Le secteur aérien à la recherche de l'avion propre

Allégement de la structure, optimisation de la gestion du trafic, utilisation des agrocarburants, amélioration de la motorisation : pour le secteur aérien, tous les moyens sont bons pour diminuer sa facture de carburant et son impact sur l'environnement.
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En octobre 2011, Air France a affrété son premier « vol vert » commercial entre Toulouse et Paris. Selon ses calculs, le vol aurait émis 54 g de CO2 par km et par passager, soit 50 % de moins qu?un vol normal. Pour parvenir à ce résultat, Air France a fait feu de tout bois. L?avion a été très allégé : les sièges étaient ultralégers, tout comme les éléments de bord, chariots, armoires, moquettes, et la documentation embarquée était disponible sur ordinateur et non sur papier. Les pilotes appliquaient des règles d?« éco-conduite » : roulage au sol avec un seul moteur, altitude optimisée à 34?000 pieds, descente continue? Enfin, le carburant était composé d?un mélange de kérosène et de biokérosène.
Il faut dire que la mobilité durable représente un défi de taille pour un secteur très émetteur de CO2, et qui dépend plus qu?aucun autre des énergies fossiles. Les compagnies aériennes se sont engagées à atteindre la « neutralité carbone » d?ici à 2020, sans renoncer à une croissance prévue de 5 à 6 % par an, et à diviser leurs émissions par deux d?ici à 2050. L?Union européenne a prévu de les soumettre au système européen d?échange de quotas de CO2 dès le 1er janvier 2012. Une incitation forte pour tous les acteurs du secteur à chercher des solutions plus sobres.
Les pistes de progrès sont nombreuses. Les motoristes travaillent à l?amélioration des performances des moteurs. Le fuselage et les éléments de bord peuvent être allégés, grâce à l?utilisation de matériaux composites : le Boeing B787, dont les premiers vols commerciaux ont été effectués fin septembre 2011 par la compagnie japonaise ANA, en est truffé. Les systèmes de gestion du trafic aérien, en cours d?harmonisation, pourraient diminuer la consommation : en Europe, le programme Sesar (Single European Sky Air Traffic Management Research) vise par exemple à raccourcir les routes aériennes, réduire les taux de retard et d?annulation de vols, tout en améliorant la sécurité.

Tests de vols aux agrocarburants
Autre possibilité : la diversification des sources d?énergie, sachant que le kérosène représente en moyenne 25 % des coûts opérationnels des compagnies. Depuis 2008, les avionneurs multiplient les tests de vols aux agrocarburants, à partir de jatropha, noix de coco, biomasse, etc. Et les compagnies se sont engagées à intégrer deux millions de tonnes d?agrocarburants par an à partir de 2020.
Du greenwashing, clament les associations de protection de l?environnement : selon les Amis de la Terre, pour atteindre cet objectif, il faudrait planter 3,5 millions d?hectares, soit la superficie de la Belgique. Un point de vue que l?Onera n?est pas loin de partager : dans l?étude Swafea rendue en septembre 2011 sur la faisabilité et l?impact environnemental des agrocarburants, le Centre français de recherche aéronautique doutait que les sources traditionnelles de biomasse, issues de l?agriculture et des forêts, remplissent l?objectif de division par deux des émissions de CO2 du transport aérien d?ici à 2050.

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États-Unis : L?aviation commerciale teste les agrocarburants
En une semaine, deux compagnies aériennes américaines ont procédé à des vols d?essai aux agrocarburants. Tout d?abord, United Continental a fait voler le 7 novembre un avion entre Houston et Chicago, avec un mélange de 60 % de kérosène et 40 % de carburant à base d?algues, un vol test « Eco Skies », comme l?a appelé la compagnie. Peu après, Alaska Airlines annonçait qu?elle opèrerait 75 vols, entre Seattle, Portland et Washington DC, à base de 80 % de kérosène et 20 % d?huiles végétales usagées et de restes de fast-food. Ces carburants seront fournis par Dynamic Fuels, la seule entreprise américaine à produire ce type de carburant, dans son usine d?une capacité de 280?000 m3 par an ? mais à un prix six fois plus élevé aujourd?hui que le kérosène conventionnel : la société espère que la demande finira par faire baisser ses coûts de production. Quant au bilan environnemental, Alaska Airlines a calculé que l?introduction d?agrocarburants réduirait de 10 % ses émissions de gaz à effet de serre. À noter que ce ne sont pas les premiers vols aux agrocarburants : Virgin Atlantic et KLM s?y sont déjà essayés, l?une en 2008, et l?autre en juin dernier, mais ceux-ci constituent une stimulation supplémentaire pour que toute l?industrie s?intéresse aux carburants renouvelables.

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La Chine s?en prend au marché européen du carbone
« Poursuivez l?Union européenne devant les tribunaux?! » : c?est en substance le message adressé aux compagnies aériennes chinoises par l?Académie chinoise des sciences sociales (CASS) et le Bureau chinois de météorologie (CMA), dans un rapport publié début novembre 2011. Ces deux organisations voient dans le marché européen du carbone non pas un programme de lutte contre le changement climatique, mais une forme de protectionnisme déguisé.
Le 1er janvier 2012, toutes les compagnies aériennes qui décolleront du sol européen ou y atterriront seront intégrées au marché du carbone de l?Union européenne (EU Emissions Trading System, EU-ETS). En clair, elles devront acheter des permis d?émissions. L?Organisation de l?aviation civile internationale (OACI), une agence des Nations unies, avait déjà pressé l?UE d?exclure les compagnies non européennes de l?EU-ETS, en vertu du « principe cardinal de la souveraineté nationale ».
Les deux organisations chinoises en rajoutent, soulignant que l?obligation faite aux compagnies aériennes viole les règles en vigueur du transport aérien et contrecarre les efforts mondiaux de réduction d?émissions. Elles soutiennent que la décision européenne vise surtout à donner un plus grand rôle à l?UE dans les négociations internationales sur le climat. Par la voix de ses administrations, la Chine craint que la politique européenne sur le climat ne pénalise l?industrie aéronautique chinoise naissante. Et elle menace en termes à peine voilés de prendre des mesures de rétorsion contre l?UE.

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