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Bardella compose déjà son gouvernement

Se sentant renforcés par leur alliance avec le président des Républicains, les dirigeants du RN envisagent de tendre la main vers d’autres députés après les législatives pour s’assurer une majorité absolue.
Jules Pecnard
Jordan Bardella avec Éric Ciotti le 20 juin devant le Medef, à Paris.
Jordan Bardella avec Éric Ciotti le 20 juin devant le Medef, à Paris. (Crédits : © LTD / JULIEN DE ROSA / AFP)

Le président du Rassemblement national aime les pronostics. Tout au long de la campagne des européennes, Jordan Bardella présageait que Marion Maréchal, sa concurrente Reconquête, ferait moins de 5 % le 9 juin et n'aurait aucun élu à Bruxelles. Il s'est risqué au même pari pour François-Xavier Bellamy, candidat des Républicains. À l'arrivée, les deux ont été légèrement au-dessus. Tant pis, il relance, comme au poker. Un poids lourd du Parlement fait office de croupier. À quelques jours des législatives, cet élu a sondé Jordan Bardella sur l'hypothèse, plausible, d'une majorité relative à l'Assemblée nationale pour le RN et les troupes d'Éric Ciotti, son nouvel allié. Le candidat à Matignon lui a dit pouvoir convaincre 30 députés supplémentaires de le rejoindre après le second tour. « Ça me paraît beaucoup... Plutôt 20 ou 25, non? » modère son interlocuteur, un peu éberlué devant l'aplomb du leader nationaliste. Lequel maintient: « Non, 30. »

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Cette conviction est nourrie, en partie, par Éric Ciotti. « Son ralliement a ouvert une porte, elle a créé une dynamique », se réjouit un proche de Marine Le Pen. En scellant un accord avec l'extrême droite au lendemain de la dissolution, le patron de LR a ébranlé l'échiquier politique. Peu lui chaut d'être conspué depuis des semaines par ses anciens amis. Par trois fois, la justice l'a maintenu à la tête de son parti malgré les exclusions prononcées par ses cadres. Ce statu quo a nourri la confusion sur le terrain, où une fraction des électeurs de droite a pu se demander pourquoi subsistent des candidatures Les Républicains « indépendantes » alors même que le chef pactise avec le RN. Confiant, Éric Ciotti a glissé ce lundi à un proche que des personnalités LR ont renoué avec lui après avoir refusé de le suivre.

Pot-pourri

Initialement, Jordan Bardella et Marine Le Pen n'ont pu que constater la maigreur des effectifs fournis par le député sortant des Alpes-Maritimes. Parmi les 61 membres de son groupe parlementaire, seuls deux ont franchi le Rubicon, dont lui. « On s'attendait à ce qu'il y ait un peu plus de députés LR qui rejoignent l'aventure, admet Renaud Labaye, ancien secrétaire général du groupe RN au Palais-Bourbon et bras droit de la patronne. Mais l'aventure n'est pas terminée ! » Pour garnir son contingent, réparti sur 69 circonscriptions, Éric Ciotti a dû piocher dans un vivier allant des Jeunes LR à Reconquête en passant par les réseaux du milliardaire libéral-conservateur Pierre-Édouard Stérin ou ceux d'Alexandre Pesey, chargé de l'Institut de formation politique, école de cadres favorable à l'union des droites.

La direction frontiste n'a cure de ce pot-pourri, même s'il a pu inspirer quelques sarcasmes. Aux dires des entourages de Jordan Bardella et de Marine Le Pen, leur travail avec Éric Ciotti se fait en bonne intelligence. Les deux hommes ont préparé ensemble leur présentation commune - et déconcertante - devant le Medef le 20 juin. Social-étatiste pendant plus d'une décennie sous l'égide de la fille de Jean-Marie Le Pen, voilà le RN incarné par un jeune eurodéputé prêt à tous les ravalements de façade, partageant l'affiche avec un libéral des plus raides. Chacun a fait un pas vers l'autre, notamment sur la réforme des retraites adoptée par Élisabeth Borne. Jordan Bardella veut l'abroger à terme, sans trop bouleverser les équilibres. Naguère favorable à un âge légal de départ à 65 ans et à un alignement des régimes du secteur public sur ceux du privé, Éric Ciotti s'est mis au diapason. Tout en affirmant cultiver sa différence.

Un groupe pour Ciotti

Car, qu'on se le dise, le Rassemblement national aurait changé, lui aussi. Il troque ses réflexes hégémoniques pour un esprit de coalition. « Le but est qu'Éric Ciotti obtienne entre 20 et 30 circonscriptions », précise le trésorier du RN, Kévin Pfeffer, qui a participé aux négociations sur les fiefs à allouer au Sudiste. Si cet objectif est atteint, l'ancien filloniste disposera de son propre groupe parlementaire. « Ce sera notre Horizons, résume un député mariniste sortant. Il pourrait y avoir quelques tensions sur les sujets économiques, mais ceux qui ont rejoint Ciotti étaient déjà proches de nous. Par ailleurs, on a moins de mal à bosser avec des gens qui ne sont pas encartés au Front depuis vingt ans. Avant, c'était le parti, rien que le parti, uniquement le parti. C'est l'une de nos ultimes métamorphoses. » À l'instar de ce qui a prévalu - un temps - entre Renaissance et les troupes d'Édouard Philippe durant la précédente législature, des réunions communes pourraient être envisagées. L'autonomie d'Éric Ciotti sera plus ardue avec moins de 15 députés, seuil à atteindre pour constituer un groupe.

Cela ne l'empêchera pas d'être nommé ministre si Jordan Bardella entre à Matignon. Beaucoup l'ont vite fléché vers l'Intérieur, poste dont il rêve depuis tant d'années.             « C'est réservé à quelqu'un en qui Marine et Jordan ont une entière confiance », rappelle un haut dirigeant du Rassemblement national. Celui qui a longtemps été ramené à son statut de « Monsieur Sécurité » de la Sarkozie en a conscience: il ne fait pas bon être rallié de la dernière heure pour aller à Beauvau. L'option du ministère de la Justice, où il pourrait appliquer son logiciel pénal répressif, paraît plus vraisemblable. D'autres s'y voient, assurément. L'avocat Thibault de Montbrial, qui cultive ses réseaux chez les policiers et la droite dure, fait partie des noms évoqués pour un poste régalien. « Il n'y a que lui qui y croit, et quelle que soit la majorité », raille un conseiller de Marine Le Pen. Quant à Louis Aliot, maire de Perpignan et fidèle de l'ex-députée du Pas-de-Calais, il pourrait être envoyé au grand ministère des Outre-mer que veut créer Jordan Bardella.

Il faut remplir les trous de compétence honnêtement reconnus chez nous

Une source proche de Marine Le Pen

Députés LR et Liot

L'entourage de la cheffe, qui aura la main sur le casting, l'assume sans ambages: le RN n'a pas les ressources, à lui seul, pour peupler l'exécutif. « Il n'y aura pas que des politiques au gouvernement, éclaire un baron lepéniste. Il nous faudra des experts, des gens issus de la société civile, des hauts fonctionnaires... Sinon, les gens diront que c'est "l'État-RN". » De quoi alimenter la foire aux rumeurs et aux démentis, comme celui de Philippe Villin, le financier que certains marinistes auraient bien vu diriger la forteresse de Bercy. « Je n'ai jamais été sollicité par le RN pour un quelconque poste ministériel et il n'est pas dans mes projets de devenir ministre, quelle que soit la couleur du gouvernement », réaffirme-t-il auprès de La Tribune Dimanche.

Une autre option circule désormais : celle du chiraquien Jean-Pierre Denis, ex-secrétaire général adjoint de l'Élysée et patron du Crédit Mutuel Arkéa pendant treize ans. « Ce ne serait ni saugrenu ni délirant par rapport aux marchés, qui auraient là un interlocuteur à qui parler, acquiesce une source qui a l'oreille de Marine Le Pen. Il faut remplir les trous de compétence honnêtement reconnus chez nous. » C'est là où on en revient à Éric Ciotti et à l'optimisme de Jordan Bardella. Depuis la dissolution, le numéro un du Rassemblement national répète que, à défaut d'une majorité absolue (289 sièges) à la chambre basse, il refusera d'être Premier ministre. Mercredi matin, lors d'une réunion stratégique, la garde rapprochée de Marine Le Pen a admis qu'au-delà de 270 les choses seraient jouables.

Pour combler l'écart, les frontistes tendront la main à certains LR qui ont fait campagne sous leurs propres couleurs. « À droite, ils veulent tous être ministres, s'amuse un conseiller RN. En plus, il y a la pression de leurs équipes, les collaborateurs qui veulent les rênes de l'État pour se faire un carnet d'adresses avant de se recaser dans le privé. » Des « discussions » seraient même en cours avec deux membres de feu le groupe centriste et ultramarin Liot. Charles de Courson et Bertrand Pancher nient tout contact, sans être en mesure d'en dire autant pour leurs anciens collègues. « Ce qu'on demande, c'est juste qu'ils votent la confiance et le budget », dédramatise un lieutenant de Jordan Bardella. Quelles qu'elles soient, ces forces d'appoint pourraient se révéler aussi cruciales que la dot ciottiste. De là à imaginer une concurrence interne avant l'heure...

Jules Pecnard
Commentaires 8
à écrit le 01/07/2024 à 9:28
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L important est de constituer un front républicain contre la gauche caviar et la NUPES NPA Un véritable cordon sanitaire face à LFI /NPA

à écrit le 30/06/2024 à 14:45
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Il vznd la peau de l ours

à écrit le 30/06/2024 à 11:12
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il va falloir rapidement revoir le tres politique conseil d'etat ,,,,,,,???QUI voit le RN extrme droite et le FFI seulement à gauche !! et ce n'est pas la seule decision contestable

le 30/06/2024 à 23:41
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Explication : «Il n'y a aussi aucune contestation chez LFI des valeurs républicaines. En revanche, au RN, on retrouve des contestations de la part de Marine le Pen et de certains de ses membres.» confirmé pas plus tard qu'hier par les déclaration de...

à écrit le 30/06/2024 à 11:04
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une journee historique pour le pays nous somme la pepiniere nationale du RN merci xavier

à écrit le 30/06/2024 à 9:39
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Je décide, il exécute,il ne connait certainement pas cette phrase mythique le trop jeune Bardella, s'il devait réussir dans son entreprise il l'apprendra rapidement à son dépend sa laisse majesté.

à écrit le 30/06/2024 à 9:16
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Choisir les moins bas du front.

à écrit le 30/06/2024 à 7:38
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Quel cinéma pour au final faire venir la Troïka... ils ont de la chance il fait pas beau aujourd'hui.

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