Le travailliste Keir Starmer, nommé Premier ministre, promet le renouveau

reuters.com  |   |  880  mots
Le leader du parti travailliste britannique, keir starmer, remporte les elections legislatives[reuters.com]
(Crédits : Suzanne Plunkett)

par Andrew MacAskill, Elizabeth Piper et Alistair Smout

LONDRES (Reuters) -Après quatorze années de pouvoir conservateur, le Royaume-Uni a basculé au centre-gauche avec la victoire massive du Parti travailliste emmené par Keir Starmer aux élections législatives de jeudi, marquées également par la percée de l'extrême droite conduite par Nigel Farage.

Le Labour a remporté comme attendu au moins 410 des 650 sièges de la Chambre des communes, les conservateurs devant se contenter de 117 élus et les libéraux-démocrates obtenant 70 députés, un record pour le parti centriste, selon les résultats quasi définitifs communiqués vendredi.

"Nous l'avons fait", a déclaré Keir Starmer, qui succède à Rishi Sunak au poste de Premier ministre et a été chargé par le roi Charles III de former un nouveau gouvernement.

Devant le 10, Downing Street, l'ancien avocat, âgé de 61 ans, a déclaré que la Grande-Bretagne devait redécouvrir son identité et se diriger vers un renouveau plus large.

"Il est clair pour tout le monde que notre pays a besoin d'un plus grand renouveau, d'une redécouverte de qui nous sommes, car peu importe la violence des tempêtes de l'Histoire, l'une des plus grandes forces de cette nation a toujours été notre capacité à naviguer vers des eaux plus calmes", a-t-il déclaré.

"Mon gouvernement se battra chaque jour jusqu'à ce que vous y croyiez à nouveau. À partir de maintenant, vous avez un gouvernement libéré de toute doctrine, guidé uniquement par la détermination de servir vos intérêts. Pour défier sereinement ceux qui ont passé notre pays par pertes et profits", a ajouté le nouveau chef du gouvernement.

Rishi Sunak, arrivé au pouvoir en octobre 2022, avait remis auparavant sa démission au roi. En quittant le siège de l'exécutif, le leader conservateur a affirmé avoir entendu la colère et la déception des Britanniques et a présenté ses excuses.

"J'assume la responsabilité de cette défaite."

Le Parti conservateur a enregistré le pire résultat de son histoire, les électeurs ayant décidé de le sanctionner face à la hausse du coût de la vie, à la dégradation des services publics, après des scandales à répétition et une gouvernance chaotique ces dernières années.

"JE NE VOUS PROMETS PAS QUE CE SERA FACILE"

En dépit d'une victoire sans appel, les enquêtes d'opinion laissent penser que ni Keir Starmer, maintes fois critiqué pour son manque de charisme par ses adversaires, ni son parti n'ont suscité un grand enthousiasme auprès des électeurs.

Le triomphe du Labour tient avant tout au scrutin uninominal majoritaire à un tour spécifique au Royaume-Uni mais les travaillistes ont recueilli moins de voix que lors des élections de 2017 et 2019, qui s'étaient soldées par leur pire échec en nombre de sièges en 84 ans.

Keir Starmer n'aura pas la tâche facile pour sortir le pays de l'ornière économique dans laquelle il s'est enfoncé depuis le Brexit. Après avoir recentré la formation dirigée jusqu'en 2019 par le chef de l'aile gauche Jeremy Corbyn, il a déjà dû revoir à la baisse certains des projets les plus ambitieux du Labour en matière sociale, tout en promettant de ne pas augmenter les impôts des "travailleurs".

Les premières nominations des ministres qui l'aideront dans sa tâche n'ont réservé aucune surprise.

Ancienne économiste de la Banque d'Angleterre, Rachel Reeves, 45 ans, sera ainsi la première femme à la tête du ministère des Finances, tandis qu'une autre femme, Angela Rayner, a été désignée vice-Première ministre.

David Lammy a été nommé aux Affaires étrangères, John Healey à la Défense et Yvette Cooper à l'Intérieur. L'ancien dirigeant travailliste Ed Miliband s'est vu confier le ministère de la Sécurité énergétique et de la neutralité carbone.

La déroute électorale du Parti conservateur tient aussi à la percée du parti "Reform UK" de Nigel Farage, figure du Brexit. Faisant son entrée à Westminster, sa formation anti-immigration s'est emparée de quatre sièges jusqu'ici occupés par les Tories et a remporté plus de voix que les conservateurs dans de nombreuses régions, et plus de 4 millions de suffrages au total.

Nigel Farage lui-même a été élu, au bout de huit tentatives.

"Il y a un énorme vide au centre-droit de l'échiquier politique et il m'incombe de le remplir. C'est d'ailleurs ce que je prévois de faire", a déclaré l'ancien courtier. "Croyez-moi les amis, ce n'est que le début de quelque chose qui va tous vous surprendre."

Keir Starmer s'est pour sa part engagé à améliorer les relations avec l'Union européenne afin de résoudre les problèmes apparus après le Brexit. Un retour dans l'UE n'est toutefois pas à l'ordre du jour.

Cette victoire marque un incroyable revirement pour le Labour alors que, il y a trois ans à peine, partisans et détracteurs du parti le jugeaient empêtré dans une crise existentielle après son naufrage de 2019.

(Avec la contribution de William James, Kylie MacLellan, Sachin Ravikumar, Paul Sandle et Muvija M, rédigé par Michael Holden et Kate Holton; version française Camille Raynaud, Jean-Stéphane Brosse, Kate Entringer et Tangi Salaün)