Bilan carbone : la filière des vins de Bourgogne veut diminuer le poids de ses bouteilles

LES VIGNOBLES EN 2050 (7/7). Le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (Bivb) a pour objectif de baisser de 60% l’empreinte carbone de la filière à horizon 2035. Un objectif ambitieux qui passera par plusieurs leviers, dont celui de l’allègement des bouteilles, longuement évoqué lors de l’assemblée générale du Bureau interprofessionnel qui s’est déroulée, le 3 juillet, à Beaune.
Aujourd'hui, la bouteille de 900 grammes devient l'exception. @Sylvain Pongi
Aujourd'hui, la bouteille de 900 grammes devient l'exception. @Sylvain Pongi (Crédits : Sylvain Pongi)

« La bouteille, c'est 31% du bilan carbone des vins de Bourgogne, soit 120.000 tonnes d'équivalent CO2, ou encore l'empreinte carbone de 13.000 habitants », illustre Bruno Verret, responsable du Plan Objectif Climats du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne.

C'est la raison pour laquelle, depuis quelques années, les vignerons tentent de réduire le poids des bouteilles. Désormais, plus de 75% des bouteilles de vins tranquilles de Bourgogne pèsent moins de 600 grammes. « Depuis huit ans, le Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB) pèse toutes les bouteilles analysées dans le cadre de l'Observatoire de la Qualité », poursuit Bruno Verret. Il en ressort une légère baisse tendancielle, de 36 grammes pour les AOC Villages et de 52 grammes pour les AOC Régionales. Aujourd'hui, la bouteille de 900 grammes devient l'exception. La majorité des bouteilles de vins tranquilles bourguignons de 75 cl s'affiche entre 500 et 650 grammes.

Toutefois, il existe de grandes possibilités d'évolution. « Si toutes les bouteilles de vins de Bourgogne pesaient autour de 400 grammes (ce que les fabricants sont déjà capables de proposer, ndlr) soit une réduction de 150g par rapport au poids de la bouteille moyenne aujourd'hui, on diminuerait notre bilan carbone de 23.000 tonnes en équivalent CO2 », calcule Bruno Verret. Et, si à cet allègement, les fabricants de verres apportent 80% de taux de calcin (verre recyclé), l'empreinte carbone de la filière pourrait encore être divisée de moitié.

« Ces deux facteurs cumulés présenteraient environ 50.000 tonnes d'équivalent carbone, soit 22% de l'objectif global affiché », assure Bruno Verret.

Se lancer sur un millésime

Pour les vignerons, l'allègement du poids des bouteilles est l'une des mesures les plus faciles à mettre en place pour réduire l'empreinte carbone de la filière. Par exemple, Hélène Sarkis, gérante et régisseuse du domaine Joblot à Givry, propriété familiale de 14 hectares avec une moyenne d'activité de 70.000 bouteilles, s'est directement adressée à sa coopérative, Bourgogne du Sud, pour lui confectionner des bouteilles plus légères.

« Nous avons fait le choix d'alléger le poids de nos bouteilles sur le millésime précédent sur une seule cuvée, en passant de 560 g à 420 g, précise-t-elle. Une initiative qui sera généralisée sur l'ensemble de notre millésime 2023, soit un gain de dix tonnes de verre sur un seul millésime. »

Pour les Vignerons des Terres Secrètes et Nuiton-Beaunoy, une coopérative qui regroupe 250 familles de vignerons et commercialise près de 8 millions de bouteilles par an, la démarche de l'allègement de celles-ci date déjà de 2012. « Fortement engagés dès le départ dans le développement durable, nous avons rapidement identifié qu'un des leviers qui nous permettrait d'améliorer notre bilan carbone, était le poids de la bouteille », se souvient Charles Lambolley, directeur communication et marketing de la coopération.

Résultat, en 2023, 80% des bouteilles vendues sont commercialisées en 395 grammes. Une deuxième catégorie de bouteille a été développée pour les appellations villages, premiers crus et grands crus qui pèse 490 grammes, sous un modèle « plus cossu » étant donné sa physionomie. Une segmentation que partage Matthieu Mangenot, directeur technique de la Maison Albert Bichot, qui cultive depuis plus de 20 ans une viticulture biologique.

« Nous travaillons avec trois types de modèles : une bouteille qui pèse 800 grammes sur les appellations à forte valeur ajoutée pour nos vins iconiques, une bouteille intermédiaire de 540 grammes pour nos beaux villages, mais pas seulement, et une bouteille de 410 grammes qui couvre les appellations régionales », explique-t-il. Plus de 75% de leurs vins sont commercialisés dans des contenants de 410 grammes.

Les fabricants prêts à faire des efforts

Côté fournisseur, Verallia, leader européen et troisième producteur mondial de l'emballage en verre pour les boissons et les produits alimentaires, qui possède notamment une usine à Chalon-sur-Saône (71), planche sur le sujet. « Notre volonté est d'accélérer l'allégement des verres, indique Aurélie Roche, chef de marché vins Verralia à Lyon. La moitié de la gamme vin tranquille est déjà en bouteille allégée ».

En 2009, le fabricant d'emballage en verre avait sorti la première gamme industrielle d'emballages en verre éco-conçus : Ecova. Cette gamme vise à alléger tout en gardant les mêmes caractéristiques techniques et esthétiques. Car, la difficulté est bien là. Les vignerons craignent de descendre en dessous de 375 grammes pour des raisons de solidité et de transport, notamment. Pourtant, Verallia a déjà innové avec une bouteille bordelaise de 300 grammes.

Des consommateurs prêts à s'engager

Un autre frein à la réduction du poids des bouteilles évoqué par les vignerons pourrait être la réticence des consommateurs à acheter du vin dans un contenant plus léger, d'un point de vue image. Toutefois, Aurélie Roche, rappelle le résultat d'une étude effectuée sur les consommateurs face à deux bouteilles l'une allégée et l'autre classique : « Aucun n'a été en mesure de dire la différence entre ces deux bouteilles. L'allègement du poids ne se voit pas à l'œil nu. »

Un constat que partage Charles Lambolley : « Non seulement le consommateur ne remarque pas la différence, mais dans certains cas, ce dernier est même enthousiasmé par la démarche », remarque-t-il. « C'est souvent nous, viticulteurs, qui avons des réticences à mettre des crus ou des villages dans des bouteilles plus légères pour des raisons d'image », avoue-t-il.

Pour Hélène Sarkis qui côtoie ses clients en direct au caveau, le contact est plus facile à établir avec les consommateurs. « C'est un plaisir d'expliquer notre démarche, car les clients sont réceptifs, toutes générations confondues, confie-t-elle. La réduction d'un contenant sur la côte chalonnaise qui n'a pas de grands crus, n'engendre pas d'impact dans la lisibilité de la qualité du produit ».

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Commentaires 3
à écrit le 11/08/2024 à 19:35
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Le poids des bouteilles à déjà baissé.... Mais le prix lui est plus élevé, si l'on ramène le prix au poids. les bouteilles légère sont plus chère en proportion. J'ai l’impression que la diminution du bilan carbone dans l'embouteillage ne servira u...

à écrit le 11/08/2024 à 13:19
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Quid de l'idée farfelue de mettre le vin qui sera consommé dans des délais courts (< 1 an) dans des canettes ? Pas pour les garder dix ans ou plus, mais ceux d'usage 'rapide' (qu'on ne stocke pas en cave). Le verre c'est bien quand on le récupère san...

à écrit le 11/08/2024 à 10:33
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encore un enfumage ! les clients vont tout simplement se passer de cette boisson

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