Low-cost long-courrier : « Je crois que nous réussirons, j'ai parié beaucoup d'argent là-dessus », Bjørn Tore Larsen (Norse)

ENTRETIEN - Si beaucoup des chantres du low cost long courrier ont déchanté, Bjørn Tore Larsen y croit toujours dur comme fer. Le directeur général et fondateur de Norse Atlantic Airways assure avoir trouvé son marché et vise ses premiers profits trois ans après la création de sa compagnie. Née après le fiasco de l'expérience long-courrier de Norwegian, la compagnie norvégienne veut s'imposer, à l'instar de JetBlue, sur ce marché du low cost long-courrier fait de promesses et d'espoirs déchus.
Bjørn Tore Larsen, directeur général de Norse Atlantic Airways, croit à la réussite de son modèle.
Bjørn Tore Larsen, directeur général de Norse Atlantic Airways, croit à la réussite de son modèle. (Crédits : Norse Atlantic Airways)

Créée début 2021, en récupérant à bas prix une partie des Boeing 787 délaissés par la compagnie Norwegian en grande difficulté, Norse Atlantic Airways s'est lancée sur les vols transatlantiques mi-2022. En France, la compagnie norvégienne a lancé un Paris-New York il y a un an et un Paris-Los Angeles le 1er mai dernier. S'il n'a pas atteint l'équilibre dès 2023, comme espéré, Bjørn Tore Larsen, directeur général et fondateur de la compagnie, assure que ce sera le cas en 2024. Pour cela, il compte sur son modèle « hybride », largement basé sur les recettes du low cost adaptées aux vols long-courriers (modèle unique d'avion, opérations simplifiées, prix d'appels attrayants, services à la carte...), mais tirant aussi profit d'autres sources de revenus comme le cargo.

LA TRIBUNE - Trois ans après sa création, où en est la compagnie Norse Atlantic Airways ?

BJØRN TORE LARSEN - Nous sommes assez contents de ce que nous avons fait jusqu'à présent. Nous accueillons de plus en plus de passagers et le taux de remplissage s'accroît mois après mois. Si nous comparons mars 2024 avec ce que nous avons fait l'an dernier, nous sommes proches des 20 % de croissance et nous constatons que c'est une tendance générale.

Nous sommes en train de trouver notre marché. Cela demande du temps, comme pour établir de nouvelles routes. Nous gagnons non seulement beaucoup de nouveaux clients, mais aussi il y a aussi beaucoup de clients qui reviennent et nous en sommes très heureux.

Nous avons eu presque un million de passagers l'an dernier et cette année, nous en aurons plus d'un million et demi.

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Vous allez donc encore accélérer cet été ?

L'été va être très bon. L'été dernier - le premier avec des opérations conséquentes - a été bon aussi, mais celui-ci sera meilleur. Nos capacités doivent croître significativement, d'environ 22 % par rapport à l'été dernier. Et nous allons encore développer davantage notre trafic.

Bien sûr, beaucoup de choses peuvent se passer. Il peut s'agir de l'aéroport, du contrôle du trafic aérien, de problèmes techniques, etc. En général, l'été est un goulot d'étranglement, avec toutes les ressources et tous les fournisseurs mis à contribution. Mais nous sommes bien préparés avec des opérations, une main-d'œuvre et un plan de maintenance pour la flotte très robustes. Nous avons nos propres installations de maintenance à Oslo et de bons partenariats. Nous sommes donc optimistes et pensons être bien équipés pour faire face à l'été.

Où en êtes-vous sur le plan financier ?

Notre objectif est que 2024 soit la première année de rentabilité. La plupart des gens s'attendent à ce que le premier trimestre soit déficitaire, mais la question est de savoir ce qui se passera au cours des trois suivants. Je n'ai pas d'inquiétude sur les ventes, mais il est très difficile d'être très précis à ce sujet. Il y a beaucoup d'inconnues sur ce que sera le marché concurrentiel, le prix moyen, le coût du carburant, les perturbations, etc. Cela peut impacter la profitabilité. Dans ce secteur, nous avons une visibilité de 2 ou 3 mois, et c'est tout. Mais jusqu'à présent, nous sommes dans les temps.

Nous ne publions pas nos revenus attendus, mais cette année sera nettement plus élevée que l'année dernière (Norse avait publié un chiffre d'affaires de 439 millions de dollars, pour une perte opérationnelle de 135 millions de dollars et une perte nette de 169 millions de dollars, NDLR). Je peux déjà dire que, pour les quatre premiers mois de 2024, nous voyons des ventes nettement plus élevées que l'an dernier. Nous sommes bien au-dessus en nombre de billets vendus et de chiffre d'affaires.

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Les prix continuent donc de croître ?

Nous essayons de ne pas trop augmenter les prix et de les maintenir à un niveau où la plupart des gens peuvent se permettre de voler. Nous voulons plutôt augmenter les revenus en remplissant les avions avec des prix compétitifs.

Les résultats d'Air France-KLM et Lufthansa ont montré la difficulté qu'il y a à maîtriser les coûts en phase de croissance. Qu'en est-il pour vous ?

C'est toujours un défi de contrôler les coûts, mais c'est le point sur lequel nous nous concentrons le plus dans notre entreprise. Le coût est le seul avantage concurrentiel durable à long terme que nous ayons. Nous devons vraiment être les meilleurs car nous ne pouvons pas proposer de bonnes affaires à nos clients si nous ne sommes pas capables de gérer nos coûts.

Vous devez bien payer les gens pour qu'ils puissent vivre une vie décente, mais il y a beaucoup d'autres choses à faire. Vous pouvez utiliser votre personnel de manière beaucoup plus efficace que la moyenne pour réduire vos coûts. Vous pouvez simplifier vos opérations : nous ne faisons qu'un seul type d'opération, seulement en point-à-point, sur un seul type d'avion. Beaucoup de choses que les gens considèrent comme négatives sont très positives du point de vue des coûts.

Un autre facteur est la rapidité. Nous sommes une petite compagnie aérienne qui peut prendre des décisions rapides. Si nous nous engageons dans ce qui semble être un mauvais choix, il n'est pas question de fierté : nous ferons rapidement demi-tour pour faire quelque chose d'autre.

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Vous croyez donc toujours au modèle low cost long-courrier, qui était pourtant en grande difficulté quand vous avez lancé votre compagnie en 2021 ?

Chaque compagnie aérienne est une affaire financière risquée. Les compagnies aériennes low cost long-courrier n'ont pas de bons antécédents. Les low cost court-courriers en ont également eu de mauvais, avec une longue liste de faillites. Même les grandes compagnies aériennes à coûts élevés ont pour la plupart fait faillite.

Ce que d'autres ont fait de bien ou de mal dans le passé n'a pas d'importance. Ce qui compte c'est ce que vous faites aujourd'hui. A la qualité de votre plan d'affaires. Et surtout, à la qualité de votre exécution. Cela se résume aux personnes, à de la discipline et à créer une entreprise durable capable de mettre en œuvre un modèle qui lui est propre.

Serons-nous une réussite ? Je le crois. J'ai parié beaucoup d'argent là-dessus. Plus je dirige cette compagnie, plus je suis sûr qu'il y a une place pour nous sur le marché. Nous avons trouvé notre niche. Elle ne convient pas à tout le monde, mais elle est vraiment unique en son genre sur le transatlantique, mais aussi dans l'ensemble des concepts de transport long-courrier à bas prix.

C'est donc bien un marché de niche ?

Il n'y a de la place pour dix acteurs. C'est trop un marché de niche pour cela. Mais il y a certainement de la place pour un acteur comme nous. Nous avons une grande opportunité non seulement d'être bien positionnés, mais aussi de nous développer à l'avenir. Je pense honnêtement que nous avons été créés au bon moment et que nous avons également fait quelques bonnes choses dans l'exécution. Même s'il y a eu aussi quelques mauvaises choses faites, et d'autres choses que j'aurais fait différemment.

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N'y a-t-il pas un risque de surcapacité sur l'Atlantique Nord, alors que nombre de compagnies ajoutent de la capacité sur ce marché ?

Il y a toujours un risque. Plus vous ajoutez de capacités, plus vous vous rapprochez de la saturation. Mais l'été sera bon. Tout d'abord, nous pensons que les Américains en particulier ont toujours envie d'aller en Europe et qu'ils seront nombreux à le faire cet été. Aller en Europe n'est pas cher avec le dollar fort, alors que les voyages domestiques aux États-Unis sont assez coûteux. Je ne suis pas sûr qu'il en soit de même pour les Européens qui se rendent aux États-Unis, mais environ 70 % de nos clients sont américains.

Le risque va se faire plus prégnant dans les prochaines années ?

C'est très difficile à dire car cela dépend de beaucoup de choses. Ce qui tue un marché, ce n'est pas le trafic ou son absence, mais c'est la capacité que vous y mettez en place. Et celle-ci dépend des différents endroits où vous pouvez faire voler vos avions.

L'un des grands points d'interrogation est de savoir ce qu'il advient de l'Asie. Si le marché asiatique s'ouvre à nouveau, il enlèvera de la capacité à l'Atlantique. Personnellement, je pense qu'il va prospérer, tout simplement parce que les Asiatiques veulent aller en Europe et que les Européens veulent aller en Asie. C'est une question de temps.

Cette dynamique pourrait voir le jour l'année prochaine ou l'année suivante. Elle dépendra d'abord de la connectivité, qui est encore réduite, puis des prix. Ces derniers sont assez élevés, en raison de coûts importants notamment pour les compagnies aériennes européennes qui doivent faire un long détour pour se rendre en Asie (avec l'interdiction de survol de la Russie, NDLR).

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Où en est le développement de votre flotte ?

L'été dernier, nous avions 10 Boeing 787, cet été, nous en aurons 12, et l'été prochain 15. Nous avons déjà les 15 avions, mais trois d'entre eux sont encore loués à une autre compagnie (Air Europa, NDLR) pour une année supplémentaire.

Nous les avons eus à un prix très bas. Même si nous ne les exploitons pas tous nous-mêmes, nous gagnons de l'argent en les ayant pris directement. Et nous disposons d'une capacité additionnelle quand nous le souhaitons. C'est donc un résultat net positif pour nous.

Nous voulons gérer notre croissance, car c'est vraiment la phase où vos coûts explosent. Si nous récupérions tous nos avions, nous pourrions croître de 50 %, mais ce serait trop. Ce serait lourd pour nos ressources existantes et nos coûts. Il est préférable pour nous d'avoir une croissance maîtrisée. Nous préférons donc une croissance de 20 % de notre capacité cette année, et de 20 % l'année prochaine.

Les problèmes de Boeing ne vous affectent pas ?

Cela nous affecte positivement et négativement. Si nous ne recevons pas de pièces de rechange, c'est mauvais pour nous parce que nous ne pourrons peut-être pas voler. Nous travaillons donc dur pour être sûrs d'avoir des pièces de rechange quand nous en avons besoin. Il est, bien sûr, toujours préférable que les fournisseurs disposent d'un grand nombre de pièces de rechange. C'est donc un point négatif. L'aspect positif est qu'Airbus et Boeing se battent pour livrer de nouveaux avions, mais aussi pour entretenir les avions existants, en particulier du côté des moteurs, et que cela limite la capacité du marché. Et une capacité limitée, c'est bien pour nous, car nous n'attendons pas la livraison de nouveaux avions.

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Commentaires 5
à écrit le 05/05/2024 à 12:46
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Le seul moyen qu'ont les compagnies de gagner de l'argent, c'est d'utiliser leurs avions de manière optimale. Voir les low cost européennes: 1 rotation de plus que les "historiques". Cela s'applique aussi au L.C.. Dans les 24h d'une journée, si on pr...

à écrit le 05/05/2024 à 12:43
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Le low-cost long-courrier n'est pas viable. Pourquoi ? A cause de frais fixes trop élevés: achat ou location d'appareils très coûteux, consommation de kérosène, taxes d’atterrissage et de stationnement chères, hébergement des équipages en escale, etc...

à écrit le 04/05/2024 à 17:28
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Avec ces compagnies "low cost" sur le long courrier, une fois le bagage ajouté, ainsi que le repas, c'est le même prix qu'une compagnie traditionnelle. Ces compagnies sont juste bonnes à faire des prix d'appel très bas !

à écrit le 04/05/2024 à 13:06
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Le low cost long courrier? Perso, je préfère voyager sur une "grande compagnie" car quand on additionne tous les extras ( bagages, sièges, repas), in fine, le low cost coûte aussi cher, voir plus cher. Chez AFKLM et d'autres il existe des prix mini s...

à écrit le 04/05/2024 à 12:13
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Folie! Entre les Agriculteurs qui "bousillent" la terre, polluent l'eau, les avions qui polluent l'air et l'industrie petro chimique qui pollue tout, nous sommes mal barrés à respirer une air vicié, une eau contaminée et ingurgiter une nourriture e...

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