Des milliers de manifestants contre l'extrême droite en France

reuters.com  |   |  1033  mots
Manifestation contre le parti d'extreme droite francais, le rassemblement national, a paris[reuters.com]
(Crédits : Benoit Tessier)

par Layli Foroudi, Ardee NAPOLITANO et Lucien Libert

PARIS (Reuters) -Plusieurs milliers de personnes ont manifesté samedi en France pour appeler au sursaut "républicain" contre l'extrême droite qui pourrait être portée au pouvoir à la faveur des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet.

Au total, 145 mobilisations ont été comptabilisées en France de source policière, notamment à Paris, Nantes, Marseille, Rennes, Toulouse ou encore Grenoble.

La CGT a fait état de 640.000 personnes dans toute la France - dont 250.000 à Paris -, le ministère de l'Intérieur et la police ont décompté quelque 250.000 manifestants dans le pays, dont 75.000 dans la capitale.

Les cortèges ont défilé sans heurts notables, mais des tensions ont été signalées à Nantes et à Paris en fin de manifestation, qui s'est déroulée de la place de la République à la place de la Nation. Neuf personnes ont été interpellées à Paris, pour dégradations notamment, et cinq membres des forces de l'ordre ont été blessés, a fait savoir la préfecture de police.

Au total, 21.000 membres des forces de l'ordre étaient mobilisés dans le pays.

Cinq syndicats, CFDT, CGT, UNSA, FSU et Solidaires, avaient appelé à la mobilisation à la suite de la décision surprise d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale au soir d'une défaite sévère pour la majorité présidentielle. Force ouvrière, la CFE-CGC et la CFTC, "apolitiques", ne se sont pas associés au mot d'ordre.

"C'est un moment historique, on est potentiellement dans un moment de bascule de la démocratie, il faut absolument que tout le monde se mobilise", a souligné Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, au départ du cortège parisien.

La banderole des syndicats clamait : "Pour un avenir solidaire, pour le progrès social - Ensemble contre l'extrême droite!"

Pour Marylise Léon, "la question est de mobiliser ceux qui ne votent pas" en vue des élections anticipées.

Le taux d'abstention s'est établi à 48,5% en France lors des élections européennes, le 9 juin.

"ENGOUEMENT" POUR LE RN

La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a invité les électeurs de droite à s'opposer au Rassemblement national, "une imposture sociale" selon elle. L'avènement désormais possible de l'extrême droite au pouvoir est "une menace existentielle pour toute la démocratie", a-t-elle dit.

Les sondages donnent le Rassemblement national (RN), vainqueur des européennes avec 31,37% des suffrages, largement en tête pour les législatives.

Selon une dernière étude en date diffusée samedi par OpinionWay-Vae Solis pour Les Echos et Radio classique, le RN serait crédité de 33% des intentions de vote si le premier tour avait lieu dimanche, devant le "Nouveau Front populaire", alliance de gauche (25%), et "Ensemble pour la République" (majorité présidentielle), créditée de 20%.

"Un engouement pour le parti d'extrême droite aussi bien marqué chez les hommes que les femmes, qui touche toutes les tranches d'âge et les statuts socio-professionnels", relève l'institut, qui a réalisé ce sondage en ligne les 12 et 13 juin auprès de 1.011 personnes, avant "le contrat de législature" scellé par La France insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS), Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et le Parti communiste (PCF).

"Contre l'extrême droite, dans la rue et dans les urnes", pouvait-on lire dans la manifestation parisienne sur une banderole de SOS Racisme, association fondée en 1984 pour lutter contre le racisme et l'antisémitisme.

Plusieurs organisations de la société civile étaient représentées, ainsi que la jeunesse, venue en nombre, avec des slogans sans détour tels que "La jeunesse emmerde le Front national" (ancêtre du RN), ou "Nique le R-haine".

"MENSONGES"

Carol-Ann Juste, 22 ans, étudiante à Paris, manifestait pour la première fois.

"Là, on est sur un tournant politique, on s'inquiète de voir la dédiabolisation du RN, de voir que les gens adhèrent et écoutent les mensonges de ce parti qui a un héritage purement raciste et xénophobe", a-t-elle expliqué dans le cortège parisien.

"On vient se battre pour maintenir un pays de droits de l'homme, un pays d'accueil, de la liberté, de la tolérance, de la bienveillance", a-t-elle ajouté.

Sur la place de la Bastille, trois militants montés sur la Colonne de Juillet ont déployé une banderole sur laquelle on pouvait lire : "Nous faisons le serment solennel de rester uni-es pour désarmer Macron et l'extrême droite", à l'heure où le "Nouveau Front populaire" est déjà secoué par des luttes internes.

La décision de LFI de ne pas réinvestir pour les élections législatives des figures du parti jugées trop critiques envers son chef de file, Jean-Luc Mélenchon, était critiquée dans les cortèges, où l'on demandait à ce dernier de "ne pas tout foutre par terre" à peine l'alliance portée sur les fonts baptismaux.

Les chefs de file du "Nouveau Front populaire" ont défilé à Paris, ainsi que les cadres LFI évincés.

"Les choses sont très simples aujourd'hui, c'est soit les 'fachos', soit nous. Si vous êtes ici, c'est que vous avez choisi votre camp. Mais maintenant, c'est tous les autres qu'il faut aller chercher : ceux qui en ont marre de voter, ceux qui ne savent pas, ceux qui ont peur", a lancé Marine Tondelier, secrétaire nationale d'EELV.

"Il me semble important de montrer qu'on est mobilisés et que le RN ce n'est pas la majorité, et aussi de s'opposer à Emmanuel Macron et sa politique qui a beaucoup affaibli l'école", témoigne Cécilia Lormeau, professeur de 34 ans, qui compte voter pour le Nouveau Front populaire.

"On va se retrouver avec des réformes conservatrices, qui sont contraires à l'égalité. Je m'inquiète pour mes élèves issus de l'immigration, en situation de handicap. On veut faire réussir tous les élèves", ajoute-t-elle.

Amadou Sall, un ressortissant mauritanien de 25 ans en attente de son titre de séjour qui travaille dans la préparation de colis, craint pour son avenir, "quand je vois comment ils (le RN) parlent des étrangers".

(Reportage Layli Foroudi, Ardee Napolitano, Lucien Libert, Dominique Vidalon)