Problème de corrosion sous contrainte : « Il ne faut pas baisser la garde », prévient le gendarme du nucléaire

Lors de son audition à l'Assemblée nationale, le président de l'Autorité de sûreté nucléaire a estimé qu'il y avait encore des incertitudes autour du phénomène de corrosion sous contrainte, qui a ébranlé le parc atomique d'EDF en 2022. La détection d'autres fissures n'est pas écartée. L'électricien dit tenir compte de ces éventualités dans ses prévisions de production.
Juliette Raynal
Bernard Doroszczuk, le président de l'Autorité de sûreté nucléaire.
Bernard Doroszczuk, le président de l'Autorité de sûreté nucléaire. (Crédits : CHARLES PLATIAU)

CSC. Cet acronyme, désignant la corrosion sous contrainte, est devenu le cauchemar d'EDF dès octobre 2021 lorsque l'exploitant du parc atomique tricolore a découvert une fissure sur une conduite d'eau, servant à refroidir le réacteur en cas d'urgence, dans la centrale de Civaux (Vienne). Identifié sur plusieurs sites, ce phénomène avait contraint l'électricien à mettre à l'arrêt de nombreux réacteurs, entraînant une importante baisse de la production nucléaire et des pertes records pour EDF en 2022.

Mais alors que la disponibilité du parc a retrouvé un niveau bien plus acceptable depuis début 2023, ce phénomène ne fait, pour autant, pas partie de l'histoire ancienne. « Personne ne peut dire, ni affirmer qu'on n'en trouvera pas de nouveaux [problèmes de corrosion, ndlr] », a lancé Bernard Doroszczuk, le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), lors la présentation de son rapport annuel devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), réuni ce jeudi à l'Assemblée nationale. De fait, en mars dernier, EDF a indiqué avoir détecté des fissures sur deux soudures du réacteur de la centrale de Blayais 4, située en Gironde.

Des incertitudes persistent

Questionné par le député de Seine-et-Marne Maxime Laisney (LFI) sur les causes de ce phénomène qui a ébranlé le parc nucléaire, Bernard Doroszczuk a reconnu qu'il existait « encore des incertitudes ». Si une des causes avérées est liée à la géométrie des lignes de conduites des réacteurs les plus récents (les paliers de 1.450 mégawatts et de 1.300 mégawatts), le patron de l'ASN a aussi précisé qu'il pouvait « y avoir d'autres causes », en faisant notamment référence à la fragilité de certaines soudures ayant fait l'objet de multiples réparations lors de leur fabrication. C'est notamment la piste privilégiée pour expliquer l'importante fissure de 23 millimètres découverte sur l'un des réacteurs de Penly en mars 2023, ainsi que la fissure détectée sur le réacteur de Flamanville 1. Par ailleurs, d'autres travaux d'investigation actuellement en cours concernent « la chimie de l'eau ». « C'est une hypothèse qui n'est pas écartée », a indiqué Bernard Doroszczuk.

Selon le président de l'autorité, une certitude demeure : l'origine de ce phénomène relève d'un faisceau de facteurs. Celui-ci estime donc qu'il « ne faut pas baisser la garde », notamment parce que « les réparations ont été faites à l'identique ». Des opérations de contrôle seront ainsi faites systématiquement sur des endroits ciblés.

Quelque 700 soudures déjà contrôlées

En parallèle, EDF a entamé, fin 2022, un vaste programme de contrôles sur tous les réacteurs, qui devrait aboutir en 2025. Dans ce cadre, plus de 700 soudures avaient déjà fait l'objet de contrôles par ultrasons en mars 2024. Sur ce volume, 270 ont été expertisées en laboratoire. « Trois défauts qualifiés de relativement profonds, c'est-à-dire dépassant le quart de l'épaisseur de la soudure », ont été détectés, a indiqué à la presse Julien Collet, le directeur général adjoint de l'ASN. Ces défauts ont été identifiés au premier semestre 2023 sur les réacteurs de Penly 1, Penly 2 et Flamanville 1. Deux de ces fissures sont bien le résultat d'un problème de corrosion sous contrainte sur des soudures ayant fait l'objet de réparation tandis que la troisième est le résultat d'un phénomène de fatigue thermique. Par ailleurs, des fissures de plus de 2 millimètres de profondeur ont été identifiées sur quelque 90 soudures.

Contacté par la rédaction, EDF a indiqué avoir intégré dans ces estimations de production d'électricité l'éventualité d'avoir à procéder à des réparations liées à la corrosion sous contrainte. Pour 2024, la fourchette de prévision s'établit entre 315 et 345 térawattheures (TWh). En 2023, elle s'est établie à 320,4 TWh.

Juliette Raynal

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Commentaires 12
à écrit le 26/06/2024 à 16:01
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L'article sur le problème de la corrosion sous contrainte est très instructif. Il rappelle l'importance cruciale de rester vigilant face aux risques potentiels dans le secteur nucléaire. Les avertissements du gendarme du nucléaire soulignent la néces...

le 26/06/2024 à 16:22
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le 26/06/2024 à 16:29
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test

à écrit le 18/05/2024 à 8:46
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on ne parle JAMAIS du prix de TOUTE la filière nucléaire ou du rendement énergétique des centrales ou des mines d'Uranium ou de la gestion des déchets ou de la sécurité des sites ou de la pollution massive de la manche par le site Orano de La Hague ...

à écrit le 17/05/2024 à 9:02
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Ces corrosions sous contraintes sont le cancer de la famille des aciers inoxydables pourtant indispensables à ces installations. Ces fissurations risques de devenir plus importantes avec l'âge des réacteurs. Notons que les réparations sont souvent co...

le 17/05/2024 à 11:11
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Le point important est qu'un phénomène équivalent n'a été constaté sur aucun réacteur étranger de technologie identique (REP de conception Westinghouse). La grande différence : les réacteurs étrangers fonctionnent en continu (en base) alors que la pu...

le 17/05/2024 à 12:40
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Il me semble que les réacteurs de taille originelle Westinghouse ne sont pas concernés par ces problèmes de corrosion, seuls ceux qui ont été agrandis pour produire plus seraient 'fragiles'. Une simple homothétie ne suffit pas à changer de dimensions...

à écrit le 17/05/2024 à 8:30
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Hier un documentaire sur Tchernobyl, je ne pensais pas encore apprendre des trucs mais ils ont numérisé l'évolution du nuage et sa surface de contamination, toute l'europe a été touchée par sa radioactivité car la fuite due à l'incendie a duré 2 sema...

le 17/05/2024 à 8:56
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Cette catastrophe de Tchernobyl est due à un réacteur instable disons placé dans un hangar à vélo; le terme instable repose sur le coefficient de température je m'explique: si la température augmente la criticité augmente donc il faut descendre les b...

le 17/05/2024 à 9:43
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Et le nuage est monté très haut dans l’atmosphère, les experts disaient que les bombes nucléaires étaient moins dangereuses pour l’environnement lointain car programmé à décimer une zone précise, tandis qu'un incendie va contaminer l monde entier. Il...

le 17/05/2024 à 12:35
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La frontière n'a donc pas arrêté le nuage ? On nous aurait menti ? Les bras m'en tombent. ... Se croire épargné était un leurre officiel. Comme la culture qui ne répand aucune substance dans les eaux du sous-sol, même à long terme (effet décalé), c'e...

le 17/05/2024 à 19:47
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Je ne vous crois pas. Pasqua avec l'accent, nous a certifié que le nuage de Tchernobyl n'a pas pu passer la frontière Française car il n'avait ni le bon faciès, ni les papiers nécessaires.

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