![« Le programme Nuward tel qui l'est aujourd'hui sera sûrement suspendu et c'est un autre projet qui démarrera. »](https://static.latribune.fr/full_width/2127000/nuward.jpg)
[Mise à jour] Article mis à jour à 22h45, initialement publié à 19h49 le 01/07/24
Coup dur pour EDF. L'électricien qui s'était lancé dans la course aux petits réacteurs nucléaires modulaires, les fameux SMR en anglais, a décidé « de faire évoluer le design » de sa mini centrale Nuward afin de mieux répondre aux attentes du marché, a indiqué le groupe à La Tribune, confirmant une information de l'Informé. Cette évolution fait suite à « l'étude en détails de la maquette complète dans le cadre de la phase de basic design par les équipes d'ingénierie » et aux « échanges avec les acteurs du marché », explique l'électricien, qui entend désormais « aller vers des technologies exclusivement éprouvées ».
Pour rappel, le projet de centrale SMR Nuward faisait partie des « gros » SMR en s'appuyant sur une paire de réacteurs de 170 mégawatts, soit une puissance totale de 340 mégawatts, contre quelques dizaines pour certains de ses concurrents. Dans un premier temps, le projet Nuward a été présenté comme un programme essentiellement tourné vers l'export, destiné à remplacer les centrales à charbon, qui sont fortement émettrices de CO2, afin de décarboner le mix électrique de nombreux pays. Et ce, sans procéder à d'importants investissements dans les réseaux. Il était ensuite question de cibler également le marché domestique. Un premier exemplaire devait d'ailleurs être mis en service en France à l'horizon 2035 tandis que le premier béton était attendu pour 2030. Une implantation sur le site de Marcoule (Gard) a été un temps évoquée, mais n'a pas été confirmée lors du dernier Conseil de politique nucléaire (CPN), présidé par Emmanuel Macron.
Des choix innovants qui se heurtent aux réalités industrielles
Pour Nuward, EDF a fait le choix de reprendre la technologie des réacteurs à eau pressurisée, actuellement à l'œuvre dans tous les réacteurs du parc atomique tricolore, tout en souhaitant se rapprocher du niveau de sûreté des réacteurs dits de 3ème génération (dont fait partie les EPR), qui prennent en compte, dès leur conception, le risque de fusion du cœur. « Cela implique qu'on fasse des choix innovants qui se heurtent aux capacités de la filière industrielle », explique à La Tribune une source interne, selon laquelle des doutes sur la faisabilité du projet ont émergé il y a environ un an au sein des équipes techniques. Selon Les Echos, EDF a notamment buté sur la conception de générateurs de vapeur à plaques, qui doivent permettre de miniaturiser les équipements.
Par ailleurs, « lorsque l'on fait la somme de tous les coûts d'ingénierie, de conception et d'exploitation, cela coûte très cher », poursuit cette même source. Des débats portés sur le choix des matériaux et des filières de fabrication auraient notamment conduit à la conclusion que le coût global du projet était trop éloigné des attentes des clients. La voie d'un SMR de troisième génération « chiadé » aurait donc mené à un programme à la fois « trop cher et trop lent ».
Plus généralement, EDF se serait retrouvé confronté à deux problématiques contradictoires : d'un côté la nécessité de standardiser la fabrication en usine afin d'aller chercher des effets de série. Et de l'autre, le besoin de réaliser des adaptations pour répondre aux spécificités propres aux différentes localisations envisagées, compte tenu de la taille de la centrale.
Le projet suspendu ?
Pour mémoire, le programme Nuward a fait l'objet d'un important soutien public. Lauréat du programme France 2030, il devait bénéficier d'une aide allant jusqu'à 500 millions d'euros, contre des aides qui se chiffrent en dizaines de millions d'euros pour ses concurrents. Naarea et Newcleo ont ainsi décroché une première enveloppe de 25 millions d'euros l'été dernier tandis que Jimmy a remporté, à lui seul, une aide de 32 millions d'euros.
« L'entité juridique Nuward, filiale du groupe EDF, va vraisemblablement demeurer, mais le programme Nuward tel qui l'est aujourd'hui sera sûrement suspendu et c'est un autre projet qui démarrera », estime la source précédemment citée, tandis qu'EDF dément, pour l'heure, tout projet de suspension ou d'abandon. « Compte tenu du niveau d'endettement du groupe, il paraît logique de partir sur un autre projet s'appuyant sur des technologies éprouvées plutôt que de se lancer dans une aventure hasardeuse », pointe encore cette source.
Parmi la dizaine de projets de SMR portés dans l'Hexagone, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) considérait que Nuward figurait parmi les projets les plus matures d'un point de vue technologique, aux côtés du projet Calogena, porté par le groupe Gorgé. La filiale d'EDF entendait initialement déposer son dossier de demande d'autorisation auprès du gendarme du secteur d'ici fin 2026, après avoir déposé son dossier d'option de sûreté en 2023. Ce lundi, le groupe n'était pas en mesure de communiquer un nouveau calendrier.
Le revers du programme Nuward n'est pas un cas isolé dans la course mondiale aux SMR. En novembre dernier, la start-up américaine NuScale a abandonné son premier projet de SMR dans l'Idaho, aux Etats-Unis. Et ce, en raison de l'explosion de ses coûts, qui avaient atteint 9 milliards de dollars, soit presque le double du budget présenté en 2014. Dans le cadre du projet Carbon free power project (CFPP), NuScale devait livrer à une cinquantaine de municipalités une centrale nucléaire composée de six SMR. Mais ces dernières se sont désistées compte tenu du prix élevé du mégawattheure annoncé. L'entreprise, fondée en 2007, planche néanmoins sur d'autres projets de SMR dans le monde. Elle bénéficie d'un important soutien de l'Etat fédéral, qui, en 2020, lui a accordé une enveloppe de 1,4 milliard de dollars pour la période 2020-2030.Un autre revers de l'autre côté de l'Atlantique
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