Disparition de Paul Auster : quand vient le soir

Paul Auster, mort mardi à l’âge de 77 ans, nous laisse en héritage un roman crépusculaire. L’un de ses plus beaux.
Paul Auster en 2003.
Paul Auster en 2003. (Crédits : LTD / Ulla Montan/Opale.photo)

On le savait malade. Cancer du poumon. Son épouse, Siri Hustvedt, dans un post poignant partagé sur ces réseaux sociaux qu'il n'aimait guère, avait l'an dernier clairement laissé entendre qu'il fallait se préparer à ce qui vient d'arriver cette semaine : la fin des haricots. Paul Auster avait longtemps été le romancier américain préféré des lecteurs français. Question de gueule et de style... Puis peu à peu l'Europe entière, le monde convinrent de ce qu'il était : l'un des plus grands écrivains américains de ce temps.

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Auster ne laissa jamais sa gloire le circonvenir. Toujours il chercha, au beau risque de tout perdre. Jusqu'à cet ultime opus, magnifique, œuvre au noir. L'histoire d'un vieil homme sur qui le soir n'en finit pas de tomber. « S. T. Baumgartner, illustre auteur de neuf ouvrages et de nombreux travaux plus courts sur des questions de philosophie, d'esthétique et de politique, membre fort apprécié de l'équipe de chercheurs de Princeton, phénoménologue vieillissant ayant passé sa vie dans le royaume du tangible, voyageur solitaire pataugeant jusqu'à la taille dans les mystérieux marais ontologiques de la perception humaine. »

Ça, c'est pour la doxa ; pour les proches, si tant est qu'il en ait gardé, c'est d'abord un veuf, un ténébreux, un inconsolé, un septuagénaire brisé depuis plus de dix ans par la mort accidentelle, sur une plage de Cape Cod, de la femme de sa vie, Anna, traductrice et autrice. Baumgartner donc, Sy de son prénom, qui donne son nom en ce printemps au plus troublant et automnal des romans de Paul Auster, peut-être le plus autobiographique (également septuagénaire, marié à une écrivaine...).

Un long voyage

Le lecteur découvrira Sy alors qu'il chute dans un escalier. Et cette chute, comme celle de la pomme de Newton, va tout changer. Elle ouvre grand les portes de la perception et celles du souvenir. Ceux d'Anna d'abord, dont il a laissé intact une décennie durant le cabinet de travail à l'étage de leur maison de Princeton, de leur vie commune, de leur amour, de leur complicité jamais vraiment prise en défaut. Tous ceux de cet « homme empêché » qui entreprend alors un essai sur le syndrome du « membre fantôme » à propos duquel il sera inutile de souligner sa fonction métaphorique pour ce vieillard amputé, lui, de sa moitié... Autour de lui-même, Baumgartner va faire un long voyage.

Si ce roman serre ainsi le cœur, c'est que l'écrivain s'y livre plus que jamais. « Vivre, c'est éprouver de la douleur et vivre dans la peur de la douleur, c'est refuser de vivre », écrit-il. En ce sens et à jamais, Paul Auster nous attend.

Paul Aster

BAUMGARTNER - Paul Auster, traduit de l'anglais (États- Unis) par Anne-Laure Tissut, Actes Sud, 208 pages, 21,80euros.

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