Crise du logement et Airbnb  : le Sénat adopte des mesures pour réguler le marché des meublés touristiques

Le Sénat a adopté mardi plusieurs mesures de régulation du marché des meublés touristiques comme Airbnb. Une initiative transpartisane pour redonner du pouvoir aux maires, s'attaquer à une niche fiscale décriée et répondre partiellement à la crise du logement.
A l'initiative de la droite, le Sénat a supprimé la possibilité pour les maires d'abaisser de 120 à 90 jours par an la durée maximale pendant laquelle une résidence principale peut être louée.
A l'initiative de la droite, le Sénat a supprimé la possibilité pour les maires d'abaisser de 120 à 90 jours par an la durée maximale pendant laquelle une résidence principale peut être louée. (Crédits : Martin Bertrand / Hans Lucas via Reuters Connect)

Rare moment de concorde autour d'une loi. Au Sénat, la proposition portée par les députés Annaïg Le Meur (Renaissance) et Iñaki Echaniz (Parti socialiste), déjà adoptée par l'Assemblée nationale, a reçu un accueil unanime à la chambre haute, même dans les rangs de la droite majoritaire.

Pourtant Les Républicains (LR) s'y étaient opposés très largement à l'Assemblée nationale, invoquant notamment la défense des « petits propriétaires ». Mais leurs homologues sénateurs ont atténué certaines mesures, pour qu'il se dégage un consensus dans la « chambre des territoires ». Avec l'objectif partagé de donner aux élus locaux des clés pour réguler la prolifération des meublés touristiques, accusés parfois de nuire à la location de longue durée.

« Il en va de notre responsabilité de permettre aux Français de se loger dans les territoires les plus touristiques », avait plaidé avant le vote le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, favorable à l'essentiel des mesures pour « rétablir de l'équité ».

De nombreux élus, en bord de mer ou dans les grandes villes, s'alarment en effet de la pénurie de logements dans leurs territoires et ciblent l'explosion du nombre d'Airbnb, favorisée notamment par une fiscalité très avantageuse. C'est précisément cette « niche fiscale Airbnb » qui a été au cœur des débats en fin de soirée.

Les meublé classés mieux traités

Ex-adjoint au Logement à la mairie de Paris, le sénateur communiste Ian Brossat a appelé à sortir « d'une absurdité qui fait qu'aujourd'hui, un propriétaire paye plus d'impôts s'il loue son logement à un salarié à l'année, que s'il loue son logement à des touristes ».

Le texte voté à l'Assemblée proposait de réduire à 30% le taux d'abattement sur les revenus issus des locations des meublés de tourisme - contre 71% ou 50% actuellement - à l'exception des zones rurales « très peu denses ». Malgré les appels de la gauche à « aller plus loin », le Sénat a légèrement atténué cette évolution : le taux de 30% a été approuvé mais un abattement plus favorable de 50% a été conservé pour les seuls meublés « classés », pour « inciter au classement », parfois coûteux, de ces logements touristiques.

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Un dispositif « à la fois plus lisible, plus juste et plus équilibré », s'est justifié le rapporteur général du Budget Jean-François Husson (LR), qui a également fait supprimer du texte l'exception de ruralité. Sur ce point central de la fiscalité, l'exécutif est resté assez flou sur ses intentions, le ministre du logement se contentant d'estimer que « le statu quo n'est pas satisfaisant », sans se positionner clairement

Une résidence principale pourra toujours être louée 120 jours sur Airbnb

Particulièrement ciblée, la plateforme Airbnb s'était dite ouverte à des évolutions législatives, mais avait appelé les sénateurs « à mieux cibler ces mesures pour s'attaquer spécifiquement à la spéculation », selon son directeur France, Clément Eulry. Les demandes de la plateforme ont d'ailleurs été entendues sur un article-clé : à l'initiative de la droite, le Sénat a supprimé la possibilité pour les maires d'abaisser de 120 à 90 jours par an la durée maximale pendant laquelle une résidence principale peut être louée.

« N'en déplaise à certains, le droit de propriété s'applique en France. 120 jours, c'est la possibilité pour certains de joindre les deux bouts », a martelé la sénatrice LR Anne Chain-Larché.

« L'impact sur le logement serait nul, puisque que cela reste une résidence principale, quel que soit le nombre de nuitées », avait pu dire à La Tribune, le patron France d'Airbnb. «  L'impact sur le pouvoir d'achat et l'attractivité des territoires serait, lui, évident. J'en veux pour preuve qu'en 2023, Airbnb a rapporté près de 187 millions d'euros de taxe de séjour aux collectivités. »

La gauche a regretté un « retour en arrière ». « On retiendra que le Sénat ne fait pas confiance aux maires », a raillé le socialiste Rémi Féraud. Les sénateurs ont également allongé le délai laissé aux propriétaires de meublés touristiques pour se conformer aux exigences de décence énergétique : l'étiquette énergétique classée D ne sera nécessaire qu'en 2034, contre 2029 selon la version votée à l'Assemblée nationale.

Et maintenant, place au projet de loi logement

Sénateurs et députés devront désormais s'accorder sur un texte de compromis lors d'une commission mixte paritaire, dont la date n'est pas fixée. En attendant, plusieurs parlementaires ont appelé à poursuivre la réflexion lors de l'examen du projet de loi logement à partir du 17 juin au Sénat. « L'essor des meublés de tourisme est loin de résumer l'ampleur du déséquilibre du marché locatif actuel », a prévenu la sénatrice LR Sylviane Noël. Le Sénat a réservé trois jours pour l'examiner, du 17 au 19 juin. Un vote solennel sera organisé le mardi 25 juin à 14h30. Le texte sera auparavant examiné en commission, le 5 juin.

Pour tenter de débloquer le parcours résidentiel des Français, le gouvernement touche à plusieurs règles du logement social dans ce projet de loi mené par le ministre Guillaume Kasbarian. Une réforme très décriée à gauche et par les cinq principales associations de locataires HLM qui ont fustigé une « chasse aux pauvres ».

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« On marche sur la tête ! », s'est exclamée dans un communiqué Cécile Duflot, directrice générale d'Oxfam France. Particulièrement ciblé : l'assouplissement annoncé de la loi SRU, qui impose aux villes des quotas de logements sociaux. L'exécutif souhaite que des communes hors des clous puissent, à l'avenir, intégrer le logement intermédiaire, plutôt destiné aux classes moyennes, dans une partie de leur production.

Ce projet de loi sur le logement est l'un des trois grands textes gouvernementaux que le Sénat examinera lors d'un mois de juin très chargé, après le projet de loi de simplification (à partir du 3 juin en première lecture) et avant le projet de loi d'orientation agricole. Actuellement discuté à l'Assemblée nationale, ce dernier arrivera dans l'hémicycle de la chambre haute à partir du lundi 24 juin.

(Avec AFP)

Commentaires 5
à écrit le 23/05/2024 à 11:06
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Il faut que la législation nous permettent d s expulser les clients, mauvais payeur à la vitesse du feu, il faut créer un fichier qui recueille systématiquement les impayés locatifs mais aussi les impayés subis par les entreprises et les administr...

à écrit le 23/05/2024 à 7:25
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En général les grandes idées politiques font flop . Celle là sera du même acabit car les loueurs peuvent en quelques semaines souvent l'été faire le chiffre d'une année pour une location traditionnelle. En plus pas de soucis de paiement le règlement ...

à écrit le 23/05/2024 à 2:14
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La France, cet enfer fiscal avec cet etat omnipotent s'occupant de tout et ne laissant qu'un champ de cendres. Pouah....

à écrit le 22/05/2024 à 14:58
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Les pauvres ! sénateurs , députés , ministres et autres conseillés, ils ne savent faire que des nouvelles règles, de nouvelle taxation ,de nouvelle normes et de nouvelle sanction. Les problèmes de fond ne sont jamais traité mais on rajoute des couc...

à écrit le 22/05/2024 à 11:59
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Qu'on allège la fiscalité sur les la location de logements. En s'alignant sur la location HLM: -Exonération de taxe foncière -Suppression de l'IFI -Réduction significative du taux d'imposition (IR + prélèvement sociaux: ctuellement entre 35 et 50%...

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