Le Conseil constitutionnel est-il au service de l'opposition ?

Par Romain Renier  |   |  775  mots
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Très opportune pour l'opposition, la décision du Conseil constitutionnel pose question. D'autant plus que ses neuf membres sont issus de la droite ou ont été nommés par des personnalités politiques de droite. Les avis divergent. Supposé neutre, il est en tout cas censé rendre ses décisions de manière impartiale au regard de la Constitution et de son Préambule.

La censure de la taxe à 75% par le Conseil constitutionnel fragilise fortement la parole d'un François Hollande chahuté dans les sondages. Car réputée neutre, la voix des sages de la rue Montpensier fait foi dans l'opinion. De quoi donner des ailes nouvelles à une opposition qui en avait bien besoin.

La neutralité du Conseil constitutionnel fait débat

Mais à y regarder de plus près, la décision du Conseil constitutionnel peut poser question. Très opportune pour l'opposition, elle a de fait été rendue par un collège de neuf sages tous nommés par des personnalités de droite, ou elles-mêmes de droite.

Seule exception au tableau, l'ancien socialiste Michel Charasse. Mais le ministre du Budget de François Mitterrand a depuis viré sa cutille en s'affichant avec Nicolas Sarkozy lors de la course à la présidentielle de 2007, avant d'être exclu du Parti socialiste pour avoir soutenu un candidat dissident à la présidence du Conseil général du Puy-de-Dôme en 2008. C'est d'ailleurs l'ancien président de la République qui l'a nommé au Conseil des sages en 2010.

De fait, selon l'article 56 de la Constitution, ses membres sont nommés par le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat. A noter que sont aussi membres de droit les anciens présidents de la République Jacques Chirac, Valéry Giscard d'Estaing et Nicolas Sarkozy. Bien qu'ils n'y siègent pas de manière effective.

Ce mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel a souvent été critiqué, car il permet de prêter à certains, pour ne pas dire à tous, sinon un engagement de façade, au moins une sensibilité pour un courant politique ou un autre. Particulièrement lorsque l'un des membres du Conseil exerce ou a exercé une activité politique avant son mandat. Même si un garde-fou a été intégré en 2008 avec la validation des nominations par une commission parlementaire.

La droite a-t-elle voulu user de sa dernière arme ?

On pourrait en conclure qu'avec le Sénat, l'Assemblée nationale et la présidence de la République, la gauche manque encore d'une corde à son arc pour détenir tous les pouvoirs entre ses mains.

Et c'est là que le bât blesse. Car le Conseil constitutionnel n'est pas censé être un organe politique, mais le simple garant du respect de la Constitution et de son Préambule. "Un chien de garde de l'exécutif", selon les termes employés par Michel Debré, le père de la Ve République.

Peut-on alors voir dans la décision du Conseil constitutionnel un geste d'opposition? Difficile d'aboutir à un consensus chez les experts. D'un côté, Dominique Rousseau, Professeur de droit constitutionnel à l'Université Paris I, évoque dans le JDD une "décision habile d'un point de vue politique". Mais Guy Carcassonne, Professeur de droit public à l'Université de Paris X, contacté par La Tribune, réfute ces propos : "Le Conseil constitutionnel ne prend pas ses décisions selon des considérations politiques".

Fondée ou opportune, la décision fait débat

C'est donc sur le fond de la décision du Conseil constitutionnel qu'il faut se pencher, pour savoir si les locataires du Palais Royal ont outrepassé leur mandat en prenant une décision politique, infondée sur le plan juridique.

Selon Dominique Rousseau, il ne faut pas voir dans cette décision un rejet de la taxe à 75% au prétexte qu'elle serait confiscatoire. D'après le constitutionnaliste, il suffit de changer l'assiette en faisant reposer cet impôt sur le foyer fiscal pour rendre le texte valide. Si bien que loin de s'opposer à la taxe, le Conseil constitutionnel n'aurait fait que gêner le gouvernement en retardant son adoption.

Guy Carcassonne se montre pour sa part plus nuancé. Selon lui, si la taxe à 75% n'est pas en elle-même confiscatoire, elle pourrait le devenir, une fois cumulée aux autres taxes sur le revenu tel que la CSG. "Même si on change l'assiette, le Conseil constitutionnel a à deux reprises, pour les articles 3 et 13 du projet de loi de finances, considéré qu'au-delà de 75% des revenus, un impôt est confiscatoire", commente-t-il. Si bien que l'ajout d'un alinéa précisant que la disposition ne s'applique que dans la limite d'un niveau d'imposition sur le revenu global de 75% serait nécessaire. Une sorte de bouclier fiscal, en somme.

Tous les pronostics sur ce qu'il adviendra de cette promesse phare du candidat Hollande restent donc ouverts. Même s'il se murmure en coulisse que le texte ne verra sans doute jamais le jour.