios ne cessent de bouger chaque jour, ce qui accroît les incertitudes.
«Pour l'instant, je n'ai entendu personne appeler à acheter le marché à ces niveaux- là Il existe encore un potentiel de baisse et le marché va être balloté ces trois prochaines semaines au gré des nouvelles politiques », estime un stratégiste de marché. D'autant qu'il n'y a pas de rendez-vous important, comme une baisse des taux ou des résultats d'entreprises, qui pourraient redonner du tonus aux actions. « Il faut que le marché s'ajuste, c'est le jeu normal des primes de risque », indique un gérant.
Secteur bancaire attaqué
Sur les programmes, notamment de l'extrême droite, c'est encore le flou le plus total. Tout juste en lisant le programme du Rassemblement national (RN) de 2022, des mesures de régulation ou de défenses de pouvoir d'achat peuvent affecter les concessionnaires autoroutiers (Vinci ou Bouygues) ou des énergéticiens. La volonté affichée par le RN de privatiser l'audiovisuel public a pesé sur TF1.
Ce sont cependant les banques françaises qui ont été les plus touchées, un secteur qui avait pourtant la préférence de beaucoup de stratèges avant les élections européennes. Ce qui peut également expliquer l'ampleur de la baisse. Ainsi, Société Générale perd 15 % sur la semaine, BNP Paribas 12 % et Crédit Agricole 11%. Ce sont des valeurs à fort « béta » (corrélé à l'évolution du marché), mais également très sensible à l'écart des taux sur leurs activités domestiques.
Des réformes attendues comme l'union des marchés de capitaux ou l'union bancaire risquent également de passer à la trappe. Les valeurs dont l'Etat est toujours actionnaire pourraient également être attaquées en cas de changement de gouvernement.
Les secteurs défensifs résistent (un peu)
Finalement, une des rares valeurs qui résiste à la tourmente est Danone et plus généralement, les secteurs dits défensifs (agro-alimentaire, pharmacie) sont plus prisés dans les gérants actions qui doivent s'alléger des secteurs plus cycliques, comme les banques. Pourtant, le CAC 40 est un indice à la fois très diversifié (consommation discrétionnaire, industrie) et peu exposé à la France (14% du chiffre d'affaires) et devrait donc être plus insensible aux aléas politiques.
Mais la réalité est qu'aucune valeur n'est réellement protégé contre un changement de gouvernement, qui pourrait accroître les impôts, taxer les dividendes, augmenter les charges sociales. Que ce soit un avion ou un sac de luxe, le lieu de production reste la France.