Assurance chômage : l'assouplissement prévu pour les salariés démissionnaires est « cosmétique », jugent les syndicats

Le projet de décret réformant l'assurance chômage prévoit que les salariés démissionnaires ayant un projet professionnel devront avoir travaillé 1300 jours sur les six dernières années - au lieu de cinq - pour être indemnisés. Cette mesure est toutefois jugée « cosmétique » par les syndicats interrogés par La Tribune.
Seulement 22.836 personnes ont ouvert un droit à la suite d'une démission pour projet professionnel entre novembre 2019 et avril 2022 , selon les chiffres de l'Unédic.
Seulement 22.836 personnes ont ouvert un droit à la suite d'une démission pour projet professionnel entre novembre 2019 et avril 2022 , selon les chiffres de l'Unédic. (Crédits : Reuters)

Les salariés démissionnaires vont-ils toucher plus facilement le chômage ? Si la réforme de l'assurance chômage prévoit de durcir les règles d'indemnisation, le projet de décret envoyé au Conseil d'Etat mardi dernier, que La Tribune a pu consulter, fait apparaître un « assouplissement » des conditions d'indemnisation des salariés démissionnaires ayant un projet de reconversion professionnelle, de création ou de reprise d'entreprise.

Pour rappel, la démission ne permet pas de bénéficier de l'allocation de retour à l'emploi (ARE), sauf dans dix-sept cas de démissions dites « légitimes » (conjoint muté, etc.). Lors de la campagne présidentielle en 2017, Emmanuel Macron avait promis d'ouvrir « les droits à l'assurance chômage aux salariés qui démissionnent ».

« Tous les cinq ans, chacun y aura droit, s'il choisit de démissionner pour changer d'activité ou développer son propre projet professionnel, indiquait le site d'En marche !. Ceci incitera les entreprises à investir pour améliorer la qualité de vie au travail afin de conserver leurs salariés, dont nous renforçons ainsi le pouvoir de négociation. »

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L'ambition d'Emmanuel Macron d'une « assurance chômage universelle » avait finalement été revue à la baisse. Depuis le 1er 2019, l'indemnisation est ouverte aux salariés qui « poursuivent un projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d'une formation ou un projet de création ou de reprise d'une entreprise », à condition de « justifier d'une durée d'affiliation spécifique équivalant à au moins 1 300 jours travaillés au cours des soixante mois (5 ans, NDLR) qui précèdent la fin du contrat de travail ».

1300 jours sur six ans au lieu de cinq

Mais après l'entrée en vigueur de ce dispositif, seulement 22.836 personnes ont ouvert un droit à la suite d'une démission pour projet professionnel entre novembre 2019 et avril 2022, selon les chiffres de l'Unédic. « Le dispositif est tellement contraint dans ses modalités que très peu de gens y ont accédé », explique l'économiste Bruno Coquet, chercheur associé à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

C'est pourquoi le récent projet de décret prévoit un « assouplissement de la condition d'affiliation spécifique pour le dispositif démissionnaire en lien avec une recommandation du Médiateur de France travail en la faisant passer de 1300 jours sur les cinq dernières années à 1300 jours sur les six dernières années ». En clair, il faudra avoir travaillé au moins 1300 heures sur six ans au lieu de cinq pour prétendre à cette indemnisation.

Contacté par La Tribune, le ministère du Travail justifie cet assouplissement par le fait que les règles actuelles « exclu[en]t notamment des personnes qui ont eu quelques jours sans contrat de travail (entre deux mois par exemple) ». Le mesure autorisera « ainsi des parcours moins homogènes », indique-t-on rue de Grenelle.

Pour Jean-François Foucard, secrétaire confédéral de la CFE-CGC en charge de l'emploi, il s'agit d'un « non-événement ». « Pourquoi pas... Ça ne peut pas faire de mal, mais ça ne fera pas de bien », soupire-t-il, estimant que « ça ne va pas changer la face du monde ».« C'est un micro-ajustement », déplore Denis Gravouil, secrétaire confédéral de la CGT chargé de l'assurance-chômage. Selon lui, la mesure concernera « peut-être quelques centaines de démissionnaires » supplémentaires. « C'est vraiment cosmétique », lance-t-il.

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Pour Bruno Coquet également, cet assouplissement « ne change rien ». Le profil des bénéficiaires actuels recouvre « des personnes qui ont travaillé quasiment tout le temps pendant cinq ans, en CDI, ou en CDD presque sans interruption », selon le spécialiste du marché de l'emploi et de l'assurance-chômage.

Un « élément de communication », selon Bruno Coquet

Allonger la durée d'affiliation sur six ans va seulement permettre de toucher « des personnes qui ont eu une interruption, qui sont très proches de ce profil et dont la probabilité de démission est faible », anticipe Bruno Coquet. Pour lui, il s'agit d'un « élément de communication pour dire que le gouvernement ne durcit pas les règles pour tout le monde mais les accommode pour un certain nombre de cas ». Bertrand Martinot, économiste à l'Institut Montaigne et spécialiste de la question du chômage, affirme également que le nombre de bénéficiaires est « résiduel et va le rester ». « Ce n'est pas parce qu'on passe à six ans plutôt que sur cinq ça va changer quelque chose. »

Interrogé par La Tribune sur le nombre de personnes salariés concernés par le dispositif après cet assouplissement, le ministère du Travail n'a pas donné de chiffre. Le Figaro évoque le chiffre de « 30.000 par an » mais « cela semble énorme », affirme Bruno Coquet. « Il n'y aura pas une telle augmentation, ce n'est pas possible », estime-t-il.

Commentaires 3
à écrit le 11/06/2024 à 16:28
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Jours ou heures ? : "une recommandation du Médiateur de France travail en la faisant passer de 1300 jours sur les cinq dernières années à 1300 jours sur les six dernières années ». En clair, il faudra avoir travaillé au moins 1300 heures sur six a...

à écrit le 11/06/2024 à 15:38
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Les députés de la majorité ayant augmenté le déficit public sans aucune raison, comme maintenant, ne devrait pas toucher de retraites de députés. Les économies devraient être faites par tout le monde, en particulier par les incompétents.

à écrit le 11/06/2024 à 15:10
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Et pour les futurs députés chômeurs des règles plus strictes ?

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