Marion Rousse : « J’arrive à dissocier le champion du compagnon »

ENTRETIEN - L'ancienne championne de France, en couple avec Julian Alaphilippe commentera son dixième Tour de France à partir du 29 juin.
Au siège de France Télévisions, à Paris, en mai.
Au siège de France Télévisions, à Paris, en mai. (Crédits : © LTD / CYRILLE GEORGE JERUSALMI POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

Dans la famille Rousse, le cyclisme est une passion qui se transmet par atavisme. Avec un père qui pratique le vélo pendant plus de vingt ans et trois cousins, anciens coureurs professionnels, rien d'étonnant que Marion ait commencé à s'entraîner dès 6 ans au vélodrome de Roubaix. À chaque étape du Tour dans les Hauts-de-France, la petite fille se réveille dès potron-minet pour s'installer au bord de la route. Pour encourager le peloton et récupérer les bidons. Pour attendre les coureurs à l'arrivée dans l'espoir de remplir son carnet d'autographes. Et, pourquoi pas, rencontrer Tom Boonen, le cycliste belge qu'elle admire tant.

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Double championne de France en 2012, elle met un terme à sa carrière trois ans plus tard à 24 ans. Une retraite prématurée, mais pour « de bonnes raisons ». Depuis dix ans, la compagne du coureur Julian Alaphilippe commente chaque course de vélo pour France Télévisions et occupe la place de présidente du Tour de France Femmes depuis 2021. À 32 ans, la petite reine de la pédale conserve la tête dans le guidon.

LA TRIBUNE DIMANCHE - Avec des débuts dans le cyclisme de compétition à 6 ans, on est bien loin du cliché de la petite fille en tutu rose !

MARION ROUSSE - C'est vrai que je me sentais différente, mais ma passion n'a jamais été source de moquerie. Pendant les cours de sport, je m'entraînais avec les garçons et je courais plus vite qu'eux. Quant aux compétitions, j'étais la seule fille sur la ligne de départ et souvent la première arrivée !

Comment réagissaient vos adversaires masculins ?

Très bien, car nous étions un vrai groupe d'amis. Par contre, mes performances dérangeaient davantage leurs parents. Surtout les pères, très agacés que leur fils soit battu par une fille, qui plus est petite et frêle. L'orgueil masculin ! [Rires.]

Enfant, regardiez-vous les performances de Jeannie Longo ?

Je ne pouvais pas la regarder puisque le Tour de France féminin s'est arrêté en 1989 [elle est née en 1991]. C'était quand même un sérieux problème, non ? Je n'ai pas pu
m'identifier à des championnes. Alors que mes copains de peloton pouvaient rêver de faire le Tour un jour, moi, ça m'était interdit.

Pendant les cours de sport, je m'entraînais avec les garçons et je courais plus vite qu'eux

Marion Rousse

Pourquoi avoir arrêté votre carrière professionnelle à 24 ans ?

Pour deux raisons. J'étais à l'époque dans l'une des meilleures équipes du monde, et pourtant je n'étais pas payée. Je m'entraînais le matin, et l'après-midi je bossais dans une mairie en banlieue parisienne, au service événementiel. Seules cinq filles étaient rémunérées. C'est comme si on mettait aujourd'hui cinq professionnels dans le peloton du Tour et que les autres étaient des amateurs. Cette injustice m'a beaucoup agacée, d'autant plus que j'avais déjà une longue carrière derrière moi. Puis, lorsque j'ai été double championne de France chez les élites en 2012, j'ai été invitée par Eurosport pour raconter mon parcours. Ils ont aimé mon franc-parler, ma spontanéité. Et c'est à ce moment que ma vie a basculé.

Marion Rousse

© LTD / CYRILLE GEORGE JERUSALMI POUR LA TRIBUNE DIMANCHE

Elle a basculé quand on vous a proposé de devenir consultante pour Eurosport ?

Je les ai trouvés très courageux de me proposer ce poste, car une femme qui parle de cyclisme masculin, ça ne s'était jamais vu ! Je reçois énormément de témoignages de jeunes filles qui souhaitent pratiquer le vélo. Si j'ai pu contribuer à changer les mentalités dans le milieu du sport, j'en suis très fière. Je pars du principe que quand tu mets des bonnes personnes à la bonne place, ce n'est plus une question de genre. Les mœurs ont heureusement beaucoup évolué en dix ans.

J'imagine que commenter les courses où figure votre compagnon, Julian Alaphilippe, ne doit pas être très facile...

On me demande souvent comment je fais, mais j'arrive à dissocier le champion du compagnon. Il n'y a pas de place pour les sentiments. Lorsque je n'arriverai plus à faire la différence, alors je devrai changer de boulot.

Vous avez quand même assisté en direct à sa terrible chute à Liège le 24 avril 2022.

Ce fut le seul moment à l'antenne qui a été compliqué à vivre parce qu'il s'agissait là de sa santé. Le médecin de l'équipe m'a appelée très rapidement et j'ai pu parler à Julian dans l'ambulance.

Suivent alors deux années très compliquées pour lui...

C'est vrai qu'il a mis du temps à rebondir. Il n'arrivait à montrer de quoi il était capable parce qu'il était stoppé dans son élan par des chutes. J'essayais de le rassurer, de le réconforter, mais au bout de deux ans, je n'arrivais plus à trouver les bons mots. J'étais tout autant affectée que lui. Je pense que Nino, notre petit garçon, nous a beaucoup aidés à traverser cette sale période.

Marion Rousse

© LTD / CYRILLE GEORGE JERUSALMI POUR LA TRIBUNE DIMANCHE

Le manager de Julian vous a accusée d'être la responsable de ses échecs !

J'ai immédiatement réagi à ses propos, pour lesquels il a d'ailleurs fini par s'excuser. Me reprocher de sortir en soirée avec lui était tellement risible ! Cette polémique a fait beaucoup de bruit, mais elle ne nous a pas atteints.

Un deuxième bébé est-il prévu ?

Ce n'est pas vraiment d'actualité, car Julian et moi sommes sans arrêt en déplacement. Sans l'aide de mes parents, j'aurais été obligée de mettre un terme à ma carrière.

Et pourquoi pas la sienne ?

On ne s'est pas posé cette question. Je reconnais que ce sont souvent les femmes qui doivent se sacrifier. Mais notre situation est différente. Si Julian a conscience de l'importance de mon boulot, sa carrière sportive est beaucoup plus limitée dans le temps. Donc, je préfère qu'il privilégie ses deux, trois prochaines années et n'ait rien à regretter.

Vous n'avez pas fait d'études après le bac, est-ce un complexe ?

Pas du tout, car après ma scolarité en sport-études en Belgique, je me suis construite toute seule. Le sport est pour moi la plus belle des écoles. L'intelligence de chaque individu ne se résume pas à son niveau d'études. En revanche, pour être très honnête, je pousserai mon fils à continuer après le bac pour qu'il ait un bagage solide. La vie d'un sportif de haut niveau demande beaucoup de concessions. Quant à l'après-carrière, elle est très difficile à gérer physiquement et mentalement si tu n'as pas de projets. La mienne a été très facile, car je savais ce qui m'attendait.

C'est comment, le dimanche de Marion Rousse ?

Le dimanche, les week-ends, c'est souvent synonyme de travail. Et quand je ne suis pas au boulot, je regarde quand même les courses de cyclisme à la télé.

SES COUPS DE CŒUR

Entre deux sorties vélo et les câlins avec son petit Nino, elle s'installe sur son canapé pour dévorer les séries. Actuellement, elle alterne entre Mon petit renne et la première saison de La Chronique des Bridgerton.

La défaite lundi de Rafael Nadal contre Alexander Zverev à Roland-Garros a provoqué chez elle une vive émotion, « presque aussi intense que celle [qu'elle] ressen[t] sur le Tour de France ».

Marion Rousse est aussi une grande passionnée de cuisine italienne.

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Commentaires 2
à écrit le 02/06/2024 à 11:35
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"Ils ont aimé mon franc-parler, ma spontanéité" Et un visage magnifique aussi peut-être non... :-) Bon désolé hein, j'arrête maintenant promis ! ^^

à écrit le 02/06/2024 à 9:03
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"en couple avec Julian Alaphilippe " Et c'est ce qui lui donne sa crédibilité du coup ? Maladroit de faire dépendre une femme à son homme. Surtout une championne de vélo, il y a largement assez à dire sur elle sans avoir à parler de son mec. Ah les f...

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