Facture colossale de la transition climatique : l'Etat devra tripler ses investissements pour atteindre son objectif de 2030

Par latribune.fr  |   |  1022  mots
Les principales dépenses publiques sont attendues pour la rénovation des bâtiments (entre 16 et 40 milliards d'euros en 2030, contre 7 en 2023-2024), le ferroviaire (9 à 11 milliards au lieu de 6 actuellement) ou pour le verdissement du parc automobile (5 à 10 milliards contre 3), selon l'étude. (Crédits : Fabrizio Bensch)
Pour atteindre son objectif de réduction des émissions de CO2 de 55% en 2030 par rapport à 1990, l'Etat aurait besoin d'investir 103 milliards d'euros par an dans la transition écologique, selon une étude de l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE), publiée ce vendredi. Une explosion des investissements qui semble compromise avec la volonté du gouvernement de réaliser des économies pour réduire le déficit.

103 milliards d'euros par an. Voilà la facture colossale donnée par une étude de l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE), publiée ce vendredi, pour que la France tienne ses engagements européens de réduire de 55% ses émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 et de viser la neutralité carbone en 2050.

Or pour rappel, l'Etat et collectivités consacrent actuellement environ 32 milliards d'euros de dépenses chaque année en faveur du climat, selon l'I4CE. Mais « combler le déficit d'investissement climat dans les conditions fiscales et réglementaires actuelles impliquerait un besoin de dépenses publiques additionnelles de 71 milliards d'euros à l'horizon 2030 », estime l'institut dans son étude.

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Cela inclut l'électrification du parc automobile, la rénovation des logements, le développement des transports en commun, des énergies renouvelables et nucléaire, etc. Les principales dépenses publiques sont attendues pour la rénovation des bâtiments (entre 16 et 40 milliards d'euros en 2030, contre 7 en 2023-2024), le ferroviaire (9 à 11 milliards au lieu de 6 actuellement) ou pour le verdissement du parc automobile (5 à 10 milliards contre 3), selon l'étude.

Au total, les investissements pour la transition, public et privé confondus, « doivent atteindre 206 milliards d'euros par an d'ici 2030 », chiffre aussi l'I4CE.

La transition écologique, variable d'ajustement budgétaire

Un effort supplémentaire conséquent, qui semble peu d'actualité. L'an dernier, le rapport de référence de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz avait estimé le coût de la transition entre 25 et 34 milliards d'euros d'investissements publics supplémentaires d'ici à 2030 par rapport au budget 2023 (25 milliards d'euros d'investissements). Le gouvernement d'Elisabeth Borne s'était félicité dans la foulée d'une rallonge inédite de 7 milliards dans le budget 2024, finalement rabotée de 2 milliards en février.

Ainsi, pour parvenir à réaliser 10 milliards d'euros d'économies en 2024, le dispositif d'aide à la rénovation énergétique MaPrimeRénov' - qui devait passer d'un budget de 2,5 milliards d'euros en 2023 à 4 milliards d'euros en 2024 - ne va être augmenté qu'à 3 milliards d'euros. Sur le terrain, ce coup de rabot fait que depuis le 1er avril dernier, le montant de cette aide pour l'installation de chaudières ou de poêles à bois a été amputé de 30%.

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Un facteur conjoncturel, que l'I4CE a pris en compte. Pour l'institut, en période de disette budgétaire, pourrait être ramené à un « besoin minimal » de « 39 milliards d'euros d'argent public additionnel » - soit, tout de même plus que doubler les dépenses actuelles - si l'Etat adopte une série de mesures : « renforcer la réglementation, recentrer les aides sur les bénéficiaires les plus modestes, éliminer certaines dispositions fiscales favorables aux alternatives fossiles, s'appuyer sur les Certificats d'économies d'énergie ou les tarifs des services rendus pour les usagers ».

Ce « besoin résiduel » d'argent public se concentrerait « alors dans les équipements publics, comme les bâtiments administratifs et scolaires (à rénover) les infrastructures de transports », en particulier le ferroviaire.

Des pistes alternatives pour aller plus vite

L'Etat semble donc mal parti pour atteindre ces objectifs de 2030 et 2050. Pour y parvenir, même en manquant d'investissements publics, l'étude a identifié, secteur par secteur, « des options de répartition des financements publics et privés ».

L'étude se veut une « contribution au débat », dans « un avenir incertain », faute de majorité claire à l'Assemblée nationale, a commenté Benoît Leguet, directeur de l'I4CE. « Même si le climat et l'écologie ont été très largement absents des débats » aux législatives, « la nécessité d'agir pour le climat (...) reste un acquis largement partagé par les Français », a-t-il estimé. « Plusieurs chemins sont possibles (pour) partager l'effort (et assurer) l'accessibilité de la transition » pour les ménages et les entreprises, a-t-il ajouté. A condition « de ne pas s'enfermer dans des mirages de l'argent magique », public comme privé.

Ainsi, l'étude explique que les subventions aux voitures électriques, via le bonus à l'achat, pourraient être remplacées par des « quotas de verdissement sur les flottes » des entreprises de locations longue durée, principaux acheteurs de véhicules neufs qui alimentent ensuite le marché de l'occasion, a expliqué Hadrien Hainaut, spécialiste des financements climat à l'I4CE. « En faisant porter sur elles l'obligation de verdissement, on accroît le nombre de véhicules en circulation (et) on transfère une partie de la charge d'investissement (...) vers les ménages et vers les entreprises », a-t-il justifié.

Autre piste: « généraliser une obligation de rénovation à travers un abondement », c'est-à-dire des sommes consignées lors de l'achat d'un logement non rénové mais débloquées sur présentation de travaux. « Ça présente deux avantages », selon Hadrien Hainaut, « c'est une forme d'épargne "forcée" (...) mais surtout, ces sommes peuvent être financées par un prêt immobilier (...) étalé sur une durée longue (et) financé à des taux relativement bas ».

En France, des émissions en nette baisse au premier trimestre

Le 26 juin, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu a déclaré que les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 5,3% en France au premier trimestre. « Tous les secteurs baissent (et) ça montre qu'il y a une dynamique qui est enclenchée », après la baisse de 5,8% qui avait été enregistrée sur l'ensemble de l'année 2023, a-t-il jugé sur France Bleu.

Sur les mois de janvier, février et mars 2024, la France a émis au total 101 millions de tonnes d'équivalent CO2 (Mt CO2e), a précisé le ministère dans un communiqué. Ces chiffres provisoires ne sont que des émissions brutes, ne prenant pas en compte l'absorption de CO2 par les forêts et les sols, principaux puits de carbone dont la qualité se détériore en raison des effets déjà visibles du réchauffement de la planète et des activités humaines. Par ailleurs, les émissions comptabilisées incluent les activités sur le territoire mais pas celles liées aux importations.

(Avec AFP)