Climat : TotalEnergies renonce à faire appel dans son procès contre Greenpeace

TotalEnergies renonce à faire appel de l'annulation de ses poursuites intentées contre Greenpeace après la diffusion d'un rapport de l'ONG qui accusait la major de sous-estimer son bilan carbone.
L'assignation de TotalEnergies contre Greenpeace ouvrait la voie à un débat inédit sur les méthodes de comptabilité des rejets de gaz à effet de serre du groupe, complexes et discutées.
L'assignation de TotalEnergies contre Greenpeace ouvrait la voie à un débat inédit sur les méthodes de comptabilité des rejets de gaz à effet de serre du groupe, complexes et discutées. (Crédits : GONZALO FUENTES)

TotalEnergies jette l'éponge. Le groupe pétrogazier renonce à faire appel de l'annulation de ses poursuites intentées contre Greenpeace après la diffusion d'un rapport de l'ONG qui accusait la major de sous-estimer son bilan carbone.

En effet, l'ONG a calculé dans un rapport fin 2022 que les émissions annuelles du groupe pour l'année 2019 étaient quatre fois plus importantes que ce qu'il rapportait, soit 1,6 milliard de tonnes d'équivalent CO2, au lieu de 455 millions déclarées. Un représentant de Greenpeace estimait alors que « la responsabilité de l'énergéticien dans la crise climatique est bien plus importante que ce qu'elle veut bien reconnaître » et que ses ambitions d'atteindre la neutralité carbone en 2050 étaient « carrément fantaisistes ».

En avril 2023, la major pétrolière avait donc assigné l'ONG pour « diffusion d'informations trompeuses » aux marchés boursiers après la publication de ce rapport réalisé avec un cabinet d'analyse, Factor-X. En tant que société cotée, « on ne peut pas laisser dire n'importe quoi (...) puisque cela revient à tromper directement des investisseurs », avait argué la compagnie, qui avait dénoncé « une méthodologie douteuse ».

« Défaut de précisions »

Dans son ordonnance datée du 28 mars 2024, le magistrat avait jugé l'action de TotalEnergies irrecevable en raison d'un « défaut de précisions », qui aurait été de nature à empêcher l'ONG et Factor-X de « se défendre utilement sur le fond », un argument soutenu par Greenpeace. TotalEnergies avait été condamné à payer à Greenpeace et Factor-X la somme de 15.000 euros au titre des frais de justice et devait faire appel dans les quinze jours.

En revanche, le juge n'a pas suivi l'autre argument de l'ONG qui assimilait l'action de TotalEnergies à une « procédure abusive », autrement dit une « procédure-baillon » destinée à entraver sa liberté d'expression. « Cette procédure n'était rien d'autre qu'une tentative d'intimidation qui n'aura pas abouti », a déclaré à l'AFP Clara Gonzalez, juriste à Greenpeace.

Lire aussiEmpreinte carbone : TotalEnergies assigne Greenpeace en justice pour « informations fausses et trompeuses »

 TotalEnergies réitère ses accusations

La major pétrolière a donc finalement décidé de ne pas faire appel de la décision du juge :

« TotalEnergies a décidé de ne pas interjeter appel de la décision du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris du 28 mars 2024 qui a considéré que l'action engagée par TotalEnergies n'était pas recevable pour des raisons purement procédurales », indique le communiqué du groupe à l'AFP.

Jeudi, TotalEnergies a néanmoins réitéré que « la publication de Greenpeace comportait des informations fausses ou trompeuses ». Mais pour le groupe, « la poursuite d'une procédure judiciaire ne se justifie pas alors qu'il y a eu depuis 4 publications annuelles de la compagnie sur ses émissions de gaz à effet de serre ». « TotalEnergies ne souhaite pas entrer dans un débat procédural alors même que le juge a par ailleurs considéré que son action n'était pas abusive », a également argumenté la compagnie.

L'assignation ouvrait la voie à un débat inédit sur les méthodes de comptabilité des rejets de gaz à effet de serre du groupe, complexes et discutées. En l'absence d'appel de TotalEnergies, cette discussion judiciaire n'aura finalement pas lieu.

Greenpeace attend une autre procédure

Mais Greenpeace avance que « l'occasion de débattre de la comptabilité carbone de TotalEnergies se présentera très prochainement » dans le cadre du recours au civil qu'elle a déposé en 2022 devant le tribunal de Paris avec deux autres organisations. Elles accusent le groupe de « pratiques commerciales trompeuses », dans la présentation de sa politique climatique.

Faute de régulation sur la façon de comptabiliser leurs émissions de gaz à effet de serre, les entreprises peuvent depuis des années alléguer de leur neutralité carbone ou afficher partout qu'elles sont plus vertes qu'elles ne le sont, ce qui pousse de plus en plus de militants du climat à saisir la justice contre de grandes entreprises, pour tenter d'obtenir une jurisprudence sur le « greenwashing » ou la désinformation climatique.

Un autre recours au pénal à l'initiative de plusieurs associations de défense de l'environnement, pour des accusations similaires « d'éco-blanchiment » que conteste le groupe, a débouché sur l'ouverture d'une enquête du parquet de Nanterre en décembre 2021.

Vers une cotation principale à la Bourse de New York ?

Par ailleurs, le PDG de l'entreprise, Patrick Pouyanné, a indiqué fin avril réfléchir à une cotation principale à la Bourse de New York. Il a évoqué dans un entretien à Bloomberg la montée en puissance de son actionnariat nord-américain institutionnel, devenu presque majoritaire.

« Ce n'est pas une question d'émotion. C'est une question d'affaires », a ajouté le dirigeant, tout en assurant que le siège social de ce fleuron du CAC 40 resterait à Paris.

Il a notamment évoqué la frilosité de l'Europe vis-à-vis de sa stratégie qui consiste à continuer d'investir dans les énergies fossiles pour continuer de rémunérer ses actionnaires et de financer sa transition vers les énergies bas carbone.

Des déclarations qui n'ont pas laissé de marbre le gouvernement. Le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a déclaré jeudi qu'il comptait se battre pour que le transfert envisagé de la cotation principale du géant français de Paris à New York « n'ait pas lieu »

(Avec AFP)

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Commentaire 1
à écrit le 04/05/2024 à 6:49
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Et après on s’étonne que Total pense à aller se faire coter ailleurs. Pour le bien de l’entreprise il faut qu’elle parte définitivement cela donnera des idées aux St Gobain, Michelin ….une entreprise est faite pour se battre avec ses rivales dans un ...

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