Vignoble des Vins de Loire : le paysage se métamorphose avec le réchauffement climatique

LES VIGNOBLES EN 2050 (4/7). Aujourd’hui, le vignoble des Vins de Loire représente 42.000 hectares de surfaces viticoles, 2.200 domaines, 34 appellations d'origine protégée... Mais à quoi va ressembler demain ce bassin viticole, alors que le changement climatique gagne du terrain ? Plongée dans ce territoire qui s'étale sur cinq régions et 14 départements.
A la pointe Ouest du vignoble nantais, le Domaine des Troits Toits organise l’équilibre entre culture de la vigne et biodiversité.
A la pointe Ouest du vignoble nantais, le Domaine des Troits Toits organise l’équilibre entre culture de la vigne et biodiversité. (Crédits : Les Trois Toits)

Est-ce que l'on boira toujours du vin en 2050 ? Oui, à la condition d'avoir des vignes et des vignerons. Car la disparition d'une partie de terres viticoles est devenue une hypothèse dans le Vignoble des Vins de Loire où le vieillissement des exploitants est une réalité. « Beaucoup d'entre eux vont partir à la retraite dans dix ans. C'est un vrai enjeu car l'absence de repreneur est identifiée comme la première contrainte à la transmission et la pérennité des exploitations viticoles », s'exprime Thomas Chassaing, conseiller viticole Référent "Changement climatique" et "Maladies du bois/Dépérissements" au sein de l'ATV 49 (association technique viticole).

Si le poids du foncier peut être un obstacle à l'installation des jeunes agriculteurs, le Vignoble des Vins de Loire tirerait toutefois son épingle du jeu, le foncier étant « encore accessible », d'après lui. Le territoire verrait donc arriver de jeunes exploitants mais qui s'installeraient le plus souvent sur de plus petites surfaces que les cédants, observe de son côté Patrick Baudouin qui dirige le domaine éponyme au cœur de l'Anjou à Chaudefonds-sur-Layon. A l'aube de la retraite, ce dernier prépare sa transmission. Pour autant, difficile pour lui de se projeter.

« Nous ne savons absolument pas où l'on va. Ou alors on le sait trop bien et on ne veut pas trop le voir. Faire des projections, j'en suis incapable », s'inquiète l'exploitant angevin.

A l'assaut des tours antigel

Car un autre enjeu se joue dans les vignes : le réchauffement climatique qui pourrait à l'avenir modifier la spécificité des vins. Patrick Baudouin n'est d'ailleurs pas sans s'interroger sur l'avenir du chenin, le cépage blanc emblématique de l'Anjou, et à sa résilience face au changement climatique. D'autant plus que le viticulteur se voit contraint de relocaliser, au fur et à mesure des années, sa production sur les parcelles les moins soumises au gel.

Face aux risques accrus de gel printanier, de plus en plus de vignerons investissent d'ailleurs dans des tours antigel pour protéger leurs vignes. Ce qui n'est pas sans modifier l'esthétique des paysages. Exemple en Anjou où la Cuma L'Éole de Saint-Cyr-en-Bourg (une quinzaine de viticulteurs) a déjà installé 22 équipements de ce type pour protéger 110 à 120 hectares de vignes. Un dispositif qui pourrait être déployé à plus grande échelle. Du coup, pour faire accepter ces tours dans le paysage, et le bruit occasionné lors de leur fonctionnement, la coopérative prévoit de planter des haies et des arbres, tentant ainsi de préserver l'environnement.

Utiliser tout ce que la nature offre

En revanche, pour d'autres vignerons, le recours aux tours antigel n'est pas la réponse adéquate. Ces derniers sont davantage convaincus de l'importance du travail du sol pour faire face au défi climatique et à l'adaptation du matériel végétal aux aléas de la nature. Plus en phase avec la biodiversité, ils intègrent notamment l'arbre et les couverts végétaux dans la vigne laissant place à un nouveau paysage dans ce vignoble traversé par 800 kilomètres de routes viticoles. Pour s'en rendre compte, direction le terroir réputé pour son Muscadet. C'est ici que Cécile Perraud et Vincent Barbier, portés par les courants de la biodynamie, de l'agroécologie et de l'agroforesterie, ont repris le Domaine des Trois Toits à Vertou (Loire-Atlantique) en 2019.

« Notre approche vise à accompagner le végétal afin qu'il résiste aux changements climatiques », dixit Cécile Perraud qui gère le Domaine des Trois Toits.

Dès le début, les deux exploitants se sont engagés dans une démarche d'adaptation de leur vignoble en misant sur la diversité végétale. Sur une parcelle pilote de 12 hectares, au sein des 18 unités de culture, ils ont planté des arbres entre les parcelles tout en laissant courir un moelleux tapis de plantes (féverole, seigle et trèfle) entre les rangs de ceps. Ce couvert végétal permanent permet ainsi de conserver l'eau et de maintenir la fraîcheur du sol. La vigne est donc moins vulnérable face aux risques causés par les aléas (gel, stress hydrique, températures élevées...)

Alors que les événements climatiques se multiplient, Cécile Perraud constate que « le végétal encaisse et n'est plus productif ». Elle et son associé sont donc contraints de renouveler leur outil de production en mode accéléré. « Nous pensions le faire sur un temps long. Finalement, nous sommes obligés d'aller plus vite, c'est une question de survie. Nous avions prévu de réhabiliter un demi hectare par an. Finalement, nous arrachons 1 à 1,5 hectare tous les ans. Nous avons dû arracher des parcelles qui étaient à bout de souffle pour replanter notamment des cépages plus résistants sans pour autant nous détourner du Melon de Bourgogne (cépage du Muscadet) », explique la viticultrice.

Une diversité de cultures

Une autre pratique pourrait aussi modifier les paysages de ce territoire : la polyculture qui tend à gagner du terrain. Car, face aux enjeux climatiques, les vignerons ont plus que jamais conscience de l'utilité de développer d'autres plantations. Et quid de la viticulture bio ? Deviendra-t-elle majoritaire à horizon 2050 ? Romain Malidain, qui cultive 31 hectares de vignes, 100% en bio, en est persuadé. Et il est loin d'être le seul. Connu pour être un pionnier de la biodynamie en France, le vignoble des Vins de Loire s'est engagé dans une démarche environnementale forte alors que l'interprofession des vins de Loire Interloire s'est fixée comme objectif d'atteindre 100% des domaines certifiés d'ici à 2030, la moitié du territoire étant aujourd'hui sous label environnemental (Terra Vitis, Agriconfiance ou le label HVE...). De là à se diriger vers un territoire sans pesticides ?

« Un vignoble sans produits de traitement (souffrecuivre) ne sera pas possible. En revanche, nous nous dirigeons vers une viticulture plus vertueuse », est d'avis le viticulteur ligérien.

Vers un vignoble 100% automatisé ?

Le recours accru aux nouvelles technologies, notamment à la robotisation, pourrait aussi modifier l'esthétique des paysages. Chez les viticulteurs, il y a les contre, comme Cécile Perraud, et les pour, comme Guillaume Le Lay qui utilise les solutions connectées de Weenat (sondes pluviométriques et des capteurs de gel) depuis trois ans. Avec le manque de main-d'œuvre et l'évolution des usages phytosanitaires, il assure que le robot pourrait s'imposer dans le paysage. Même son de cloche à plus de 150 kilomètres de là.

« Le robot, je ne le vois pas comme un gadget. C'est une des réponses de demain pour le travail du sol », indique Romain Malidain, exploitant à La Limouzinière (Loire-Atlantique).

Le viticulteur a déjà expérimenté un robot 100% autonome chargé de l'entretien du sol. « La robotique, j'y reviendrai malgré un coût significatif car c'est un gain de précision. » Mais de là à se substituer à la main de l'homme et à l'expertise des viticulteurs... Il y a encore du chemin !

Retrouvez les autres épisodes de la série :

En Languedoc-Roussillon, un vignoble économe en eau à l'horizon 2050

Plus petit, plus diversifié, moins rouge : le vignoble bordelais en 2050

Xavier Baril, un ingénieur qui pasteurise son vin en Alsace

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 08/08/2024 à 13:56
Signaler
Le désert avance....ca sent pas bon...

à écrit le 08/08/2024 à 8:14
Signaler
Faites venir des vignerons ... chinois ! En Bourgogne de plus en plus d' ouvriers vignerons africains dans les " parcelles " et ... ils bossent eux !

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.