Nicolas Sarkozy et Bernard Thibault, les meilleurs ennemis

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  808  mots
Copyright Reuters
Depuis plusieurs semaines, le président-candidat attaque violemment la CGT et son secrétaire général Bernard Thibault. Ce dernier appelant clairement à battre le candidat-président. Un mano a mano qui sert les intérêts des deux protagonistes.

Ces deux là ne passerons pas leur week end pascal ensemble. Ca semble clair. Mais, paradoxalement, la petite guéguerre que se livrent depuis plusieurs semaines le candidat-président et le secrétaire général de la CGT sert aussi bien les intérêt de l'un que de l'autre. Depuis son entrée en campagne, Nicolas Sarkozy développe une stratégie de "reconquête du peuple". Celle-ci passe par une dénonciation des "corps intermédiaires", responsables à ses yeux du blocage des réformes.

Au début de l'offensive sarkoziste, ces "corps intermédiaires" n'avaient pas de nom. Le candidat citant pêle-mêle "les économistes", "les syndicats", "les parlementaires". Les semaines passant, d'une dénonciation générale, on est passé à une dénonciation en particulier... Celle de la CGT, quasiment accusée d'être responsable de tous les maux du pays, de faire de la politique plutôt que de défendre les intérêts des salariés. Nicolas Sarkozy a même feint de croire ce jeudi sur RTL que Bernard Thibault était encore "membre du bureau politique du Parti communiste français". Ce qui n'est plus le cas depuis... 2001 .

Un combat non dénué d'arrières pensées

Un mano a mano donc, destiné à prouver aux Français que le candidat-président n'a peur de rien, y compris de s'attaquer au premier syndicat français et à l'une des plus grosses organisations de masse avec ses 800.00 adhérents. Cette tentative de discréditer les syndicats aux yeux des Français pourrait bien aussi annoncer une future réforme du droit du travail - en cas de réélection de Nicolas Sarkozy - où les syndicats perdraient le monopole de la négociation d'entreprise au profit des comités d'entreprise... A suivre. C'est en quelque sorte le côté Margaret Thatcher de Nicolas Sarkozy : arrivée au pouvoir au Royaume Uni à la fin des années 70 la  "dame de fer" avait clairement affiché sa volonté de "casser" les syndicats. Elle n'avait rien cédé lors de la grande grève dans les mines. C'est un sacré virage pour Nicolas Sarkozy qui avait commencé son premier quinquennat en jouant une toute autre partition.

A l'époque, sur les conseils de son très expérimenté conseiller social d'alors, Raymond Soubie, il souhaitait faire des syndicats de réels partenaires. Il avait même su s'attirer les bonnes grâces des deux premières centrales, la CGT et la CFDT, en réformant en profondeurs les règles de la démocratie sociale, via la loi du 20 août 2008 sur la représentativité syndicale. Une représentativité désormais fondée sur le vote des salariés et non plus "décrété" comme cela était le cas depuis 1966. Mais avant cela même, à l'automne 2007, Nicolas Sarkozy avait parfaitement orchestré avec Bernard Thibault la réforme des régimes spéciaux de retraite. Il y a bien eu quelques mouvements sociaux, mais, tactiquement, le leader de la CGT n'a pas cherché à envenimer les choses, sachant le sujet sensible dans l'opinion publique et connaissant la détermination du président de la République à aller jusqu'au bout.

Le virage de la réforme des retraites

Tout c'est envenimé en 2010 avec la réforme du régime général des retraites. Malgré des manifestions à répétition mettant dans la rue jusqu'à trois millions de personnes , le gouvernement Fillon n'a rien cédé. Les syndicats, CGT en tête, n'ont pu revendiquer aucune concession de la part du pouvoir. Pour Bernard Thibault, la rupture était alors consommée... Et la CGT comptait bien prendre sa revanche lors de l'élection présidentielle. Ce fût chose faite à la mi-mars, quand, pour la première fois de façon aussi explicite depuis 1988, la centrale de Montreuil a appelé à battre le président sortant.
L'opération n'est pas non plus mauvaise pour le secrétaire général de la CGT. Elle a le mérite de resserrer les rangs en interne derrière lui. Certaines fédérations, notamment celles très présentes dans les entreprises publiques comme la SNCF, avaient moyennement apprécié son attitude lors de la réforme des régimes spéciaux de retraite. Il était accusé d'avoir renoncé trop vite à la lutte. Tout comme sur la réforme de la représentativité syndicale, les mêmes trouvaient Bernard Thibault un peu trop proche de son homologue de la CFDT, François Chérèque, et, surtout de... Nicolas Sarkozy. Son actuel combat personnel avec le candidat-président, renforce donc à un moment opportun sa stature interne. D'autant plus que Bernard Thibault cèdera sa place à  la tête de la CGT au Congrès de Toulouse au printemps 2013. Et, il compte bien peser de tout son poids pour "choisir" son successeur.