EADS : la Caisse des dépôts affirme n'avoir reçu aucun ordre de l'Etat

Face à la polémique autour de l'affaire des délits d'initiés supposés chez EADS, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a réaffirmé ce mardi avoir agi seule et a confirmé que l'Etat n'avait donné aucune instruction. L'institution se dit "victime "dans cette affaire et a annoncé sa décision de se doter d'un comité des investissements au nom de la transparence.

La Caisse des dépôts a tenté de se dédouaner ce mardi dans l'affaire des délits d'initiés chez EADS. Entendus par la Commission des finances de l'Assemblée nationale, les dirigeants du "bras financier de l'Etat" ont réaffirmé que l'Etat n'avait pas donné d'ordre quant au rachat d'actions par la CDC de 2,25% des parts de Lagardère dans le groupe européen, avant que celui-ci n'annonce des retards dans la construction de l'Airbus A380, à l'origine des difficultés du groupe.

Le directeur général de l'institution financière publique, Augustin de Romanet, en fonction depuis mars, a ainsi martelé que les "principes de gouvernance" avaient été respectés lors de l'achat d'actions pour un montant d'environ 600 millions d'euros. Ce rachat, avant la chute du titre en juin 2006, a eu pour conséquence une moins-value évaluée à 200 millions d'euros, obligeant la CDC à passer une provision de 126 millions dans ses comptes 2006.

Augustin de Romanet a souligné que la décision d'investir dans EADS était logique pour la CDC, qui détenait déjà 0,58% du capital et qui vise le moyen et long terme. Ainsi, l'institution aurait oeuvré seule, pensant réaliser un bon investissement.

Plus qu'Augustin de Romanet, qui n'était pas en fonction à la CDC à l'époque, ce sont le directeur "Finances et stratégies" de la CDC, Dominique Marcel, et Philippe Auberger, ancien président de la commission de surveillance de la CDC, qui étaient surtout visés par les questions des membres de la commission.

L'ancien président de la CDC entendu aussi

Philippe Auberger a tenté d'expliquer comment et pourquoi l'Etat n'avait pas donné d'instructions sur le rachat d'actions EADS à Lagardère. "A ma connaissance, formellement, l'Etat n'a jamais et n'avait pas à donner une autorisation à la Caisse des dépôts et consignations pour prendre une participation dans EADS, simplement il avait à en être informé compte-tenu du caractère stratégique et délicat du secteur", a-t-il déclaré. Selon l'ancien député UMP, il s'agissait d'une "opération de marché qui s'est faite aux conditions de marché".

Phillipe Auberger a également expliqué avoir "entendu parler pour la première fois" de l'intention de la CDC de renforcer sa participation au capital d'EADS le "4 avril au matin", lors d'une réunion avec des dirigeants de la CDC. A cette date, la CDC avait déjà signé "une lettre d'intention", le 28 mars, avec le groupe Lagardère mais l'ampleur de l'acquisition n'était pas précisée et l'opération de marché n'était pas faite.

Lors de la réunion du 4 avril, il dit avoir demandé aux responsables de la Caisse "si le cabinet du ministre était informé" de l'opération, compte-tenu du caractère stratégique de l'entreprise. "Je crois me souvenir qu'on m'a dit que c'était en cours", a-t-il déclaré. Une information qui vient contredire les déclarations de Thierry Breton, ministre de l'Economie et des Finances de l'époque, qui a affirmé vendredi devant le Sénat avoir appris "par la presse" l'acquisition par la CDC d'actions EADS.

L'avis de Dominique Marcel

De son côté, Dominique Marcel, chargé des finances, et ancien bras droit du directeur général Francis Mayer, aujourd'hui décédé, a également assuré que l'Etat n'avait pas à donner son autorisation à l'opération et qu'il ne l'avait pas fait. "La Caisse des dépôts n'a sollicité aucune instruction. La Caisse des dépôts a mené cette opération comme une opération de marché dans une société cotée avec la confidentialité requise", a-t-il dit à la presse.

Interrogé sur un procès verbal de la commission de surveillance indiquant qu'il aurait assuré que l'opération bénéficiait de toutes les autorisations, il a répondu que cela ne faisait aucunement référence à l'Etat. "On est dans une société où il y a un pacte d'actionnaires, la société EADS, où il y a des dispositions, des décisions à prendre d'exercice ou pas du droit de préemption, une autorisation de livraison de titres. Il faut que ces formalités soient remplies avant que l'opération puisse se faire", a-t-il expliqué, reconnaissant toutefois que le procès verbal était rédigé de "façon peut-être un peu trop ramassée".

Dominique Marcel a aussi défendu Francis Mayer, affirmant qu'il n'y avait aucun reproche à lui faire. Pour le directeur finanicer, la CDC est une "victime présumée du délit d'initiés présumé", ajoutant qu'elle ne devait "pas être l'arbre qui cache la forêt" dans cette affaire.

Pour calmer la polémique, Dominique Marcel a annoncé la création d'un comité d'investissement, avant même de rendre ses conclusions sur les aspects de gouvernance au gouvernement. "Pour tirer les enseignements de cet événement et dissiper tout doute sur les conditions d'intervention de la Caisse des dépôts, j'ai décidé de proposer dès à présent la mise en place d'un comité des investissements", a-t-il expliqué en soulignant qu'il fallait "mieux encadrer les relations entre le directeur général et la commission de surveillance".

La position du Trésor...

Le directeur du Trésor, Xavier Musca, a affirmé mardi ne pas avoir eu connaissance de la note de l'Agence des participations de l'Etat (APE) qui recommandait en janvier 2006 à Bercy de vendre une partie de ses titres d'EADS. "Non, je n'ai pas eu connaissance de cette note", a affirmé Xavier Musca, pressé de se prononcer sur ce point par le président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, Didier Migaud (PS). "L'Etat n'avait aucune information d'initiés sur l'A380", a ajouté le responsable de la DGTPE (Direction générale du Trésor et de la politique économique), dont dépend l'APE. "Ce n'est pas à la demande de la direction du Trésor ou des services de l'Etat que la Caisse des dépôts est intervenue dans cette affaire", a martelé Xavier Musca, confirmant les propos de responsables de la CDC auditionnés dans la matinée.

Il s'est attaché à justifier le "silence" des représentants de ses services au sein de la commission de surveillance de la CDC tout au long de l'opération. La réunion de cette commission n'est intervenue que le 26 avril, soit "plusieurs semaines après que l'opération soit devenue concrète", et la CDC n'a jamais cherché à entrer en contact avec l'Etat dans cette opération, a-t-il dit. A l'époque, "aucun élément en sa possession" ne pouvait amener le représentant du Trésor à s'interroger sur la pertinence du rachat de titres EADS par la CDC, a affirmé le directeur du Trésor.

Xavier Musca a en outre assuré que ce représentant ne pouvait disposer d'éléments connus par d'autres services dépendant du ministère de l'Economie en raison de l'existence d'une "muraille de Chine" destinée selon lui à compartimenter les informations et éviter des délits d'initiés lorsque l'Etat est en position de vendeur dans le cadre de privatisations. "Je revendique l'existence de cette séparation stricte car elle me paraît conforme aux exigences de gouvernance et de séparation des intérêts", a-t-il dit. Il a rejeté la responsabilité de l'opération sur la seule Caisse des dépôts. "A plusieurs reprises, nous avons montré nos interrogations, nos doutes" sur ce dispositif selon lequel le directeur général de la CDC "décide seul", demandant "qu'il soit modifié parce qu'il nous paraissait porteur de nombreux risques", a affirmé Xavier Musca.

... et celle de la Sogeade

Enfin, la holding Sogeade, représentant les intérêts des actionnaires français au sein du groupe européen de défense et d'aéronautique EADS, "n'a jamais été informée" des retards de livraison de l'A380, avant leur annonce publique, a déclaré son président, Philippe Pontet. "A aucun moment nous n'avons été informé des problèmes industriels d'Airbus (...) Nous l'avons appris par un communiqué officiel d'EADS" publié le 13 juin 2006, a-t-il dit, devant la Commission des finances de l'Assemblée nationale. La Sogeade a notamment pour mission de s'informer des résultats et des perspectives du groupe EADS et de sa filiale, l'avionneur Airbus, a rappelé Philippe Pontet.

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