Le chef du Hamas inhumé au Qatar, "jour de colère" contre Israël

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Des gens portent le cercueil du chef du hamas ismail haniyeh lors de sa ceremonie funeraire a teheran[reuters.com]
(Crédits : Office Of The Iranian Supreme Le)

par Tala Ramadan, Jana Choukeir et Nidal al-Mughrabi

DUBAÏ/LE CAIRE (Reuters) - Les funérailles d'Ismaïl Haniyeh, le chef politique du Hamas assassiné le 31 juillet à Téhéran, se sont déroulées au Qatar vendredi, décrété "jour de colère" par le mouvement palestinien dans un climat de tensions avec Israël qui laisse craindre un embrasement régional.

Ismaïl Haniyeh, 61 ans, qui vivait en exil au Qatar, a été tué mercredi dans une frappe imputée à Israël. Le New York Times affirme toutefois dans son édition de jeudi que le dirigeant du "Mouvement de résistance islamique" a été tué par l'explosion d'une bombe placée il y a deux mois sous sa résidence habituelle dans la capitale iranienne et déclenchée à distance par des agents du Mossad, le renseignement israélien.

Au lendemain d'obsèques officielles à Téhéran en présence de l'ayatollah Ali Khamenei, une cérémonie de prières s'est tenue dans la mosquée de l'imam Mohamed Ibn Abd Al-Wahhab, dans le nord de Doha.

Ismaïl Haniyeh a ensuite été inhumé en présence de sa veuve Amal, à Lusail, près de la capitale qatarie.

Des centaines de personnes se sont recueillies devant le cercueil du défunt, recouvert d'un drapeau palestinien, et celui de son garde du corps, également tué mercredi.

L'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, était au nombre des personnalités présentes, ainsi que le premier vice-président iranien Mohammad Reza Aref et de nombreux responsables du Hamas, dont Khaled Mechaal, 68 ans, pressenti pour succéder à Ismaïl Haniyeh.

Khaled Mechaal, qui s'est exprimé dans l'enceinte de la mosquée, a souligné que la mort d'Ismaïl Haniyeh renforçait la détermination du Hamas à poursuivre la lutte pour une Palestine libre.

"Du fleuve à la mer, la Palestine restera libre (...) et les sionistes n'ont pas leur place sur la terre de Palestine, quel que soit le nombre de morts qu'ils font dans nos rangs", a-t-il déclaré, selon une vidéo diffusée par le Hamas.

"Nos ennemis n'ont pas compris la leçon. Cela fait plus de cent ans qu'ils tuent nos chefs, et que se passe-t-il? Quand un chef s'élève (vers les cieux), un autre vient", a-t-il ajouté.

Izzat al-Rishq, membre du bureau politique du Hamas, avait appelé les fidèles à prier pour l'âme d'Ismaïl Haniyeh dans les mosquées du monde entier.

"Que ce vendredi soit une journée d'immense colère dénonçant cet assassinat et rejetant le génocide dans la bande de Gaza", déclare-t-il dans un communiqué.

Présent aux funérailles, Sami Abou Zouhri, membre du Hamas, a dit à Reuters par téléphone que le message à l'occupant" (Israël) était sans appel. "Vous sombrez profondément dans la boue et votre fin est plus proche que jamais."

"Le sang d'Haniyeh change toutes les équations", a-t-il souligné.

UNE NOUVELLE "VENGEANCE" DE L'IRAN?

L'Iran et le Hamas ont juré vengeance à l'encontre d'Israël, qui n'a ni confirmé ni infirmé son implication dans la mort d'Haniyeh, survenue le lendemain de la mort du commandant militaire du Hezbollah, Fouad Choukr, tué mardi par une frappe de Tsahal dans la banlieue Sud de Beyrouth.

Ces deux pertes symboliques, conjuguée à la mort - confirmée jeudi par Israël - de Mohammed Deif, chef militaire du Hamas, à la suite de frappes israéliennes le 13 juillet sur Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, ouvrent "une nouvelle phase" conflictuelle, selon le Hezbollah et les Brigades Al-Qassam, branche armée du Hamas.

Près de dix mois après le début de la guerre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, la menace d'une extension des hostilités prend corps.

Le président iranien, Massoud Pezeshkian, a promis de faire "regretter" à Israël son "acte lâche", à propos de l'assassinat d'Ismaïl Haniyeh. L'ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la Révolution islamique, a pour sa part appelé de ses voeux un "châtiment sévère".

Le Hezbollah, qui évoque une "réponse inéluctable" à venir, a annoncé jeudi avoir tiré des "dizaines de roquettes" sur le nord d'Israël en réplique à une frappe israélienne sur une localité du Sud-Liban, Chamaa, qui a tué quatre Syriens.

Reuters a appris de cinq sources au fait des discussions que de hauts responsables iraniens s'étaient réunis jeudi à Téhéran avec des représentants des mouvements qu'ils soutiennent au Liban (Hezbollah), au Yémen (Houthis) et en Irak (coalition chiite Hachd al-Chaabin, notamment) pour discuter d'éventuelles représailles.

L'Iran avait riposté en avril dernier à une frappe israélienne contre son consulat à Damas en lançant une attaque directe sans précédent contre Israël, avec plus de 300 missiles et drones.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré jeudi que son pays était prêt à "tout scénario", aussi bien "offensif" que "défensif".

Le président américain Joe Biden a déclaré jeudi soir que l'assassinat d'Ismaïl Haniyeh "n'aidait pas" les négociations en cours pour un cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

De par son statut de chef du bureau politique du Hamas, Haniyeh, considéré comme un "modéré" depuis sa nomination à la tête du mouvement en 2017, était au coeur des pourparlers indirects avec Israël, sous l'égide des Etats-Unis, du Qatar et de l'Egypte.

(Version française Sophie Louet, édité par Tangi Salaün)