Cinéma : « Priscilla », le nouveau film de Sofia Coppola

Priscilla Presley avait rencontré Elvis à 14 ans. Sofia Coppola adapte au cinéma la vie de l’épouse du King. Une histoire d’emprise et de prison dorée.
Charlotte Langrand
Cailee Spaeny incarne Priscilla Presley dans le film de Sofia Coppola.
Cailee Spaeny incarne Priscilla Presley dans le film de Sofia Coppola. (Crédits : © Sabrina Lantos)

Son éternel sujet d'inspiration, celui de la vie des jeunes filles à peine sorties de l'adolescence, nous avait fait oublier que la frêle et posée Sofia Coppola a maintenant... 52 ans. Si elle n'a plus l'âge de ses héroïnes, la réalisatrice, qui a deux filles, n'a pas perdu l'envie d'explorer la vie du côté des jeunes femmes, de sonder leur ennui mélancolique ou destructeur, enfermées dans leurs prisons. Dans chacun de ses films, Sofia Coppola adopte résolument le point de vue de ses personnages féminins, renverse la caméra pour sonder les coulisses du passage délicat de la petite fille vers la femme, qui se joue derrière les façades proprettes et calfeutrées des foyers huppés américains.

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Après avoir décortiqué le mal-être adolescent dans Virgin Suicides (1999), le désarroi de l'épouse mal-aimée de Louis XVI dans Marie-Antoinette (2006) ou les passions consommatoires de lycéennes dans The Bling Ring (2013), la réalisatrice s'est penchée sur une icône de la culture américaine, peu connue en Europe : Priscilla Presley. La femme d'Elvis et mère de sa fille, Lisa Marie, doit une fière chandelle à la fille de Francis Ford Coppola : sans elle, sa vie à l'écran se serait peut-être résumée à celle d'un autre biopic sorti en 2022, Elvis de Baz Luhrmann (2022), où elle n'est qu'une anecdotique « femme de » blottie dans l'ombre de la star du rock'n'roll...

L'histoire commence en 959

Sofia Coppola inverse les rôles, rétablit l'équilibre, redonne une voix à Priscilla en racontant la même histoire à travers son prisme. « Quand j'ai lu son livre, je savais très peu de choses sur Priscilla Presley, explique la réalisatrice. J'ai été fascinée par le fait que personne ne sache vraiment ce qu'a vécu cette très jeune femme aux côtés d'un homme si puissant. Je me suis sentie proche de son histoire même si mon parcours est totalement différent, car j'ai senti que c'était un thème universel, qui parle de tout ce que doit traverser une fille pour devenir une femme : le premier baiser, devenir mère... J'aime aller regarder les coulisses du conte de fées, derrière la façade. »

Une idole toxique qui « s'offre » une poupée sacralisée à demeure, soumise à son bon vouloir

Cette histoire commence en 1959, quand cette toute jeune fille au visage d'enfant tombe en admiration et en amour pour son idole Elvis, alors qu'il fait son service militaire en Allemagne. Elle a 14 ans et ses parents tentent mollement de s'opposer à l'idylle, avant de l'autoriser à s'envoler chez la star, de dix ans son aînée, aux États-Unis. Comme dans Marie-Antoinette ou Virgin Suicides, Priscilla Presley va vivre l'ennui et l'enfermement dans une cage de luxe, à Graceland, la résidence ultra-sécurisée d'Elvis à Memphis. Là, occupée à devenir une poupée parfaite, ongles impeccables, faux cils et brushing au cordeau, elle attend son idole de mari qui lui choisit ses robes, la rend accro aux somnifères et aux amphétamines et la coupe de sa famille. Entre moult adultères et de dérangeants et mielleux « I wanna see my girl » (« je veux voir ma petite fille »), il la condamne à une vie de mère au foyer d'un définitif : « C'est moi ou ta carrière, baby. »

Elvis sous son jour le plus noir

Une mise en scène sombre et ouatée montre Elvis sous son jour le plus noir, un grand enfant capricieux et cruel, piégé par son propre pouvoir. Puisqu'il est cette fois-ci le personnage secondaire, la réalisatrice occulte quasiment la carrière du chanteur et le mythe de l'artiste torturé pour montrer sa vie privée, celle d'une idole toxique qui « s'offre » une poupée sacralisée à demeure, soumise à son bon vouloir et à un rôle d'admiratrice, et envers qui il finira par devenir violent, verbalement et physiquement...

Une situation qui, dans l'Amérique des années 1960, n'a suscité l'indignation de personne. « Il y a toujours un voile très protecteur autour d'Elvis, poursuit la réalisatrice, qui est plutôt fan des Clash et d'Elvis... Costello. Les fans de Presley n'étaient pas contents que je montre son addiction aux pilules, alors que tout le monde le sait depuis longtemps... Je ne veux pas lui manquer de respect, mais l'histoire de Priscilla est tellement choquante que j'ai pensé qu'après toutes ces années quelqu'un devait la raconter. Je sais que c'est dur de voir Elvis comme un humain, je ne voulais pas en faire le méchant de l'histoire, mais il avait aussi ses défauts et ses problèmes. » Perdue dans cette solitude abyssale, Priscilla finira par remonter la pente, au bout de treize années de vie commune. Elle fuira les ors de Graceland, pour enfin vivre « une vie à elle ».

Priscilla, de Sofia Coppola, avec Cailee Spaeny et Jacob Elordi. 1 h 53.

Charlotte Langrand

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Commentaire 1
à écrit le 01/01/2024 à 18:55
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"Priscilla Presley avait rencontré Elvis à 14 ans. " Et ça ne gène personne donc ? Puisque je me fais censurer cette remarque c'est que si bien sûr cela gène et de plus en plus d'ailleurs un animateur sur France 5 il me semble a posé la question à la...

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