Voitures électriques : constructeurs, équipementiers et géants de la tech lancent un « Tinder » des logiciels automobiles

Plusieurs acteurs du secteur automobile ont décidé de lancer une plateforme de présentation de logiciels à intégrer dans les véhicules. Ce projet vise à accélérer le développement des logiciels centralisés dans les voitures, à la façon Tesla. Surtout, l'objectif est de contrer les acteurs chinois, déjà dominants dans l'électrique. Plusieurs questions de protection des données et de conditions d'accès à la plateforme se posent encore. Explications.
Tesla est le premier constructeur à avoir intégrer une nouvelle architecture de logiciel centralisée capable de mettre à jour des fonctionnalités du véhicule à distance.
Tesla est le premier constructeur à avoir intégrer une nouvelle architecture de logiciel centralisée capable de mettre à jour des fonctionnalités du véhicule à distance. (Crédits : Tesla)

Cela aura duré trois ans. Trois ans durant lesquels le constructeur américain General Motors, l'équipementier canadien Magna ainsi que Wipro, une entreprise indienne spécialisée dans le conseil informatique, ont pensé et conçu une plateforme inédite : une marketplace, baptisée SDVerse, qui met en vitrine des logiciels automobiles développés par les constructeurs, les équipementiers ou tout autre acteur de la tech. Une sorte de "Tinder" du software, nous résume une source.

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« Pour garder de la confidentialité, nous y présenterons le nom des modules, mais sans code visible et le contact avec les clients se fera hors de la plateforme », précise Derek De Bono, en charge du software chez Valeo.

Aux côtés de Valeo, qui a annoncé intégrer cette plateforme, Forvia, Renault et sa filiale Ampere seront également de la partie. C'est la première fois qu'une telle marketplace est développée dans le monde. Elle devrait voir le jour définitivement fin septembre 2024. D'ici là, d'autres acteurs sont en discussion, comme Stellantis.

« Passer d'un vieux Nokia 6510 à un IPhone »

L'objectif de ce projet ? Donner un coup d'accélérateur aux « Software defined vehicles » (SDV), dont le pionnier est Tesla. Cette nouvelle architecture de véhicule permet la mise à jour à distance de nombreuses fonctionnalités de la voiture comme le freinage, la direction, l'éclairage ou encore le multimédia, tout au long de la vie du véhicule.

Par exemple, Tesla a récemment fait une mise à jour qui améliore la recharge électrique par grand froid. Ainsi, plutôt que d'avoir une centaine de processeurs qui contrôlent individuellement chaque fonctionnalité de la voiture et qu'il faut réparer manuellement, le véhicule sera équipé d'un seul gros ordinateur capable de tout contrôler à distance.

Une révolution dans l'industrie automobile. Résultat, elle attire de nombreux constructeurs, désireux de concurrencer la société d'Elon Musk. Renault a ainsi détaillé son développement de SDV il y a presque un an, avant une mise en place dans les utilitaires électriques et à Alpine en 2026, puis au reste du portefeuille progressivement.

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« Si on fait une comparaison avec le téléphone mobile, cela revient à passer d'un vieux Nokia 6510 à un IPhone », avance Luca de Meo, le dirigeant de Renault.

Selon lui, le SDV permettra « une amélioration du trafic, une réduction de la consommation d'énergie, mais aussi moins de morts sur les routes ».

Pour l'heure, plusieurs constructeurs traditionnels se sont lancés dans cette course aux logiciels centralisés. Si Renault fait le choix de coopérer avec d'autres acteurs sur le sujet, tels que Qualcomm ou Google et d'intégrer cette plateforme pour développer plus rapidement de nouvelles fonctionnalités, certains constructeurs allemands ont préféré jouer la carte solo. C'est le cas de Volkswagen qui développe toute son architecture en interne, disponible dans ses véhicules en... 2028.

Le software représentera 100 milliards de dollars en 2030

D'ici là, de nombreux véhicules pourraient déjà être équipés de ce système. Car en Chine, « les composants cachés sont communs aux constructeurs », a souligné Luca de Meo. Un partage des savoirs qui leur donne une avance considérable sur le reste du monde.

Et c'est bien cette concurrence qui a motivé General Motors et consorts à créer cette marketplace unique. Derrière cette guerre, c'est un énorme enjeu financier et de survie qui se joue. D'après les spécialistes du secteur, le marché mondial du software représentera 100 milliards de dollars en 2030 et 40% de la valeur d'un véhicule en 2030. Surtout, la Chine possède déjà l'avantage de la technologie électrique depuis plusieurs années. Si toutefois elle prenait l'ascendant sur le logiciel également, alors la quasi-totalité de la valeur d'une voiture serait concentrée sur son territoire.

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Malgré cette menace, la marketplace ne semble pas exclure les constructeurs et équipementiers chinois qui voudraient présenter leurs avancées.

La difficulté d'intégrer les acteurs chinois

« L'idée est plutôt de fédérer un grand nombre d'acteurs. Si l'on n'accueille pas les constructeurs chinois, nous nous priverons d'accéder à certains blocs de logiciels », a expliqué Eric Kirstetter, associé au cabinet Roland Berger, qui a contribué au projet.

Surtout, les équipementiers présents sur la plateforme voudront certainement vendre leurs logiciels au plus grand nombre de constructeurs possibles et, de fait, aux constructeurs chinois. « L'ambition est de faire davantage de ventes, c'est tout l'intérêt de cette marketplace », confirme Derek De Bono.

Si aucune exclusion n'a été évoquée, la restriction de l'accès à certains blocs de logiciels est en discussion actuellement. « Certains participants ont demandé à limiter l'accès à leurs logiciels par certains concurrents. Tout le monde pourra rentrer dans cette marketplace, mais tout le monde ne verra pas tout ce qu'il s'y passe », a précisé Eric KirstetterLes contours de ce qui sera affiché ou non sur la plateforme et les modalités d'accès devraient être présentés cet été.

Washington en guerre contre Pékin

Mais ce projet risque de faire grincer des dents côté politique. Fin février, les Etats-Unis ont annoncé lancer une vaste enquête pour déterminer les risques associés à la circulation des véhicules connectés venus de Chine sur leur territoire. Le président américain Joe Biden a également signé un décret visant à « empêcher le transfert à grande échelle des données personnelles des Américains vers des pays sensibles ». La secrétaire au Commerce, Gina Raimonda, a quant à elle ajouté qu'il fallait avoir « une idée précise des risques potentiels pour la sécurité nationale associés aux véhicules connectés ». En réaction, la Chine a estimé que cette enquête était « discriminatoire » et qu'elle s' « opposait fermement à la généralisation faite par les Etats-Unis du concept de sécurité nationale ».

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Cette instruction ne vise pas que les constructeurs chinois, mais également toutes les marques qui pourraient intégrer des logiciels chinois. Une initiative qui pourrait refroidir les constructeurs européens et américains de faire entrer ces constructeurs dans la plateforme de partage de logiciels.

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Commentaires 4
à écrit le 21/03/2024 à 14:28
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pas tres bien compris comment ca peut marcher. soit c est des logiciels tout venant et ca a peu d interet soit c est des logiciels pointus et il y a peu de chance que ca marche sur different type de voitures car les fonctionalites et API sont differe...

à écrit le 21/03/2024 à 9:19
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"Plusieurs questions de protection des données et de conditions d'accès à la plateforme se posent encore." C'est trop tard les amis on a laissé les mégas riches gouter à cet obscur marché sous le manteau des données, tout est déjà planifié, demain no...

à écrit le 21/03/2024 à 0:01
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Au moins, avec ma 2CV, il est pas né le hacker qui piquera les données de ma bagnole.😂

à écrit le 20/03/2024 à 22:13
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Ne pas laisser les chinois occuper tout le train, c'est souhaitable, mais, pour la voiture électrique, le problème sera de l'alimenter en électricité. En France, il y a environ 39 millions de véhicules en circulation, imaginez dans quelques années qu...

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