Agriculteurs : la FNSEA dégaine 40 propositions, Attal fera des annonces « sans tabou » dans quelques jours

Par latribune.fr  |   |  1303  mots
D'ici à vendredi, des agriculteurs issus de 85 départements vont mener des actions, de manière continue, selon le patron de la FNSEA. (Crédits : Rémi Benoit)
Selon Arnaud Rousseau, patron du premier syndicat agricole français, ces revendications concerneront « la dignité du métier d'agriculteurs », « le juste revenu », « les prix » ou encore les « normes ». En attendant, la mobilisation des agriculteurs s'intensifient partout en France ce mercredi avec une multiplication des blocages sur les routes. Des blocages que le gouvernement s’est engagé à ne pas empêcher.

[Article publié le mardi 24 janvier 2024 à 12h20 et mis à jour à 13h53] Le premier syndicat agricole passe à la vitesse supérieure. Alors que l'organisation intensifie ses actions ce mercredi partout en France, elle communiquera aussi ce mercredi soir une « quarantaine » de « revendications claires », certaines ayant besoin d'une réponse « tout de suite », a averti son président, Arnaud Rousseau, sur franceinfo.

Ces revendications tourneront autour de trois thématiques, « la dignité du métier, il faut qu'on change d'état d'esprit, la reconnaissance du métier, le juste revenu, les prix, la question de l'eau et des produits phytosanitaires; et l'exercice du métier, les contrôles, la sur-administration et les normes », a détaillé Arnaud Rousseau.

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« On aura aussi un timing, car il y a des choses dont on a besoin tout de suite, mais il y a aussi des choses du cadre européen, et on sait très bien que ce ne sera pas trois jours qui suffisent », a-t-il ajouté.

Les mobilisations s'intensifient ce mercredi

Près d'une semaine après avoir débuté, le mouvement touche de nombreux axes importants du pays, symboles d'un malaise du monde paysan qui s'exprime aussi ailleurs en Europe. En Occitanie, département d'où la fronde est partie, des barrages continuent de perturber la circulation sur le réseau autoroutier.

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Dans le sud mais plus à l'est, un convoi d'environ 70 tracteurs parti du Vaucluse a remonté l'A7 vers la Drôme plus au nord, engendrant une coupure de l'autoroute dans le sens Marseille-Lyon. Dans les Hauts-de-France, sur l'A16 près de Beauvais (Oise) et au niveau des accès aux plateformes transmanche, sans perturber à ce stade le trafic Eurotunnel.

Les manifestants empêchent l'accès la principale voie d'accès au port de Calais aux camions en partance pour le Royaume-Uni transportant de la marchandise, « mais laissent passer les véhicules de tourisme », a affirmé le port de Calais à l'AFP. Selon le représentant de la FDSEA dans le Calaisis, Antoine Peenaert, ces blocages doivent se poursuivre jusqu'à 15 heures.

En Bretagne, des tracteurs bloquent la RN12, l'axe principal entre Rennes et Brest, au niveau de Morlaix. Dans le Centre, des blocages sont en cours à Orléans, Châteauroux et en direction de Bourges. En Normandie, tracteurs et éleveurs bloquaient en fin de matinée, à Domfront en Poiraie dans l'Orne, l'usine de camembert Président du groupe Lactalis, accusé de « fouler au pied » la loi Egalim censée garantir la rémunération des agriculteurs par les industriels.

D'autres actions attendues ces prochains jours

D'ici à vendredi des agriculteurs issus de 85 départements vont mener des actions, et de manière continue, selon le patron de la FNSEA.

« Le degré de détermination est total. Tous les départements vont entrer en action, avec des actions plus ou moins longues en fonction des territoires. L'objectif, c'est pas d'emmerder les Français mais d'obtenir des résultats rapides », a déclaré le patron de la FNSEA.

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 Interrogé ce matin par franceinfo sur les éventuels débordements lors des mobilisations, Arnaud Rousseau a tenu à rassurer : « Nos manifestations sont déclarées, on a dit qu'il ne fallait pas de violence, car parfois elle n'est pas très loin. La violence n'est pas une réponse à ce qui se passe en ce moment. Sécurisation, responsabilité... tout cela ne tiendra que si rapidement on a des réponses très concrètes car les agriculteurs ne sont pas des gens avec qui il faut jouer. »

Avant d'ajouter que « personne n'a intérêt à l'escalade ».

À l'occasion de cette interview, le patron de la FNSEA a aussi expliqué que « (...) bloquer le pays est un moyen pour obtenir rapidement des décisions ». Et d'insister : « Une fois que la mèche est allumée, les agriculteurs veulent aller jusqu'au bout, il n'y a pas d'esprit de recul, les choses vont changer ».

Le gouvernement n'empêchera pas les blocages...

La porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, a reconnu ce mercredi matin que les « manifestations organisées » le sont « dans un cadre légal ».

« Il n'est pas question de venir empêcher cette expression de revendication », a-t-elle ajouté.

Face à la grogne qui monte, le gouvernement tente plutôt d'accélérer. Prisca Thevenot a assuré que l'exécutif a « entendu l'appel » lancé par « la nation agricole ». Elle a promis que des « annonces vont arriver dans les jours qui viennent », car « il y a urgence à répondre » aux revendications du secteur. Elle a évoqué des pistes à l'étude sur la fiscalité du gazole non routier et « les avances de trésorerie » aux chefs d'exploitation.

« Le mot d'ordre, c'est qu'il ne doit pas y avoir de tabou, on doit pouvoir avancer sur tous les sujets », a insisté Prisca Thevenot, pointant les « normes environnementales », qui, « de temps en temps, plutôt que de libérer et protéger, sont venues asphyxier » l'agriculture française.

De quoi compléter les propos tenus par le Premier ministre Gabriel Attal ce mardi à l'Assemblée nationale. Ce dernier y avait évoqué des mesures qui pourraient arriver rapidement : d'abord sur la rémunération des agriculteurs par les industriels et les grandes surfaces, censée être sanctuarisée par la loi Egalim. Pour rappel, les négociations commerciales annuelles se termineront le 31 janvier. Le Premier ministre s'est en outre « engagé à se rendre très rapidement sur le terrain », a assuré la porte-parole du gouvernement.

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... et cherche l'apaisement

La Macronie, qui a mis du temps à tisser sa réconciliation avec le monde agricole et la FNSEA, espère s'appuyer sur ces relations apaisées, mais encore fragiles pour éteindre la crise, quitte à nourrir les soupçons de « complaisance » formulés par les écologistes. L'exécutif multiplie les signes de compréhension pour éviter que la colère ne vire à la jacquerie. Emmanuel Macron a encore demandé mardi d'« apporter des solutions concrètes aux difficultés ».

Pour le chef de l'Etat, il y a urgence. Et pour cause, sa visite traditionnelle à l'ouverture du Salon de l'agriculture, dans un mois, risque d'être chahutée si la pression ne retombe pas.

Pour cela, il sait pouvoir compter sur les liens solides tissés avec l'influente Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), devenue l'interlocuteur privilégié du pouvoir. La FNSEA comme les JA, reçus dès lundi par Gabriel Attal, sont « des corps intermédiaires qui jouent pleinement leur rôle » dans « une volonté de dialogue », se réjouit un membre du gouvernement, faisant la différence avec l'attitude des grandes centrales syndicales pendant la réforme des retraites.

Ecouter les revendications

Jouant habilement du rapport de forces, l'organisation agricole a ainsi engrangé récemment des victoires contre des hausses de taxes sur les pesticides. La sortie de crise qu'imagine le camp présidentiel pourrait donc être orchestrée de concert.

Ancien député et ex-éleveur, qui échange régulièrement avec Emmanuel Macron, Jean-Baptiste Moreau recommande de « laisser cette colère s'exprimer » avant d'annoncer des réponses gouvernementales, « pour qu'ensuite la FNSEA ou la Coordination rurale puissent reprendre la main ».

Le président ou son Premier ministre « devront ensuite se déplacer sur le terrain et écouter toutes les revendications », « sur une exploitation agricole » et en compagnie des organisations intermédiaires, plaide-t-il.

« Si le Premier ministre prend le sujet en main, c'est qu'il a compris que c'est pas le ministre de l'Agriculture qui allait le régler tout seul » observe un dirigeant de la FNSEA à propos du ministre Marc Fesneau, par ailleurs fortement chahuté à l'Assemblée nationale mardi.

(Avec AFP)