UE : dernière étape pour la réforme du marché de l'électricité

Par latribune.fr  |   |  1025  mots
Il sera désormais interdit de couper l'approvisionnement en électricité aux consommateurs jugés « vulnérables » ou en situation de « précarité énergétique ». (Crédits : © 2009 Thomson Reuters)
Le texte avait déjà fait l'objet d'un accord mi-décembre entre négociateurs des Etats membres et du Parlement européen et doit désormais recevoir un ultime feu vert des Vingt-Sept. Il vise à stabiliser les factures des consommateurs et encourager les investissements dans les énergies décarbonées, renouvelables comme nucléaire.

Limiter la hausse des prix de l'électricité tout en protégeant les investissements dans les énergies décarbonées : tel est l'objectif du texte qui porte la réforme européenne de l'électricité et qui va être examiné ce jeudi par les eurodéputés. Il a d'ores et déjà fait l'objet d'un accord mi-décembre entre négociateurs des Etats membres et du Parlement européen et doit désormais recevoir un ultime feu vert des Vingt-Sept.

La réforme vise amortir les factures des particuliers. Jusqu'à maintenant, les prix de gros de l'électricité dépendent du coût de la dernière centrale utilisée pour équilibrer le réseau, principalement des centrales à gaz : le marché s'était donc envolé en 2021-2022 à l'unisson des cours du gaz.

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Sans modifier structurellement ce fonctionnement, le texte encourage les contrats d'achat d'électricité de long terme à prix décidé d'avance (PPA) entre un producteur d'électricité et un industriel ou un opérateur la revendant aux particuliers, afin de lisser l'impact de la volatilité des cours du gaz sur les factures. Les Etats pourront obliger les fournisseurs d'électricité au détail à recourir aux PPA pour réduire leur exposition à la volatilité du marché de gros.

De leur côté, les PME peuvent se regrouper à plusieurs pour souscrire un PPA. Les Etats sont incités à établir des régimes de garanties publiques pour couvrir les risques de crédit des entreprises souscrivant ces contrats, mais peuvent restreindre leur appui aux énergies renouvelables.

Interdiction de couper l'électricité aux consommateurs jugés « vulnérables »

Les particuliers gagnent aussi un nouveau droit. Il sera désormais interdit de couper l'approvisionnement en électricité aux consommateurs jugés « vulnérables » ou en situation de « précarité énergétique ». Il auront aussi le droit à un « compteur intelligent » pour contrôler leurs dépenses, et les augmentations de prix unilatérales dans les contrats « à prix fixe » seront bannies.

« L'Europe disposera d'un marché de l'électricité socialement juste », s'était félicité, mi-décembre, l'eurodéputé socialiste Nicolas Gonzalez Casares, rapporteur du texte.

La production d'électricité décarbonée protégée

Par ailleurs, tout soutien public à des investissements dans la production d'électricité décarbonée (renouvelables ou nucléaire) lancés après 2027 devra passer par défaut par des « contrats pour la différence » (CFD) à prix garanti par l'Etat - ou des « régimes équivalents ayant les mêmes effets ». Dans le mécanisme du CFD, si le cours du marché de gros auquel le producteur d'électricité écoule ses électrons est supérieur au prix garanti par le contrat, il doit reverser ces revenus supplémentaires à l'État. Mais si le cours glisse en-deçà, c'est l'État qui verse une compensation au producteur d'électricité : une façon d'offrir davantage de prévisibilité aux investisseurs dans le secteur.

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Les centrales existantes pourront bénéficier de ces contrats à prix garanti en cas d'investissements destinés à doper leurs capacités ou à prolonger leur existence, y compris les sites nucléaires comme l'a obtenu Paris après d'âpres négociations. L'Allemagne s'y était opposée farouchement, redoutant la concurrence d'une électricité française rendue plus compétitive grâce à un soutien public massif.

L'accord final « offre la possibilité de prix stables et représentatifs des coûts (de la production), et nous donne les moyens d'assurer le financement pérenne de la transformation de notre système électrique » en dopant à la fois renouvelables et atome civil, avait affirmé Agnès Pannier-Runacher, alors ministre de la Transition énergétique.

Ces CFD devront cependant respecter les règles européennes sur les aides d'Etat, sans distorsions de concurrence, et le niveau de prix devra refléter le coût des investissements. Les Etats pourront redistribuer aux consommateurs finaux (ménages comme industriels) les recettes issues des CFD, ou les utiliser pour financer des investissements et des régimes de soutien qui permettent d'alléger leurs factures.

« Une situation de crise » pourra être déclenchée

De plus, en cas d'envolée durable des prix, les Etats membres pourront - à la majorité qualifiée et sur recommandation de la Commission européenne -  déclencher « une situation de crise » au niveau de l'UE, pour une durée maximale d'un an. Cela permettra alors aux États d'adopter des mesures de type bouclier tarifaire pour protéger les ménages vulnérables et les entreprises. Et les consommateurs prêts à réduire leur usage pendant les pics de consommation journaliers pourraient être rémunérés par les gestionnaires de réseaux.

Le texte fixe plusieurs conditions pour décréter une crise : des prix moyens sur le marché de gros 2,5 fois plus élevés que les cinq années précédentes et atteignant au moins 180 euros/MWh, ou alors si les prix de détail flambent brutalement de 70% et se maintiennent plusieurs mois à ce niveau.

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Instaurer des capacités de réserve

Les « mécanismes de capacité » permettent aux États de rémunérer les capacités inutilisées des centrales pour garantir leur maintien en activité et éviter des pénuries futures d'électricité.

Plusieurs pays souhaitaient être exemptés des contraintes écologiques prévues (limites d'émissions CO2), notamment la Pologne, soucieuse d'appliquer cet outil à ses centrales à charbon.

In fine, au grand dam des ONG environnementales, une dérogation est accordée sous conditions jusqu'en 2028 aux centrales fossiles très polluantes construites avant 2019.

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 Enfin, plusieurs pays souhaitaient être exemptés des contraintes écologiques prévues (limites d'émissions CO2), notamment la Pologne, soucieuse d'appliquer cet outil à ses centrales à charbon. In fine, au grand dam des ONG environnementales, une dérogation est accordée sous conditions jusqu'en 2028 aux centrales fossiles très polluantes construites avant 2019.

(Avec AFP)