En "mission de paix" à Moscou, Orban s'attire les foudres de l'UE

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Photo d'archives: le premier ministre hongrois viktor orban[reuters.com]
(Crédits : Bernadett Szabo)

MOSCOU/BUDAPEST (Reuters) -Viktor Orban s'est entretenu vendredi à Moscou avec le président russe Vladimir Poutine des modalités d'un accord de cessez-le-feu en Ukraine dans le cadre d'une "mission de paix", s'attirant les foudres des dirigeants de l'Union européenne, dont la Hongrie exerce pour six mois la présidence tournante.

Le Premier ministre hongrois, qui n'a aucun mandat des Vingt-Sept en la matière, s'est rendu mardi à Kyiv où il a exhorté le président ukrainien Volodimir Zelensky à envisager un accord de cessez-le-feu afin de favoriser une issue à la guerre déclenchée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022.

"La mission de paix continue. Deuxième étape : Moscou", a déclaré sur X le chef de file du Fidesz-Union civique hongroise, qui effectue son premier déplacement en Russie depuis le début de la guerer en Ukraine.

En dépit des critiques et des sanctions européennes contre la Russie, Viktor Orban, nationaliste se réclamant de l'"illibéralisme", maintient des liens étroits avec Moscou.

Vladimir Poutine, qui a reçu son allié au Kremlin, a fait état de discussions "utiles" et s'est dit prêt à discuter des "nuances" des propositions de paix sur la table en vue d'un arrêt des hostilités, accusant l'Ukraine de faire obstacle à tout règlement négocié.

"Leur mise en oeuvre (des propositions russes-NDLR) permettrait de mettre un terme aux hostilités et d'entamer des négociations", a dit le président russe à des journalistes.

"J'ai dit à plusieurs reprises que nous étions et restions ouverts à la discussion. (...) Néanmoins, nous observons de la part de l'autre partie une réticence à résoudre les questions de cette manière", a-t-il ajouté, évoquant l'Ukraine.

Le dirigeant russe avait posé le 14 juin ses conditions à un cessez-le-feu : l'abandon, par l'Ukraine, de son projet d'adhésion à l'Otan et la cession de quatre régions partiellement occupées par l'armée russe - les oblasts de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijjia, annexés de facto en septembre 2022 par Moscou à la suite de référendums.

L'OTAN INFORMÉE

Autres exigences de Vladimir Poutine : la démilitarisation de l'Ukraine, envahie le 24 février 2022 par l'armée russe, et la fin des sanctions occidentales.

Budapest a pris ce mois-ci la présidence tournante de l'Union européenne, un rôle avant tout symbolique, qui "ne lui donne pas autorité pour dialoguer avec la Russie de la part de l'UE", selon le président du Conseil européen Charles Michel.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a souligné vendredi que seules l'unité et la détermination des Vingt-Sept ouvriraient la voie à une paix juste et durable en Ukraine.

"L'apaisement ne stoppera pas Poutine", a-t-elle souligné sur le réseau social X.

"Avec une telle rencontre, la présidence hongroise (de l'UE) se termine avant d'avoir réellement commencé", a commenté un diplomate européen. "La Hongrie ne semble pas avoir compris son rôle (...) Le scepticisme des pays membres de l'UE était malheureusement justifié. Il ne s'agit que de promouvoir les intérêts de Budapest."

Sur X, Viktor Orban a reconnu qu'il n'avait aucune prérogative pour négocier au nom de l'UE mais affirmé que la paix en Ukraine ne se construirait pas "dans un confortable fauteuil à Bruxelles". "Nous ne pouvons pas attendre que la guerre prenne miraculeusement fin", a-t-il dit.

La Hongrie, membre de l'Otan, refuse d'envoyer des armes à l'Ukraine et a critiqué les sanctions décidées par l'UE contre la Russie pour son offensive.

Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, a déclaré lors d'une conférence de presse que l'Alliance atlantique avait été informée de la visite de Viktor Orban mais qu'il s'agissait d'une initiative personnelle.

"C'est à l'Ukraine de décider des conditions acceptables pour des négociations de paix et une solution négociée", a-t-il dit.

Le ministère ukrainien des Affaires étrangères a précisé pour sa part que cette "mission" n'était en rien coordonnée avec Kyiv, qui refuse "tout accord sur l'Ukraine sans l'Ukraine".

(Philip Blenkinsop, Anita Komuves et Boldizsar Gyori à Budapest, Andrew Gray à Bruxelles, Maxim Rodionov à Moscou, Jean-Stéphane Brosse et Sophie Louet pour la version française, édité par Kate Entringer)