Pollution de l'air : aujourd'hui encore, les particules fines tuent plusieurs centaines de milliers d'Européens

Par latribune.fr  |   |  966  mots
En Ile-de-France, agglomération la plus peuplée d'Europe, les habitants subissent particulièrement les conséquences de la pollution de l'air. Selon Airparif, le nombre de décès liés à celle-ci a atteint 8.000 personnes en 2022. (Crédits : Gonzalo Fuentes)
Bien qu'en baisse depuis 2005, le nombre de citoyens européens décédés prématurément à cause de la pollution aux particules fines, est toujours significatif. En 2021, le bilan est même en hausse par rapport à 2020, atteignant 253.000 morts, selon un rapport. En cause notamment : une exposition accrue à différents polluants. De son côté, l'Etat français vient de nouveau d'être condamné par le Conseil d'Etat pour n'avoir pas suffisamment lutté contre la pollution de l'air.

S'il a diminué en 20 ans, le nombre de décès liés à la pollution de l'air continue de tuer dans l'Union européenne. C'est la triste conclusion d'un rapport de l'Agence européenne de l'environnement (AEE), publié ce vendredi.

« Au moins 253.000 morts dans l'UE en 2021 sont imputables à une exposition à la pollution par les particules fines (PM2,5) supérieure à la concentration de 5 µg/m3 recommandée par l'Organisation mondiale de la santé », détaille l'AEE, dans son communiqué.

Ce chiffre est en hausse par rapport à 2020 quand les particules fines, qui pénètrent profondément dans les poumons, avaient causé le décès prématuré de 238.000 personnes. La tendance reste cependant largement positive sur un plus long terme puisqu'entre 2005 et 2021, le nombre de décès prématurés dû aux particules fines a diminué de 41%, souligne l'étude.

Plus d'exposition aux polluants

L'augmentation constatée entre les deux années s'explique par une exposition accrue aux polluants et par une légère hausse de la mortalité européenne essentiellement due au Covid-19, selon l'AEE. En dépit des « grands progrès » réalisés ces dernières années, « l'impact de la pollution de l'air sur notre santé reste encore trop élevé », relève la directrice exécutive de l'AEE, Leena Ylä-Mononen, citée dans le communiqué.

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Par catégorie de polluants, la mortalité attribuable aux PM2,5 est en « légère hausse » par rapport à 2020. En parallèle, quelque 52.000 décès prématurés sont attribuables à l'exposition au dioxyde d'azote (NO2), gaz produit principalement par les véhicules et les centrales thermiques, traduisant une « légère hausse » par rapport à 2020, selon l'AEE.

Pour les particules d'ozone (O3), notamment issues du trafic routier et des activités industrielles, 22.000 décès prématurés lui sont attribuables, en « légère baisse» par rapport à 2020. L'agence n'additionne pas les bilans car cela conduirait selon elle à des doubles comptages.

La menace environnementale la plus grave

La pollution de l'air reste la menace environnementale la plus importante pour la santé des Européens, souligne par ailleurs la directrice exécutive de l'AEE. Dans une interview accordée à La Tribune en juin dernier, Antoine Trouche, ingénieur et responsable de la médiation scientifique à l'agence publique Airparif, avait expliqué à ce sujet :

« Une mauvaise qualité de l'air ambiant, même en l'absence d'épisodes de pollution - ce qu'on appelle la pollution chronique - a des effets à moyen et long terme. C'est un danger environnemental qui ne s'attaque pas seulement aux poumons comme on l'imagine, mais à d'autres organes également. Cancers, risques d'infertilité, maladies neurodégénératives font partie des conséquences. »

L'Ile-de-France particulièrement touchée

En Ile-de-France, agglomération la plus peuplée d'Europe, les habitants subissent particulièrement les conséquences de cette pollution. Selon le dernier bilan d'Airparif, en 2022, la pollution de l'air a tué près de 8.000 Franciliens. Une proportion non négligeable par rapport aux 47.000 décès annuels évitables en France, liés à la pollution de l'air, recensés par l'agence Santé Publique France, dans un bilan récent.

« En 2022, les 12 millions d'habitants de la région Île-de-France ont été exposés à un air dont les concentrations en particules fines et en ozone de basse altitude dépassent les seuils recommandés par l'OMS et 11,5 millions de Franciliens pour le dioxyde d'azote », déplorait par ailleurs Airparif.

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Néanmoins, selon le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa), la qualité de l'air se serait malgré tout améliorée en Ile-de-France, en particulier avec la hausse des réglementations sur les polluants.

L'Etat français condamné à deux reprises

Depuis plusieurs années, la France peine à répondre entièrement aux réglementations sur la qualité de l'air, ce qui lui a valu une condamnation par le Conseil d'Etat en 2022. Rebelote ce vendredi : l'Etat français a de nouveau été condamné pour n'avoir pas suffisamment lutté contre la pollution de l'air par le Conseil d'Etat qui pointe des dépassements significatifs de certaines normes à Paris et Lyon, mais note aussi des améliorations dans d'autres métropoles.

Le Conseil d'État condamne ainsi « l'État au paiement de deux astreintes de cinq millions d'euros pour les deux semestres allant de juillet 2022 à juillet 2023, en divisant par deux le montant de l'astreinte prononcée par semestre », par rapport à des condamnations antérieures, indique la plus haute juridiction administrative. Ces sommes iront à différentes organisations et institutions.

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Des victimes indemnisées pour la première fois

Une décision de justice inédite en France : le 16 juin 2023, l'Etat français a été condamné par le tribunal administratif de Paris à indemniser des victimes de la pollution de l'air, estimant qu'une partie des symptômes de bronchiolite et d'otite de deux enfants étaient dus au dépassement des seuils de pollution en région parisienne.

Pour François Lafforgue, avocat des familles aux côtés de Hermine Baron « ces deux décisions sont inédites et importantes. Pour la première fois en France, des victimes de la pollution de l'air sont indemnisées. », avait-t-il indiqué à l'AFP, confirmant une information du quotidien Le Monde.

« Une partie des symptômes » dont ont souffert les deux filles a été « causée par le dépassement des seuils de pollution résultant de la faute de l'Etat », avait estimé la juge administrative. Les parents de ces deux filles ont reçu 3.000 et 2.000 euros d'indemnité, une somme toutefois bien inférieure aux 219.000 et 222.000 euros réclamés.

(Avec AFP)