Le long d'une route en lacet menant jusqu'au vignoble de Sciaranuova, dominant la côte est de la Sicile, on trouve encore sur le bas-côté des marchands de vins à l'étal de fortune. Ceux-ci sont vendus sans étiquette, comme pour rappeler que - dans les années 1980 encore - seulement 20% des raisins italiens étaient mis en bouteille pour la consommation courante. Un peu plus haut, à 800 mètres en surplomb de la Méditerranée, le chai en pierre de lave du domaine Planeta marque le pas d'une histoire ayant pris plus glorieuse tournure. De Noto à Capo Milazzo, comme aux quatre points cardinaux de l'île, les cousins Alessio, Francesca et Santi Planeta essaiment leur vision d'une viticulture à la fois pionnière en matière de durabilité et garante de traditions culturales.
Entre les anciens bâtiments agricoles entièrement rénovés et le théâtre ouvert accueillant chaque mois de juillet un festival d'art dramatique, un sentier conduit à la vinita : une parcelle microscopique rescapée du phylloxéra, où les plants biscornus de cépages mélangés semblent presque s'embrasser. Les fleurs sauvages frôlent à peine cet autre pied de vigne qui, à 100 ans passés, donne encore des baies. « En Sicile, les vins de l'Etna sont considérés comme des vins de haute montagne, rappelle Patricia Tóth, maître de chai pour Planeta. Nés sur un sol fait de matières minérales détruites, ils doivent leur structure à une acidité et une tension particulières. »
De fait, par endroits, la lave durcie n'est plus que sable de jais ; ailleurs, elle prend une couleur taupe, quelques cailloux éteints comme seuls reliefs. Selon qu'ils sont cultivés sur la face nord - moins soumise aux caprices de la mer - ou la face sud du volcan, nerello et carricante évoluent différemment, s'imprégnant çà et là d'arômes subtilement salins. Aucun ne rechigne, en revanche, à ancrer ses racines jusqu'au plus profond de la roche ; un tempérament végétal qui, là aussi, fait la force des rouges siciliens. « La Sicile est l'endroit rêvé pour exploiter toute la diversité des terroirs », estime Alessio Planeta. Lorraine Oddo l'a bien compris, elle qui - en 2017 - décide avec son père Pascal Oddo d'investir sur les hauteurs de l'île, mais côté ouest, au sud de Palerme.
Alessio Planeta, Lorraine Oddo et Francesca Planeta. (Crédits : © LTD / DR)
Le village de Menfi se veut le fief des Planeta depuis dix-sept générations et l'on y travaille de préférence - si ce n'est exclusivement - en famille ; le rapprochement franco-italien se concrétise donc par l'acquisition d'une centaine d'hectares perchés à 400 mètres d'altitude, où sont aussitôt plantés 17 hectares de vignes cultivées en biodynamie. Grillo, sauvignon blanc, nero d'avola, syrah... : le domaine Serra Ferdinandea se veut aujourd'hui le reflet de « la France et l'Italie réunies sur un même sol », résume Lorraine Oddo.
Des terres battues par le sirocco, demeurées vierges durant un siècle entier et où l'on ne fit longtemps pousser que des cardes et des artichauts. Outre des vins éclatants travaillés sur la longueur (chaque millésime de rouge, de rosé ou de blanc patiente deux ans avant sa mise sur le marché), cette « jeune » propriété s'attache à faire vivre tout un écosystème vertueux autour d'elle. Celui qui s'y perd - mais certainement pas par hasard - y trouvera ainsi du miel, des pois chiches, des figues blanches et des pâtes au blé dur local d'une variété oubliée.
Vibrantes et émouvantes ambassadrices de l'hédonisme sicilien, les gorgées de Cometa (un 100 % fiano signé Planeta) comme les verres clairs et onctueux du rosé né à Serra Ferdinandea ne sauraient pour autant se passer de repaires bienfaisants. À Menfi, on n'aura de meilleur choix que de se poser dans l'une des chambres de La Foresteria ou de La Segreta, dont les fenêtres donnent sur des vallons d'oliviers et des rangs de vignes. Pour une retraite quasi autarcique mais non moins roborative pour les sens, d'autres leur préféreront l'intimité de l'ancienne bergerie rénovée sur les hauteurs, où les effluves du four à pain concurrencent le parfum du thym frais.
Planeta : visites, dégustations et réservations sur planeta.it
Serra Ferdinandea : serraferdinandea.com
Nerina de Girolamo Russo, ou la fraîcheur géologique Qui va là ? Un etna bianco dont tous les Siciliens se refilent le nom entre deux parties de scopa, presque sous le manteau. Il faut s'imaginer une éruption intempestive ; une coulée minérale qui porte en elle les stigmates d'une terre secouée autant que la passion d'une famille arrimée à son île. Empreintes digitales. Après le père (Girolamo), on demande le fils (Giuseppe), mezzo artiste, mezzo intello, rompu à la rudesse des pentes du volcan. Dans ce paradis noir de Passopisciaro, noisetiers et oliviers encerclent de pointillés des ceps ancestraux désormais cultivés en bio. De face et de profil. La même robe jaune que ces pailles sèches se frayant un chemin entre le sable et le basalte du versant nord. L'indéracinable carricante dévale au palais avec tension et minéralité, cinq autres cépages autochtones éclatant sous forme d'amplitude florale teintée de sauge, de papaye et de thym. En quête de proximité. Un vis-à-vis incandescent, tout juste enveloppé d'un drap de plage après un dernier bain dans la grande bleue. Heure du délice. Vu son degré d'alcool (12 seulement), quando vuoi ! Meilleurs complices. Seul, il se raconte très bien. Avec des spaghettis aux anchois et muddica, il devient intarissable. Garde à vue. Au moins jusqu'aux prochaines vendanges, mais sans aller non plus jusqu'à la prochaine éruption. Règlement de comptes. Environ 34 euros. Girolamo Russo Via Regina Margherita, 72 (Passopisciaro) girolamorusso.it L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.Mise en bouteille
Entre deux visites de vignobles, quelques haltes solides s'imposeront forcément. Celles-ci sont à dévorer sans modération. Ristorante Da Vittorio Panificio casereccio « n'da curva » Razmataz Osteria Dadalia De concerts en bœufs jazzy, on finit par retrouver les DJ en train de mixer surQuatre escales siciliennes à boire et à manger
Les pêcheurs de la côte comme les grandes familles vigneronnes des hauteurs se donnent rendez-vous en famille dans ce repaire marin dans l'espoir (jamais déçu) que Vittorio et sa brigade improvisent sur la base de ce que la marée leur dicte. Décor minimaliste mais vue aussi captivante que l'assiette, comme en témoignent la poêlée de vongole ou le plat de gamberi rossi. Via Friuli Venezia Giulia, 9 (Porto Palo di Menfi).
Tenue exclusivement par des femmes, cette boulangerie « dans le virage » est tout indiquée pour amortir les estomacs au sortir d'une
dégustation. Focaccia et pizza al taglio de compétition s'y dégustent à même le trottoir. Attention : rien, sinon un rideau de cordelettes, n'indique depuis la rue la présence de ce temple gourmand placé sur l'une des routes menant à l'Etna. Via Bellini, 202 (Fiumefreddo).
Une adresse doublement contraignante : le taux de remplissage de la terrasse oblige à venir tôt et le tempérament liant de la clientèle à rester tard.
La carte des vins, dûment sélectionnés, incite (heureusement) à la découverte. Qui plus est lorsque les antipasti et la pasta s'en mêlent...Via Montesano, 17-19 (Catane).
les cagettes du maraîcher voisin, annexé par les
cuisines. Les plus grands noms des vins de Sicile - dont les nombreux domaines Planeta - y sont référencés, pour accompagner des recettes typiques qu'inspire le marché voisin de la Vucciria. Via Maccherronai, 20 (Palerme).
« Le tourisme en Corse est broyé par les dysfonctionnements » (César Filippi, GHR)
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