Renault inaugure sa famille Alpine pour surfer sur la demande en premium électrique

reuters.com  |   |  964  mots

par Gilles Guillaume

PARIS (Reuters) - Alpine, la nouvelle marque sportive de Renault, a dévoilé jeudi l'A290, première d'une nouvelle famille de voitures sportives électriques destinée à gagner en notoriété et à profiter d'un marché qui résiste au ralentissement actuel des véhicules à batterie.

Dans le cadre de sa stratégie de redressement présentée en 2021, le directeur général de Renault Group, Luca de Meo, a fait d'Alpine une unité à part entière regroupant toutes les activités sports du groupe au losange, afin d'exploiter à plein les synergies et développer un "garage de rêve" de modèles sportifs exclusifs 100% électriques.

L'objectif est de s'installer sur un marché premium électrique qui tire son épingle du jeu dans le contexte de ralentissement actuel de la demande pour les véhicules à batterie: depuis le début de l'année dans l'Union européenne, l'électrique reste stable à 17% environ du marché du premium, tandis qu'il perd du terrain sur l'ensemble du marché automobile, reculant à 12% environ de part de marché, contre 14% environ en 2023, selon des données de S&P Global Mobility.

Sur le marché total de l'électrique, le premium représentait 25,3% en 2023, un poids qui monte à 29,3% depuis le début 2024.

"Le premium, qu'il soit électrique ou non, résiste toujours mieux", commente Flavien Neuvy, responsable de l'Observatoire Cetelem. "L'arrêt des aides en Allemagne par exemple pénalise le marché de l'électrique, mais le premium est moins impacté car les clients plus aidés ont moins besoin des aides."

Les motorisations électriques permettent aussi de réduire les émissions de CO2 moyennes dans des gammes de véhicules particulièrement exposées au durcissement de la réglementation.

Le haut de gamme sportif est incarné par des noms prestigieux comme Porsche, cité comme référence par Luca de Meo, Ferrari, dont vient l'actuel directeur général d'Alpine, ou encore Aston Martin. Mais Alpine reste plus abordable que ces trois marques et s'attaque plutôt à des concurrents comme Tesla, BMW, Mercedes ou Audi (groupe Volkswagen).

Le catalogue 2024 donne 65.000 euros comme prix de départ pour l'A110, tandis que la nouvelle A290 sera proposée à partir de 38.000 euros.

"Alpine doit permettre de couvrir des segments et des marchés sur lesquels les deux autres marques du groupe, Renault et Dacia, ne sont pas présentes", explique Denis Schemoul, analyste chez S&P Global Mobility.

Le premium électrique aiguise d'autres appétits, comme ceux de Cadillac (General Motors).

OBJECTIF DE MARGE A DEUX CHIFFRES

Actuellement cantonnée à un seul modèle essence, la berlinette A110, depuis la relance en 2017 de la marque championne du monde de rallye en 1973, Alpine veut passer d'un segment de niche à une offre complète et globale pour jouer un rôle clé dans l'amélioration de la rentabilité du constructeur et dans son expansion géographique au-delà de l'Europe.

L'ambition est de fonder une véritable famille de 7 modèles électriques d'ici 2030: après l'A290, une citadine dérivée de la R5 et appelée à séduire un public plus large, Alpine lancera l'an prochain un crossover compact GT, fin 2026 une nouvelle A110 - électrique cette fois - sur une plateforme dédiée, APP. Suivront d'ici 2030 une version cabriolet, un coupé sport plus grand, l'A310, puis deux voitures de taille encore supérieure.

Alpine n'a vendu l'an dernier que 4.328 véhicules, pour l'essentiel en Europe, mais espère sortir de cette confidentialité grâce à l'extension de sa gamme. Luca de Meo vise pour la division un chiffre d'affaires de deux milliards d'euros en 2026 et plus de huit milliards d'euros en 2030, réalisé pour moitié hors d'Europe, ainsi qu'une marge opérationnelle de 10% à cet horizon.

La marque espère notamment séduire l'Asie et les Etats-Unis. Elle compte pour cela sur sa présence en Formule Un, même si elle a connu une saison difficile jusqu'à présent.

Au-delà de l'électrique pur, elle travaille aussi sur un gros moteur V6 à combustion d'hydrogène pour d'éventuelles versions particulièrement sportives ou haut de gamme.

Déjà très connue au Japon, Alpine voit également un potentiel en Corée du Sud ainsi qu'en Chine, un marché où elle estime pouvoir réaliser un milliard d'euros de chiffre d'affaires à la fin de la décennie.

UN EX-FERRARI A SA TETE

La marque, qui reste très loin des 330.600 modèles 100% électriques vendus l'an dernier par BMW, des 222.600 de Mercedes ou des 178.000 d'Audi, selon des chiffres compilés par la revue allemande Auto Zeitung, a nommé il y a moins d'un an à sa tête Philippe Krief, expert du développement des gammes de voitures sportives et haut de gamme, qui a fait ses classes chez Ferrari.

Alpine alignera aussi deux hypercars aux 24 Heures du Mans, l'épreuve reine de l'endurance dont la 92e édition se déroulera ce week-end et en marge de laquelle l'A290 a été dévoilée en public.

Fidèle au pragmatisme du fondateur de la marque, le pilote et concepteur Jean Rédélé qui avait transformé dans les années 1950 une simple 4CV Renault en un petit bolide, taillé pour les routes sinueuses des Alpes, l'A290 reprend l'architecture AMPR-Small et les lignes de la nouvelle R5, mais en mode survitaminé.

Et pour les clients qui regretteraient le chant rauque et pétaradant d'un moteur thermique sportif, la voiture, qui sera commercialisée en fin d'année, offre la possibilité d'entendre dans l'habitacle une version plus sonore et sourde du bruit de turbine caractéristique de l'électrique, grâce à un travail avec le spécialiste français du son haut de gamme Devialet, afin d'améliorer les sensations de pilotage à grande vitesse.

(Reportage Gilles Guillaume, avec Ilona Wissenbach à Francfort, édité par Blandine Hénault)