![Les Médicobus de l’Alsacien Hocoia vont au devant des patients dans dix départements français.](https://static.latribune.fr/full_width/2393594/medicobus.jpg)
En 2023, 67% des Français ont dû renoncer au moins une fois à se soigner et six millions de personnes n'ont pas de médecin traitant. En une décennie, la France est passée du 3e au 15e rang mondial en termes de qualité de système de santé. Issus d'une étude de l'institut Quorum, partenaire des premières Assises nationales de l'accès aux soins, organisées à l'initiative du département du Loir-et-Cher sous l'égide du ministère de la Santé, ces chiffres illustrent, à eux seuls, le malaise du secteur.
« La cause principale en est la logique comptable qui a présidé au sein des gouvernements successifs à partir du milieu des années 1980, assure Philippe Gouet, président du département du Loir-et-Cher, et ostéopathe de profession. Conjugués avec le vieillissement accru de la population française, le numerus clausus de médecins et la limitation des investissements dans les hôpitaux, décidés à l'époque, font aujourd'hui l'effet d'une bombe à retardement trois décennies plus tard ».
Pénurie de 10 spécialités médicales sur 44
Conséquence la plus visible ? La multiplication des déserts médicaux qui frappent traditionnellement les zones rurales, mais aussi les villes moyennes, voire les grandes agglomérations pour certaines spécialités. « Les médecins font cruellement défaut au plan national dans une dizaine de spécialités sur les 44 recensées, confirme Jean-Marcel Mourgues, vice-président de l'Ordre des médecins et praticien généraliste dans le Lot-et-Garonne. Ce manque concerne notamment la cardiologie, la psychiatrie, la rhumatologie, la dermatologie et l'ORL, dont des territoires entiers de l'Hexagone sont privés ».
Preuve que le sujet inquiète à tous les niveaux de la chaîne de décision, quelque 500 élus, médecins et professionnels de la santé, publics et privés, étaient présents à Vendôme le 13 juin pour assister aux débats. Ces derniers ont permis de faire émerger quelques solutions à court et à plus long terme.
Plusieurs départements et régions font preuve de volontarisme sur ce dossier, à l'image de la Saône-et-Loire et du Centre Val de Loire. Le plan santé du département de Bourgogne a ainsi permis de salarier 70 médecins pour pallier les trous dans la raquette territoriale. Côté Tours et Orléans, la collectivité régionale a lancé en 2021 un programme de recrutement de 150 médecins sur cinq ans.
Pour pallier également le manque de médecins, la télémédecine constitue une solution alternative d'avenir. Elle reste toutefois insuffisamment qualitative aux yeux de Philippe Gouet. « Nous bataillons au niveau des départements pour que le gouvernement légifère enfin sur ces dispositifs, tacle l'élu du Loir-et-Cher. Tant en termes de matériel, de personnel présent, que de temps de consultation, de graves lacunes subsistent faute d'encadrement juridique et de labellisation des cabines ».
La furtivité du passage des ministres de la Santé, six en sept ans, ne facilite pas non plus la régulation de la télémédecine. Le déploiement de Médicobus par la société alsacienne Hocoia semble également prometteur. Ces cabinets médicaux multidisciplinaires ambulants sont déjà en circulation dans dix départements de l'Hexagone, dont le Cher en Centre Val de Loire.
Plasticité des carrières médicales
Sur le fond, à plus long terme, l'amélioration de l'accès au soin passerait par deux priorités, martelées lors des Assises par le numéro 2 de l'Ordre des médecins. Il réclame d'une part « une refonte complète du parcours de soins, sous l'égide des médecins, pour redonner cohérence et efficacité à l'ensemble ». Afin de pallier le manque de spécialistes, Jean Marcel Mourgues appelle d'autre part à la mis en place d'une plus grande agilité et plasticité des carrières médicales.
Concrètement, des formations complémentaires dans les spécialités où la pénurie est la plus importante, seraient dispensées aux étudiants en médecine et aux médecins généralistes en exercice. Une solution qui s'inscrit parallèlement à la montée en compétence déjà engagée vis-à-vis des infirmières et des pharmaciens, pour désengorger les cabinets médicaux sur les pathologies bénignes.