Hydrogène : Teréga maintient le cap sur l'ambitieux projet de gazoduc H2Med

Le gestionnaire, mobilisé sur le projet de gazoduc maritime devant relier Barcelone à Marseille, table toujours sur une mise en service en 2030. Et ce, malgré les nombreuses embûches que rencontre actuellement le marché de l'hydrogène. Teréga appelle néanmoins les autorités françaises à clarifier au plus vite le cadre réglementaire sur les infrastructures.
Juliette Raynal
Dominique Mockly, le directeur général de Teréga.
Dominique Mockly, le directeur général de Teréga. (Crédits : Eric Traversie)

« Sur le plan technique, on fait ce qu'il faut pour être au rendez-vous de 2030 », a assuré Dominique Mockly, le directeur général de Teréga, le deuxième gestionnaire du réseau de transport de gaz dans l'Hexagone (avec GRTgaz), en évoquant l'ambitieux projet H2Med, ce futur pipeline d'hydrogène devant connecter la péninsule ibérique et le Nord ouest de l'Europe.

Arraché fin 2022 par Madrid et Berlin, malgré les réticences de la France, cette autoroute gazière doit notamment relier Barcelone à Marseille en passant par la Méditerranée. Les travaux de Teréga se concentrent tout particulièrement sur ce tronçon offshore baptisé BarMar et, qui, en théorie, aura la capacité de transporter quelque 2 millions de tonnes d'hydrogène bas carbone par an.

« Nous faisons les études techniques, les études de routes, les études environnementales, etc. de façon à être prêts pour les concertations publiques qui auront nécessairement lieu », a-t-il développé lors de la conférence annuelle de l'entreprise, présente dans le Sud-Ouest de la France.

« Techniquement, nous sommes toujours alignés avec les calendriers », a-t-il insisté. Teréga prévoit donc de lancer, comme prévu, les « open seasons » en 2025, une opération qui consiste à recueillir à la fois les engagements en matière de production et ceux en matière de consommation de long terme.

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Un marché qui ne décolle pas

Cette confiance détonne avec les nombreuses difficultés que connaît actuellement ce marché, au point que même les représentants de la filière émettent désormais publiquement des doutes sur l'atteinte de certains objectifs. « Je suis persuadé qu'un certain nombre d'objectifs ne seront pas atteints dans les temps, notamment les projets de gazoduc », confiait ainsi récemment Philippe Boucly, co-président de l'association France Hydrogène.

Et pour cause, en France, le retard à l'allumage est criant : les capacités de production par électrolyse ne s'établissaient qu'à 30 mégawatts (MW) fin 2023, une goutte d'eau par rapport aux 6 500 MW que s'est fixé la France comme objectif pour 2030. « Lorsque vous voyez la liste des projets en Espagne en termes de production d'hydrogène (...) vous commencez à avoir des capacités significatives », tempère toutefois Dominique Mockly.

Le dirigeant met également en avant les bons résultats obtenus dans le cadre de l'appel à manifestation d'intérêt (AMI), mené pour un autre projet d'infrastructure dédié à l'hydrogène : le réseau HySow, qui prévoit quelque 600 kilomètres de canalisations dans le Sud-Ouest de l'Hexagone. Lesquelles devraient constituer une partie clef de la future dorsale européenne de l'hydrogène.

Le Sud-Ouest, une région exportatrice dès 2030 ?

Additionnés, les 43 projets recensés via cet AMI représentent un volume de 400.000 tonnes d'hydrogène par an, soit une capacité d'électrolyse d'environ 4 gigawatts (GW). Ce qui représenterait plus des deux tiers des 6,5 GW visés à l'échelle nationale ! « En 2030, nous [la région Sud-Ouest, ndlr] pourrions déjà être exportateurs d'hydrogène », a ainsi fait valoir Dominique Mockly.

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Reste qu'un grand écart demeure entre les volumes des projets annoncés et ceux qui aboutiront réellement. Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), sur les 360 GW de projets de production d'hydrogène recensés dans le monde à différents stades de maturité, seuls 3% ont obtenu une décision finale d'investissement ou ont démarré leur chantier de construction. Un gap qui s'explique, entre autres, par le manque d'acheteurs.

Crainte sur le cadre réglementaire

Un point que soulignait également le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) dans une étude publiée en début d'année. Selon cette enquête, menée auprès d'un panel d'industriels européens, la consommation d'hydrogène décarboné ne s'élèverait qu'à 2,5 millions de tonnes par an à l'horizon 2030, contre les 20 millions de tonnes projetées par la Commission européenne dans le cadre du plan RepowerEU.

Pour l'heure, du côté de Teréga, seule une légère crainte est évoquée. Elle concerne la transposition du cadre réglementaire européen à l'échelle nationale : « Si nous attendons la fin de 2026 pour clarifier le cadre réglementaire sur les infrastructures, cela risque d'être un peu juste pour être au rendez-vous de 2030 », a glissé Marie-Claire Aoun, directrice de la prospective et des relations institutionnelles chez Teréga. « Nous appelons à anticiper cette transposition au niveau national et à certifier aussi les opérateurs de transport afin que nous puissions avoir de la visibilité et développer ces infrastructures de manière sereine », a-t-elle ajouté.

Dans la perspective d'une baisse conséquente de la consommation de gaz d'ici à 2050, et donc d'une baisse mécanique des volumes transportés, l'avènement de l'hydrogène décarboné et de ses dérivés est un enjeu crucial pour Teréga. Dans son nouveau plan stratégique à l'horizon 2035, baptisé Gaïa, le gestionnaire prévoit de réaliser 50% de ses investissements dans les énergies vertes, qui regroupent à la fois le biogaz, l'hydrogène propre et le CO2.

Juliette Raynal

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