Prolongation du nucléaire belge : l'UE lance une enquête approfondie, « pas une surprise » pour Engie

L'exécutif européen veut vérifier si le soutien public de la Belgique à la prolongation du nucléaire est bien conforme aux règles de l'UE en matière d'aides d'Etat. Cette prolongation avait fait l'objet d'un long bras de fer entre la Belgique et Engie, qui s'était notamment engagé à débourser 15 milliards d'euros pour s'acquitter de la gestion des déchets nucléaires.
Juliette Raynal
(Crédits : Reuters)

« Ce n'est pas une surprise », affirme-t-on au sein d'Engie. Lundi, la Commission européenne a annoncé l'ouverture d'une enquête approfondie pour vérifier si le soutien public de la Belgique à la prolongation du nucléaire est bien conforme aux règles de l'Union européenne en matière d'aides d'Etat. L'énergéticien tricolore est concerné en premier lieu car c'est lui qui exploite les centrales atomiques belges via sa filiale Electrabel.

Après de longs mois de négociations ardues, il avait décroché un accord avec l'Etat belge sur la prolongation de dix ans des réacteurs Doel 4 et Tihange 3, demandée par le royaume afin de garantir la sécurité énergétique du pays face à la crainte de pénurie d'électricité.

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Bruxelles entend notamment se pencher sur les modalités juridiques et financières de cette prolongation d'activité, qui passe, entre autres, par la création d'une entreprise commune détenue à 50/50 par l'Etat belge et Electrabel et par des prêts ou garanties de trésorerie assurés sur fonds publics. « La Commission considère que ces éléments doivent être examinés ensemble comme une seule intervention et impliquent des aides d'Etat », a indiqué l'exécutif européen, gardien du respect de la libre concurrence dans l'UE. « L'ouverture de l'enquête approfondie donne à la Belgique et aux tiers intéressés la possibilité de faire part de leurs observations. Elle ne préjuge en rien de l'issue de l'enquête », a-t-il ajouté.

Engie en discussions avec la Commission « depuis plusieurs mois »

« L'ouverture d'une procédure d'enquête formelle était attendue », a déclaré Engie, précisant être en discussions avec la Commission « depuis plusieurs mois ». « Il s'agit de la procédure normale pour obtenir la validation du projet en vertu des règles relatives aux aides d'État dans les cas impliquant un mécanisme de contrat pour différence dans le secteur nucléaire », ajoute le groupe tricolore, qui estime que le lancement de cette enquête ne remet pas en cause le calendrier. Lequel prévoit un redémarrage des deux tranches nucléaires en novembre 2026 au plus tard.

Outre l'investissement d'environ 2 milliards d'euros (répartis équitablement) pour mettre sur pied la coentreprise qui gérera les deux réacteurs, Engie et l'Etat belge avaient trouvé un accord sur la vente de l'électricité produite par ces deux tranches, via un mécanisme de contrat pour différence (CFD). Et ce, de manière à assurer un revenu fixe pour le producteur et un prix stable pour le consommateur. Le niveau de prix, qui faisait débat, reste toutefois confidentiel.

15 milliards d'euros pour s'acquitter de la gestion des déchets

Mais les négociations entre les deux parties avaient surtout buté sur la question de la gestion des déchets nucléaires des sept réacteurs du royaume et plus précisément sur la somme qu'Engie devrait débourser pour s'acquitter de leur gestion. L'entreprise, dirigée par Catherine MacGregor, s'était finalement engagée à verser 15 milliards d'euros. Initialement les montants évoqués avoisinaient une fourchette comprise entre 18 et 20 milliards d'euros. L'enjeu était de taille car une fois l'énergéticien acquitté de cette somme, il sera totalement désengagé de la responsabilité des déchets nucléaires. Engie cherchait donc, en toute logique, à tirer le niveau de ce plafond vers le bas, contrairement à son interlocuteur qui, lui, souhaitait se couvrir le plus possible.

Bruxelles a dit vouloir se pencher sur « la proportionnalité » de ces arrangements financiers. Pour Engie, une remise en cause de cet accord constituerait un véritable revers car le groupe s'est engagé auprès de ses actionnaires à sortir au plus vite de l'atome civil. L'énergéticien estime désormais que le nucléaire doit relever du fait d'un acteur souverain en raison, justement, de la complexité de la gestion des déchets nucléaires. « Une complexité qui apporte une vulnérabilité », pointait un bon connaisseur du dossier.

(Avec AFP)

Juliette Raynal

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Commentaires 2
à écrit le 23/07/2024 à 16:05
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Ben ça alors Engie vare investir dans les centrales belges Alors que quelques années plus tôt ils voulaient les vendre à EDFqui vu le peu d'investissement réalisé l'entreprise française avait décliné . Ne jamais laisser des entreprises privées gér...

à écrit le 23/07/2024 à 15:18
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"Bruxelles" se penche sur la conformité des accords de prolongation du nucléaire passés par le gouvernement belge : voilà qui est cocasse ! On se demande combien de temps encore les gouvernements des pays membres vont supporter ce droit de regard de...

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