![Selon le Collectif des femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale, « dans 90% des cas, ce sont des femmes qui se retrouvent à payer seule la dette fiscale de leur ex-conjoint »](https://static.latribune.fr/full_width/2150239/euros.jpg)
Ce n'est pas une révolution, mais un pas en avant en faveur des victimes de la solidarité fiscale. Des ex-épouses ou partenaires de Pacs qui ont appris un beau jour que leur ex-conjoint avait contracté des dettes auprès de l'administration fiscale pendant leur vie commune, et qu'elles étaient solidaires de leur paiement. Car ce sont en grande majorité des femmes qui sont concernées par cette situation, selon le Collectif des femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale, qui indique que « dans 90% des cas, ce sont des femmes qui se retrouvent à payer seule la dette fiscale de leur ex-conjoint ».
Et ce, même si ces femmes étaient mariées sous le régime de la séparation de biens. Car, rappelle le Code général des impôts (CGI, art.1691 bis) « les époux et les
partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont tenus solidairement au paiement
de l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune ». C'est pour leur venir en aide que le député MoDem Hubert Ott a déposé une proposition de loi en décembre dernier.
Adopté par l'Assemblée nationale le 18 janvier, puis modifié par le Sénat deux mois plus tard, le texte a finalement atterri en Commission mixte paritaire (CMP) mardi 19 mai. « Et la CMP a été conclusive », se réjouit la sénatrice Union-Centriste Isabelle Florennes auprès de La Tribune.
Être reconnu « tiers à la dette » de son ex-conjoint
Pour aider les victimes d'ex-conjoints endettés, les parlementaires ont retenu l'idée formulée initialement par l'Assemblée nationale. À savoir, permettre aux demandeurs de la décharge de solidarité fiscale d'être reconnus par Bercy comme « tiers à la dette » de leur ex-conjoint, en s'appuyant sur l'article L. 247 du Livre des procédures fiscales (LPF). Ce qui n'était pas possible jusqu'à présent. Et ce, même dans le cas où les victimes ont
potentiellement les moyens financiers de rembourser la dette contractée, à leur insu, par leur ex-mari ou partenaire de Pacs.
Ce nouveau mécanisme représente une avancée importante car, aujourd'hui, la décharge de solidarité fiscale est notamment accordée par Bercy suivant un critère qui prête à polémique : « la disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale, et à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges du demandeur », indique le CGI. Une capacité de remboursement qui est évaluée par l'administration fiscale sur une période « n'excédant pas trois années » depuis la loi de finances pour 2022.
Mais ce critère aléatoire de la « disproportion marquée » a conduit de nombreuses demandes de contribuables à être refusées par Bercy ces dernières années... Selon les chiffres de la députée Perrine Goulet, rapporteuse de la proposition de loi Ott, 288 demandes de décharges ont été formulées en 2022, et seulement 100 dossiers ont été retenus par les équipes du fisc.
« On peut espérer que des contribuables qui ne remplissent pas les critères légaux de la décharge (disproportion marquée, NDLR) mais qui peuvent prouver qu'ils sont étrangers aux dettes contractées par leur ex-conjoint pourront enfin obtenir gain de cause auprès de Bercy », réagit Paul Féral-Schuhl, avocat fiscaliste et cofondateur du cabinet Arfé Avocats.
Mais l'avocat reste prudent... Car la procédure restera entièrement au bon vouloir de l'administration fiscale.
Remboursement des sommes déjà versées au fisc et traitement des dossiers centralisé
Autre nouveauté validée par les parlementaires : quand une décharge de solidarité sera prononcée et si le contribuable a déjà versé des sommes à Bercy, celles-ci lui seront restituées par le fisc. Une disposition introduite à l'origine par les sénateurs, et à laquelle le ministère des Finances n'était guère favorable...
Pour pousser l'administration fiscale à s'emparer de ces nouveaux dispositifs, « le ministre chargé des Comptes publics, Thomas Cazenave, s'est engagé à faire évoluer la doctrine fiscale, avec rédaction de nouvelles consignes au Bulletin des finances publiques (BOFiP) d'ici l'été », assure la sénatrice Florennes. Par ailleurs, une cellule nationale des traitements des dossiers « doit être rapidement créée », selon la députée Goulet pour éviter leur gestion disparate à l'échelon départemental. « Nous allons avoir quelques mois d'ici le projet de loi de finances pour 2025 pour vérifier que le texte fonctionne, et que le nombre de décharges de solidarité fiscale accordées par Bercy augmente. Si ce n'est pas le cas, le sujet reviendra sans doute à nouveau en loi de finances », prévient l'élue des Hauts-de-Seine.