Alimentaire : des négociations annuelles anticipées, Bercy vise une baisse des prix en 2024

Par latribune.fr  |   |  1329  mots
Bruno Le Maire a reçu les distributeurs et les industriels, mercredi et jeudi, pour tenter d'obtenir l'ouverture des négociations anticipée. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a annoncé, ce jeudi, l'ouverture, dès septembre, des négociations entre les supermarchés et les industriels agroalimentaires. Objectif affiché, répercuter la baisse du prix de certaines matières premières « dès le mois de janvier 2024 », alors que l'inflation des produits alimentaires demeure à un niveau élevé. En outre, le prix de 5.000 références en magasins n'augmentera pas ou baissera.

[Article publié le jeudi 31 août à 14H04 et mis à jour à 17H45] Les distributeurs ont finalement obtenu gain de cause. Les traditionnelles négociations commerciales avec les industriels s'ouvriront de façon anticipée, a annoncé le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, ce jeudi 31 août. Les 75 plus gros industriels se sont engagés à ouvrir ces négociations tarifaires avec les distributeurs en France en septembre, avec pour objectif d'avoir une baisse de tarif « dès le mois de janvier 2024 », a-t-il déclaré sur le plateau du journal télévisé de 13H de France 2.

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En temps normal, elles se tiennent chaque année de décembre au 1er mars et réunissent autour de la table supermarchés et leurs fournisseurs de l'agro-industrie. Ainsi, « plutôt que d'avoir des négociations qui se concluent au printemps 2024, elles seront conclues au début de l'année 2024 », a assuré Bruno Le Maire, annonçant « un texte de loi qui gravera dans le marbre l'anticipation de cette négociation ».

Répercuter la baisse du prix des matières premières

Ces négociations doivent définir les conditions de vente d'une large partie des produits vendus le reste de l'année en grandes surfaces. Lors du dernier épisode conclu en mars dernier, le prix moyen payé par les supermarchés aux industriels s'est apprécié de 9%.

Mais le prix d'un certain nombre de matières premières a décru depuis. Une baisse qui ne se fait pas ressentir dans les rayons des magasins. « Les baisses de cours, elles, ont commencé maintenant pour certaines, il y a 9 mois. Les industriels ont décidé, c'est leur choix, de ne pas répercuter les baisses », déplorait ainsi le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, mardi dernier.

Une nouvelle fois, mercredi, les distributeurs ont donc demandé, lors d'une réunion à Bercy, « à pouvoir renégocier vraiment et le plus vite possible » pour répercuter dans les rayons des supermarchés la baisse des coûts de production de nombreuses denrées, a rapporté le délégué général de la fédération patronale de la grande distribution (FCD), Jacques Creyssel, à l'issue de cet entretien avec Bruno Le Maire et la ministre déléguée notamment au Commerce Olivia Grégoire.

« L'enjeu est de faire en sorte que les grands industriels, notamment étrangers, veuillent bien enclencher les renégociations pour ne pas attendre mars prochain », a encore martelé Jacques Creyssel, expliquant que : « cela peut passer par la loi ou par un accord avec un engagement de la part des industriels, comme notre secteur l'avait fait l'an dernier » quand les coûts de production étaient cette fois orientés très à la hausse.

Les industriels « d'accord sur le principe »

Ce jeudi, c'était au tour des industriels de se rendre à Bercy pour tenter de trouver une issue favorable, en particulier pour le consommateur qui continue de subir de plein fouet l'inflation des produits alimentaires. En juillet, elle atteignait toujours 12,7% sur un an, selon l'Insee. Un chiffre en baisse par rapport à juin (+13,7%), mais qui demeure élevé. De quoi provoquer « un tsunami de déconsommation », a alerté Alexandre Bompard mardi dernier. « Quand l'essentiel n'est plus accessible, il faut agir vite », a-t-il affirmé.

Un appel auquel les industriels de l'agroalimentaire ont donc répondu favorablement se disant « d'accord sur le principe [de négociations anticipées, ndlr] qui permet de faire cesser cette suspicion selon laquelle nous ne voudrions pas négocier », a ainsi affirmé le président de la principale organisation du secteur (Ania), Jean-Philippe André, ce jeudi, tout en demandant que, « quel que soit le dispositif qui soit mis en place, il faut faire attention à ne pas défavoriser les PME » du secteur.

« Anticiper d'un mois » en clôturant les négociations pour 2024 « au 31 janvier doit être un objectif pouvant être atteint », a-t-il estimé avec prudence, disant que l'Ania (Association nationale des industries alimentaires) allait « interroger (ses) adhérents sur ce point ».

5.000 références dont le prix n'augmentera pas ou baissera

Au-delà de négociations anticipées, Bruno Le Maire a également assuré que « les prix ne vont pas augmenter ou vont baisser » pour 5.000 références. Le ministre a, en outre, assuré une « répercussion obligatoire et immédiate de la baisse des prix des industriels sur les prix en rayon ». Elle devra faire l'objet de contrôles de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), un service de Bercy. Il a cité l'exemple d'un produit dont la baisse de prix de vente en amont a mis trois mois pour être répercutée.

Et s'il s'en est pris à des industriels qui, à ses yeux, « pourraient faire beaucoup plus » contre la flambée des prix, citant les géants Unilever, Nestlé ou Pepsi, il a en revanche salué ceux ayant « joué le jeu » en annonçant des baisses de prix, comme le spécialiste des pâtes alimentaires Barilla ou le géant des huiles Avril, entreprise dont le président Arnaud Rousseau vient de prendre la tête du syndicat agricole majoritaire FNSEA. « Attention à ne pas stigmatiser des entreprises », a néanmoins alerté le président de l'Ania qui veut croire que si « deux ou trois exemples » sont cités, « l'immense majorité est vertueuse et responsable aux yeux de Bercy ».

Lutter contre la « shrinkflation »

Dernière bataille que souhaite mener le gouvernement en faveur du pouvoir d'achat : celle contre la « shrinkflation » (du verbe anglais shrink, rétrécir), une pratique marketing qui consiste à masquer la hausse des prix des produits en réduisant les quantités dans un emballage semblable avec un prix de vente identique. Cette pratique est légale à condition que la mention du poids de la denrée soit modifiée. Mais elle peut induire en erreur les consommateurs.

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À ce sujet, Bruno Le Maire a déclaré ce jeudi qu'il y aurait « obligation, aussi légale, pour les industriels, de faire figurer le changement de contenu lorsqu'il a baissé et que le prix reste le même ».

« Nous lutterons contre ces pratiques trompeuses et abusives, je saisirai le Conseil national de la Consommation », a-t-il ajouté.

Pour rappel, il a déjà été saisi par la ministre déléguée chargée des PME, du commerce, de l'artisanat et du tourisme Olivia Grégoire pour réaliser une enquête sur cette pratique. Cette analyse doit être achevée « au plus tard le 31 mars 2024 », selon la lettre de mandat du Conseil national de la consommation consultée par l'AFP. « S'il faut être plus pédagogique, il n'y aura pas de problème », a, pour sa part, répondu à l'AFP Jean-Philippe André, de l'Ania.

Une initiative similaire à celle annoncée par la cheffe de file des députés Insoumis Mathilde Panot, ce jeudi, de déposer une proposition de loi pour lutter contre cette pratique. Elle propose ainsi que soit considéré comme trompeur, et donc interdit, le fait de « réduire la quantité » d'un produit « pour un prix équivalent ou supérieur sans clairement en informer le consommateur ».

« Cette pratique déloyale provoque au mieux une multiplication de déconvenues aussi surprenantes que désagréables lorsque le consommateur s'en rend compte. Au pire, elle accroît les difficultés financières de millions de Français », dénonce le texte de LFI.

Néanmoins, malgré les efforts de l'exécutif pour contraindre les acteurs de la chaîne alimentaire à alléger le poids qui pèse sur les consommateurs, ces derniers ne retrouveront pas des prix similaires à ceux de 2019 avant longtemps semble-t-il. Et pour cause, même si l'inflation, notamment alimentaire, diminue progressivement, cela ne signifie par pour autant que les prix baissent, mais plutôt qu'ils augmentent moins vite et moins fortement.

(Avec AFP)