Commotions cérébrales : les maux de tête du handball

Les cas de commotions cérébrales se multiplient. La gardienne de l’équipe de France Cléopatre Darleux en souffre depuis un an.
La gardienne de but de l’équipe de France Cléopatre Darleux lors du championnat d’Europe en décembre 2020.
La gardienne de but de l’équipe de France Cléopatre Darleux lors du championnat d’Europe en décembre 2020. (Crédits : LUDVIG THUNMAN/BILDBYRÅN VIA REUTERS)

La seule fois où Cléopatre Darleux a été arrêtée aussi longtemps, c'était pour donner naissance à sa fille, en novembre 2019. À son retour, la gardienne a remporté trois médailles avec l'équipe de France de handball, dont l'or olympique à Tokyo. Sera-t-elle prête pour la défense du titre à Paris 2024 ? Rien n'est moins sûr. Commotionnée en décembre 2022 avec son club, Brest, elle est éloignée des terrains depuis neuf mois et manquera le Mondial qui démarre mercredi en Scandinavie. « Le syndrome postcommotionnel est insidieux, explique Cindy Conort, médecin des Bleues à qui la joueuse de 34 ans a confié l'évolution de sa santé. La durée du rétablissement peut être extrêmement variable. »

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Au lieu d'être rythmée par la préparation des JO, l'année de Cléopatre Darleux tourne autour de sa visite mensuelle dans une clinique spécialisée dans les neurosciences. « Ce qu'elle vit est terrible, compatit Vincent Gérard, son homologue de l'équipe de France masculine et président du syndicat des joueurs (AJPH). Sa situation met en lumière la gravité des commotions cérébrales, pour lesquelles aucun traitement miracle n'existe. » Luimême pense en avoir fait l'expérience la saison passée, lorsqu'il évoluait à Saint-Raphaël : en revoyant les images d'un ballon reçu au visage face à Cesson, il s'est rendu compte qu'il n'avait aucun souvenir de sa chute ; une commotion peut provoquer des pertes de mémoire, des troubles de l'humeur ou du sommeil.

Confrontée à la gravité potentielle des traumatismes à la tête ou au cou, la Fédération française a rédigé en 2019 un protocole baptisé « carton blanc ». Après avoir posé des questions types après un impact suspect (où sommes-nous ? quelle équipe a marqué le dernier but ?), il prévoit qu'un joueur présentant un signe évocateur de commotion (maux de tête, nausée, vomissement, changement de comportement) devra consulter un médecin chargé d'évaluer la durée de l'arrêt et les conditions de la reprise. Difficulté supplémentaire : les signes peuvent apparaître jusqu'à quarante-huit heures après un choc et, le plus souvent, les examens complémentaires (scanner, IRM) sont normaux.

En revoyant les images d'un ballon reçu au visage, Vincent Gérard s'est rendu compte qu'il n'avait aucun souvenir de sa chute

Secret médical oblige, le nombre de commotions décelées dans les compétitions nationales n'est pas connu. Mais Cindy Conort en diagnostique « davantage car le cas de Cléopatre a libéré la parole ». De même, l'AJPH relaie toutes les informations auprès de ses adhérents. Mais les résistances n'ont pas disparu : aujourd'hui encore, les staffs médicaux doivent convaincre certains joueurs de coopérer car ceux-ci craignent de perdre leur place. Le risque pour la santé est pourtant réel : dans les pays nordiques, en pointe sur cette question, plusieurs internationaux ont vu leur carrière stoppée par ce type de traumatisme.

Les gardiens sont les plus exposés mais aucun joueur de champ n'est à l'abri. Ainsi, l'arrière des Bleues Camille Ayglon-Saurina a subi en 2019 une fracture du nez doublée d'une commotion. Au PSG, les Danois Henrik Toft Hansen et Mikkel Hansen en 2019 puis Nikola Karabatic la saison passée ont été arrêtés pour le même mal. Victime de petits chocs répétés, le triple champion olympique français s'est plaint de maux de tête, de vertiges et de fatigue pendant plusieurs semaines.

Si le handball français a pris des mesures, ce n'est pas le cas partout. Recruté par les Allemands de Kiel à l'intersaison, Vincent Gérard a eu la surprise d'entendre son binôme tchèque, Tomás Mrkva, lancer : « J'ai encore mal à la tête mais j'ai pris des médocs, ça ira. » « En France, ça n'arriverait plus », apprécie le rempart numéro un des Experts. Pour autant, le fait qu'il n'existe pas de protocole en Bundesliga, en Ligue des champions ou dans les compétitions internationales lui paraît « scandaleux ». Thierry Weizman, président et médecin des Dragonnes de Metz, a trouvé une solution maison : « Lors de nos matchs européens, j'applique le même protocole qu'en Ligue féminine, même s'il n'est pas obligatoire. » Devrait-il l'être ? « Si l'on applique le principe de précaution, oui, il pourrait. »

Mais Vincent Gérard, le syndicaliste sans gants, a « abandonné l'idée que les joueurs puissent avoir un impact » sur les instances. Pour toute réponse, la fédération internationale a introduit en 2022 une suspension de deux minutes à l'encontre des tireurs qui atteignent la tête du gardien. Le Suédois Mats Olsson, légende du poste, a intégré un groupe de réflexion sur ces chocs. Bien maigre aux yeux des acteurs.

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