Le style « retour au bureau »

Quand les jeunes s’habillent comme des vieux et s’entichent du triptyque mocassins, tailleur, chemise rayée...
(Crédits : © Emmanuelpcr ; Pierre Blondel/craftedparis ; Nawal Bonnefoy)

Après les années débraillées et molles postconfinement, assisterait-on à un redressement stylistique ? C'est bien possible. Exit pilou-pilou, baskets et sweats flasques.

Bonjour pampilles, lavallière sur veste de costard et mocassins. On se rhabille pour aller au bureau, acheter du pain ou boire un café entre amis. C'est le style RAB, comprenez « retour au bureau ». On garde le confort mais « on reprend plaisir à enfiler une chemise, un tailleur », remarque Michaël Bonzom, directeur de création pour le cabinet de tendance NellyRodi, qui observe « un effet de balancier » avec « le retour du virtuose, des codes de l'atelier, voire du sur-mesure ». Le RAB chipe les couleurs neutres et les matières nobles au style BCBG, en s'affranchissant toutefois de l'impératif du total look de celui-ci. Sur les podiums de Celine - « la nouvelle référence bourgeoise depuis Chanel », selon M. Bonzom -, Hedi Slimane, le designer de la marque, allie un manteau beige ciselé ou un trench sur col roulé noir à un jean plus décontracté, ou encore assagit un pantalon en tweed avec un crop top, le tout souligné d'une grosse chaîne en or et de lunettes de soleil. Ces références au monde ancien parfois détournées ou exagérées « rassurent dans un monde qui part en live », poursuit Michaël Bonzom. Chez Ami, la maison française fondée par Alexandre Mattiussi, on capture l'essence parisienne mais on brouille les frontières entre chic et nonchalance ainsi que celles entre les genres. « Hommes et femmes peuvent s'emprunter des pièces voire s'habiller de la même manière, commente le directeur de création de NellyRodi. Ce n'est plus bon chic bon genre, c'est bon chic pas de genre. »

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« Le vêtement parle pour vous »

La diffusion de séries comme Gossip Girl - avec ses looks « preppy » - et Succession, avec le style luxueux mais discret - ou « quiet luxury » - de la famille Roy, largement inspiré de celui de la dynastie Murdoch, a marqué les 15-25 ans. Conséquence directe : sur les réseaux sociaux, la tendance explose avec les hashtags #sartorialist #preppy ou #suitstyle. Parmi les influenceurs les plus suivis, lunettes rondes sur le nez et moustache en guidon bien peignée : Emmanuel Pcr. Ce roi de la sape et de l'élégance masculine était pourtant, il y a peu encore, chaussé de sneakers. Lors de ses vacances à Milan, le Parisien croise dans la rue un héritier Rubinacci, une prestigieuse famille de tailleurs. Impressionné par sa classe en costume bleu Klein, le trentenaire se convertit au sartorialisme, l'art vestimentaire. Depuis, il distille ses conseils à sa communauté de près de 600 000 followers sur TikTok et de plus de 290 000 sur Instagram. « Je recommande toujours de débuter par une chemise blanche oxford, la plus facile et élégante avec un col américain ; un chino, plus regular que skinny, et plutôt beige pour l'associer au plus large éventail de couleurs », détaillet-il. Selon lui, le succès de ce retour aux sources réside dans « le besoin des jeunes de renouer avec leur héritage ». « Les anciens avaient du style et une connaissance intrinsèque du vêtement ; ils allaient chez le tailleur et savaient combiner couleur et matière », analyse Emmanuel Pcr. Et le look peut leur donner un coup de pouce lors d'un entretien ou pour leurs débuts en entreprise. « Le vêtement parle pour vous avant que vous ouvriez la bouche », décode l'influenceur. Il affirme également recevoir des messages de nombreux jeunes hommes qui ont repris confiance en eux en adoptant un style plus élégant.

Des pièces intemporelles

Connaissance de la matière et des couleurs, goût du détail : autant d'éléments qui ont inspiré la créatrice de contenus sur Instagram Nawal Bonnefoy, qui prône le 100 % vintage ou seconde main. « J'emprunte à la fois des codes des fifties et des années 1990 pour des looks toujours empreints d'une certaine élégance. Pour casser le côté dame, je mets une casquette ou un bijou un peu fun. » La jeune femme déteste d'ailleurs les looks « old money », lesquels miment à bas coût, selon elle, les codes de la bourgeoisie avec des vêtements en polyester ou en acrylique. Le retour aux pièces intemporelles colle aussi aux préoccupations écologiques des consommateurs. « On voit revenir la notion de noblesse du vêtement, analyse Michaël Bonzom. À contre-courant du mass market, du géant chinois du prêt-à-porter Shein, on achète moins mais de bonne facture. » « On trouve dans l'ancien de belles finitions avec des pantalons bien coupés, un joli cuir patiné, le bon blazer... des pièces qui n'ont plus rien à prouver à personne, renchérit Nawal Bonnefoy. Finalement, c'est une mode qui tend à un retour à l'essentiel. »

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