« La différence est une vraie chance » (Julien Doré)

ENTRETIEN - L’auteur-compositeur-interprète, qui est aussi acteur, campe un flic pacifiste dans la série événement « Panda » sur TF1 à partir du jeudi 30 novembre.
Le 14 novembre, chez TF1 à Boulogne-Billancourt.
Le 14 novembre, chez TF1 à Boulogne-Billancourt. (Crédits : © Cyrille George Jerusalmi pour La Tribune Dimanche)

C'est sûr que sa vie est plus douce dans « ses » Cévennes. Récolter ses courgettes géantes, gambader avec son fils et ses deux bergers blancs suisses, Simone et Jean-Marc. Alors il pourrait montrer quelques signes d'hostilité quand il retourne à Paris pour la promo de sa série. On le retrouve chez TF1, jean slim noir et bottines aux semelles rouges. « Tu veux un café ? » Tiens, son côté sauvage ne l'empêche pas d'être délicat. Mais dompter l'animal avant de croiser son regard perçant, c'est une tout autre aventure. Mais une aventure qui vaut le détour...

LA TRIBUNE DIMANCHE- Parler de vous n'est pas ce que vous préférez... Il paraît que vous avez l'impression d'être « l'incarnation d'une bizarrerie »...

JULIEN DORÉ - Le bizarre est unique et la normalité est effrayante. La richesse infinie de l'être humain, c'est cette capacité à faire les choses différemment des autres, à fonctionner autrement que par une pensée de groupe. C'est dans cette marge-là que je trouve ma place ensuite sur scène et que je deviens capable d'agir et d'exister.

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Vous avez eu du mal à trouver votre place ?

Mon enfance en tant que fils unique se résumerait par un grand point d'interrogation. Est-ce que j'allais trouver ma place dans ce monde d'adultes avec ma sensibilité ? Aujourd'hui, je l'ai pleinement trouvée et j'ai compris que la différence est une vraie chance.

La solitude de l'enfant unique vous a-t-elle tant pesé ?

Je me réfugiais dans ma chambre avec mon imaginaire, entouré de posters de Michael Jackson, de Michael Jordan... Quand on est enfant, on n'arrive pas à verbaliser les choses parce que notre parcours de vie est encore réduit. Et c'est à ce moment-là que se joue le choix des chemins. Quand on m'a offert la possibilité d'avoir une guitare ou des feuilles pour dessiner, quelque chose s'est passé. Ce qui est douloureux, c'est que certains adultes ne saisissent pas à quel point il y a un enjeu crucial sur la suite d'une vie.

Vos parents ont-ils toujours été à l'écoute de l'enfant que vous étiez ?

Ils m'ont aidé à emprunter ce chemin qui me paraissait impossible à suivre. Il ne faut pas condamner les rêves d'un enfant. Quand je regarde la lune avec mon petit garçon et qu'il me dit qu'un jour il ira là-bas, je lui réponds que tout est possible. La maladresse peut être fatale.

Vous êtes un père optimiste ?

Depuis que je suis papa, je tiens la main d'un petit garçon. À un moment, dans quelques années, je vais devoir la lâcher. Si je ne trouve pas les moyens de récupérer des doses d'optimisme, alors surgira une immense culpabilité. Encore une fois, aucun enfant sur cette planète n'a décidé d'y être.

C'est pour ça que vous aviez parlé d'adoption avec Francis Cabrel ? (Lui et sa femme ont adopté leur dernière fille au Vietnam en 2004.)

Effectivement, il y a quelques années, j'ai commencé à me renseigner sur cette idée. Ça me paraissait être un cheminement extrêmement noble et courageux.

Il n'est jamais trop tard...

Exactement, sauf que la vie, entre-temps, a fait que d'une façon merveilleusement naturelle et surprenante mon petit garçon est arrivé dans notre vie.

Le harcèlement est devenu un sujet national ; vous vous sentez concerné ?

À l'école, j'ai senti qu'il y avait une différence avec les autres mais je ne savais pas pourquoi. Et quand je me suis rendu compte que je n'étais jamais invité aux anniversaires, je me suis vraiment senti exclu. C'est seulement quelques années après les Beaux-Arts que j'ai pu assumer ma personnalité, car nous étions tous en marge de la normalité...

Quelle éducation avez-vous reçue ?

Une éducation plutôt ferme mais cohérente de la part de ma mère. Elle a été salvatrice dans mon rapport aux autres. Mon instinct animal me pousse à faire très attention, à être dans l'observation, et parfois dans la fuite. Ces valeurs qui m'ont été transmises me sociabilisent et me permettent au moins d'être capable de ne pas montrer quand une personne en face de moi m'ennuie...

Vous vous ennuyez avec toutes ces questions ?

[Rires.] Pas du tout. Je n'en aurais pas parlé sinon !

Mon instinct animal me pousse à faire très attention, à être dans l'observation, et parfois dans la fuite

Vous croyez en quelque chose ?

J'ai une foi dans ce qui m'entoure de plus puissant que moi. Je ne sais pas si c'est ésotérique ou bizarre, mais il y a quelque chose de plus grand que moi qui m'anime quand je joue de la musique, quand je regarde le ciel...

Vous venez de perdre votre grand-mère Aimée et votre maman il y a un an et demi... Quand vous regardez le ciel, vous les voyez ?

Je ramène tout à mon fils, mais cette question s'est posée : savoir où sont certaines personnes désormais. Il y a un réflexe parental qui nous pousse à dire qu'elles sont dans les étoiles.

Comment accepter le départ si proche des deux femmes de votre vie ?

Ce sont deux voyages différents. Ma grand-mère de 102 ans a eu un parcours de vie de femme militante à la CGT qui manifestait pour les droits des femmes, les veuves de mineurs. La dernière fois que je l'ai vue, j'ai senti que sa valise était prête. Elle avait besoin d'apaisement et méritait donc ce voyage définitif, presque joyeux. Celui de ma mère a été évidemment bien différent.

Vous arrivez très bien à préserver votre vie privée.

C'est difficile mais je sais où placer les curseurs de l'intimité. J'en ai beaucoup souffert auparavant. On peut toujours râler sur la médiatisation d'un couple, il y a un moment où on en est aussi responsable. C'était le cas à une époque de ma vie et je ne referai plus cette erreur.

À la suite d'une rupture amoureuse, vous avez ressenti le besoin de suivre une psychothérapie. Pour régler quels problèmes ?

Je pense que j'avais mal compris ce sentiment qu'est l'amour. J'étais persuadé qu'être amoureux c'était ressentir la douleur et la peur de perdre l'autre en permanence. Que ça ne pouvait être que défini par la passion, presque animale, entre les larmes et l'éclat de rire, le manque et le charnel. Ces séances m'ont permis de comprendre que mes relations amoureuses n'avaient pas besoin d'être nourries de cette peur-là.

C'est comment, un dimanche chez Julien Doré ?

C'est le jour que je déteste le plus au monde. J'essaie de le rendre joyeux en regardant mon père jouer dehors avec son petit-fils à côté de mes chiens, mais ce jour m'absorbe trop. Il pue le recommencement. Les souvenirs de fin de week-end quand j'étais enfant, adolescent.

SES COUPS DE CŒUR

Si Hélène Ségara, Laura Pausini ou la sitcom Hélène et les garçons ont réveillé l'adolescent qui sommeillait en lui, Julien Doré a désormais d'autres centres d'intérêt. Il a découvert sur le tard la série Game of Thrones et, depuis, il est « tombé dedans ». Côté lecture, son livre de chevet actuel est un ouvrage de Cioran, De l'inconvénient d'être né, même s'il reconnaît que depuis ses études aux Beaux-Arts il préfère « lire utile ».

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Commentaires 2
à écrit le 26/11/2023 à 11:01
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Ce n'est pas la différence, mais la complémentarité qui est une vraie chance ! :-)

à écrit le 26/11/2023 à 10:55
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Mais impossible à enseigner à partir des médias télés qui formatent par définition.

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