France/Elections-La gauche déjà dans la tourmente en pleine mobilisation contre le RN

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News conference of the nouveau front populaire alliance for early legislative elections[reuters.com]
(Crédits : Stephane Mahe)

PARIS (Reuters) -La décision de la France insoumise (LFI) de ne pas réinvestir pour les élections législatives des figures du parti jugées trop critiques envers son chef de file, Jean-Luc Mélenchon, a suscité samedi de vives critiques en interne et au sein de l'alliance tout juste formée par les partis de gauche pour tenter de faire barrage à l'extrême droite.

Pour ajouter à la confusion au moment où des dizaines de milliers de personnes manifestaient dans les rues des villes françaises contre le risque d'une arrivée au pouvoir du Rassemblement National (RN), favori des sondages après son triomphe aux européennes, François Hollande a annoncé au journal La Montagne sa candidature en Corrèze, dont il fut le député de 1997 à 2012, sans en avoir semble-t-il informé le Parti socialiste (PS).

L'ancien président socialiste a expliqué devant la presse, à Tulle (Corrèze), qu'il avait pris cette décision parce que "la situation était grave".

"Je le fais pour le pays, la République et la Corrèze. C'est toute ma vie, c'est mon engagement", a-t-il dit.

Après quatre jours de difficiles négociations, les partis de gauche, dont LFI, se sont mis d'accord jeudi sur un programme commun et sur la répartition des circonscriptions en vue des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet sous la bannière d'un "Nouveau Front populaire".

Parmi les candidats investis par LFI dans les 230 circonscriptions qui lui reviennent (sur 577) figurent notamment Manuel Bompard, Eric Coquerel, François Ruffin, Mathilde Panot, Clémentine Autain et Adrien Quatennens, condamné en 2022 à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour violences conjugales.

"A celles et ceux qui s'opposeraient ou douteraient de la pertinence de ma candidature, sachez que je vous comprends. J'espère simplement pouvoir, humblement, et par mes actions, regagner votre confiance", a écrit Adrien Quatennens, qui devra faire face à une candidature dissidente de la féministe Amy Bah dans sa circonscription du Nord, dans un communiqué diffusé sur le réseau social X.

Certains membres de LFI considérés comme "frondeurs", tels Raquel Garrido, Danielle Simonnet ou Alexis Corbière, ont en revanche été écartés, ce qui a provoqué d'importants remous à gauche. Ils ont pris part samedi à la manifestation parisienne.

Cette décision a été présentée comme une "purge" aussi bien par les intéressés que par les autres composantes du Nouveau Front Populaire, menaçant l'unité de cette alliance électorale constituée au forceps sur les ruines de la Nupes, la coalition de gauche qui avait concouru aux législatives il y a deux ans avant d'imploser.

Dans une interview à 20 Minutes, Jean-Luc Mélenchon, assène: "Les investitures à vie n'existent pas". "La cohérence politique et la loyauté dans le premier groupe parlementaire de gauche sont aussi une exigence pour gouverner", souligne-t-il. LFI, dans un communiqué, défend pour sa part "un choix de cohérence pour la vie du futur groupe parlementaire, trop souvent paralysé, par le passé, par des jeux politiciens."

"LE FRONT POPULAIRE NE MÉRITE PAS D'ÊTRE SALI"

"Le Front Populaire ne mérite pas d'être sali par des décisions irresponsables", a cinglé sur X le chef de file du Parti socialiste, Olivier Faure, qui s'emploie comme les autres chefs de file de la gauche à minimiser l'influence du très clivant Jean-Luc Mélenchon, lui refusant l'étiquette de potentiel futur Premier ministre que celui-ci s'est dit prêt cette semaine à endosser.

Fustigeant une "erreur", la dirigeante écologiste Marine Tondelier a annoncé la convocation des instances de son parti et des consultations avec les socialistes et les communistes sur le sujet.

"Ce n'est pas le temps des purges ou des règlements de compte", a renchéri également sur X la députée écologiste Sandrine Rousseau, appelant Jean-Luc Mélenchon à "tolérer l'insoumission dans (s)es rangs".

Les anciens députés LFI ont eux-mêmes vivement réagi à leur éviction.

"On me fait payer le crime de lèse-Mélenchon", a ainsi écrit Raquel Garrido sur X. "Honte sur toi JLM (Jean-Luc Mélenchon). C'est du sabotage. Mais je ferai mieux. Nous ferons mieux." Elle a déclaré sur franceinfo, en marge de la manifestation parisienne, qu'elle se présenterait malgré tout sous la bannière du "Nouveau Front populaire".

Danielle Simonnet a dénoncé une "purge des députés engagés pour l'unité" et Alexis Corbière a jugé avoir reçu "une punition pour avoir fait entendre des critiques en interne".

"Ce qui vient de se passer est irresponsable (...) c'est totalement mesquin, petit, un règlement de compte, alors que l'enjeu c'est d'éviter que l'extrême droite prenne le pouvoir", a insisté Alexis Corbière samedi matin sur franceinfo.

"Qui peut comprendre ça ?", a-t-il poursuivi, appelant les Français à voter pour lui et les autres exclus, assurant qu'ils se présenteraient sous étiquette indépendante contre les candidats officiels de LFI.

Les exclus ont reçu le soutien de plusieurs figures du parti d'extrême-gauche, comme Clémentine Autain, qui a elle aussi dénoncé "une purge", et François Ruffin, qui a rappelé ne pas avoir demandé l'investiture de LFI cette année, même si elle lui a été accordée.

"Vous préférez un homme qui frappe sa femme, auteur de violences conjugales, à des camarades qui ont l'impudence d'avoir un désaccord avec le grand chef", a fustigé sur son compte X le député de la Somme, en allusion à l'investiture d'Adrien Quatennens, proche de Jean-Luc Mélenchon. "Notre démocratie mérite mieux que vous."

(Rédigé par Camille Raynaud et Tangi Salaün)