Les sanctions américaines contre l'Iran entrent en vigueur

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Les sanctions americaines contre l'iran entrent en vigueur[reuters.com]
(Crédits : Carlos Barria)

par Lesley Wroughton et Parisa Hafezi

WASHINGTON/DUBAI (Reuters) - Les Etats-Unis ont rétabli lundi des sanctions sur les secteurs du pétrole, des banques et des transports iraniens, afin de contraindre l'Iran à engager des négociations globales sur ses programmes nucléaire et balistique, et à mettre fin à ses "activités néfastes" au Moyen-Orient.

La majeure partie des sanctions internationales contre l'Iran, troisième exportateur mondial de pétrole, avaient été levées début 2016 dans le cadre de l'Accord de Vienne, conclu en juillet 2015, par lequel l'Iran avait accepté de revoir à la baisse son programme d'enrichissement d'uranium, considéré par beaucoup comme destiné à doter le pays de l'arme atomique.

Mais Donald Trump, estimant que l'accord de 2015, conclu sous la présidence du démocrate Barack Obama, était biaisé en faveur de l'Iran, en a retiré les Etats-Unis au printemps dernier. Une première vague de sanctions a été rétablie cet été; la seconde salve, ce lundi, porte sur des secteurs plus cruciaux de l'économie iranienne, à commencer par son pétrole.

Outre le pétrole, les sanctions concernent également 50 banques iraniennes et leurs filiales, plus de 200 personnes et navires dans le secteur des transports maritimes, la compagnie aérienne nationale Iran Air et plus de 65 de ses avions, selon un communiqué du Trésor américain.

Elles visent "à interrompre la capacité du régime iranien à financer le large éventail de ses activités néfastes et exercent une pression financière sans précédent sur le régime iranien pour l'amener à négocier un accord exhaustif qui empêchera de manière permanente l'Iran d'acquérir l'arme nucléaire, qui stoppera son développement de missiles balistiques et mettra un terme à ses activités néfastes".

EXEMPTION TEMPORAIRE

Dans un discours retransmis par la télévision publique, le président iranien, Hassan Rohani, a annoncé lundi matin que la république islamique ne tiendrait pas compte du rétablissement des sanctions et continuerait d'exporter son pétrole.

"Les Américains voulaient réduire à néant les ventes de pétrole iranien (...) Mais nous continuerons de vendre notre pétrole", a-t-il dit. "Aujourd'hui, a-t-il poursuivi, l'ennemi cible noble économie. La principale cible des sanctions, c'est notre peuple."

Rohani a ajouté que les Etats-Unis livraient une "guerre économique" à l'Iran. "Mais l'Amérique devrait apprendre qu'elle ne peut pas utiliser le langage de la force contre l'Iran (...) Nous sommes prêts à résister à toutes les pressions."

Le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, a affirmé que les nouvelles sanctions se retournaient contre les Etats-Unis, en isolant un peu plus les Américains sur la scène internationale.

Les autres signataires de l'accord de Vienne - l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine -, ont souhaité rester parties prenantes et ont dénoncé le rétablissement des sanctions américaines.

Le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a noté que plus de vingt pays avaient d'ores et déjà accepté de réduire leurs importations de pétrole iranien et "de retirer ainsi plus d'un million de barils par jour du marché".

Huit pays bénéficieront dans l'immédiat d'une exemption et pourront continuer à importer du brut iranien: la Chine, l'Inde, la Corée du Sud, la Turquie, la Grèce, l'Italie, le Japon et Taiwan.

CONTOURNEMENT

Donald Trump a dit ne pas vouloir aller trop vite avec les sanctions, pour que les prix du brut ne flambent pas.

"Je pourrais ramener le pétrole iranien à zéro immédiatement, mais cela provoquerait un choc sur le marché. Je ne veux pas faire monter les prix du pétrole", a déclaré le président à la presse avant de se rendre à un meeting de campagne.

Pour sauver l'accord de Vienne, les autres signataires du texte ont esquissé un système de troc sophistiqué qui pourrait prendre la forme d'un échange pétrole iranien contre produits européens sans transactions monétaires (l'importation d'une cargaison de pétrole iranien pourrait être payée par des exportations vers l'Iran de biens ou de services d'une valeur identique, avec mise en place d'une chambre de compensation).

Ce "véhicule à but spécial" (Special Purpose Vehicle, SPV) ne devrait toutefois pas être opérationnel avant plusieurs mois, prévient-on de sources diplomatiques européennes.

"Mettre en place un mécanisme qui permette de continuer à commercer avec l'Union européenne prendra du temps", a confirmé le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Bahram Qasemi, lors de son point de presse hebdomadaire.

La Suisse, qui ne participe pas aux discussions sur ce SPV, a parallèlement annoncé qu'elle était en discussion avec les Etats-Unis et l'Iran pour mettre un place un canal de paiement humanitaire qui permettra de continuer à livrer de la nourriture et des médicaments à la république islamique.

(Avec Devika Krishna Kumar à NEW YORK, Jane Chung à SEOUL, Kaori Kaneko et Osamu Tsukimori à TOKYO, Ben Blanchard à PEKIKN, Nidhi Verma à NEW DELHI et Lesley Wroughton, Timothy Gardner et Roberta Rampton à WASHINGTON; Arthur Connan, Eric Faye, Henri-Pierre André et Danielle Rouquié pour le service français)