LA TRIBUNE DIMANCHE - Les incels sont-ils tous des agresseurs ou des terroristes en puissance ?
AURORE BERGÉ - Ils partagent une conception des femmes et de la violence qui les réunit. Ils considèrent que les hommes peuvent, par nature, disposer du corps des femmes. Donc il y a un lien intrinsèque avec l'idée même de la violence et la prédation. C'est un mouvement dangereux.
Les masculinistes en général et les incels en particulier représentent-ils une menace en France ?
Ils représentent déjà une menace dans le discours qu'ils portent. On observe que le volume des messages augmente sur les différents forums, et cette idéologie antiféministe se diffuse de plus en plus, c'est ce que les militantes appellent le « backlash » [contrecoup] post-MeToo. Mais ces idées ne datent pas d'hier. J'ai rouvert le livre d'Éric Zemmour Le Premier Sexe, dans lequel il écrit : « La virilité va de pair avec la violence, [...] l'homme est un prédateur, un conquérant. »
Un contrecoup ? Cela signifie que le combat féministe recule ?
On observe une lassitude, une certaine fatigue. Les entreprises sont les premières à nous en parler. On reçoit de plus en plus d'alertes qui disent « c'est bon, on peut passer à autre chose ». C'est un peu insidieux, personne ne dit qu'il faut faire reculer les droits des femmes, mais le discours selon lequel « on en fait trop » et que ça ne doit plus être un combat revient. Mais si, cela reste un combat, il ne faut pas relâcher l'effort.
Comment éviter que certains jeunes hommes tombent dans la mouvance incel ?
Il faut éduquer dès le plus jeune âge, dès la petite enfance. Il faut faire infuser dans la société une culture du respect et de l'égalité entre les femmes et les hommes. L'instauration des cours d'empathie et la modification des programmes scolaires avec l'éducation à la vie affective portée par Nicole Belloubet vont dans ce sens.
