Comment l'Union européenne (UE) peut-elle financer l'aide militaire fournie à l'Ukraine en particulier, et en général, le réarmement de l'Europe ? Réunis jeudi et vendredi à Bruxelles lors d'un Conseil européen, les dirigeants des pays de l'UE vont s'efforcer de trouver de nouvelles solutions de financements pour accélérer leur aide à Kiev et leurs investissements en faveur de la base industrielle et technologique de défense en Europe. Depuis le début de la guerre, l'UE et ses États membres ont déjà mobilisé environ 28 milliards d'euros de soutien militaire à l'Ukraine, dont 6,1 milliards d'euros au titre de la facilité européenne pour la paix.
C'est à la fois beaucoup et peu. Peu surtout au regard des besoins croissants des forces ukrainiennes pour faire face au rouleau compresseur russe et de l'intensité des combats. Pour exemple, les forces armées ukrainiennes consomment entre 5.000 et 8.000 obus par jour. Dans le même temps, le groupe français Nexter produira entre 4.000 à 5.000 obus par mois à la fin de 2024 (contre 3.000 actuellement). L'UE doit donc renforcer sa capacité de production de munitions et de missiles. Elle a commencé à le faire à travers l'adoption de l'action de soutien de la production de munitions (ASAP), qui doit permettre à l'industrie de la défense européenne d'être en mesure de produire davantage et plus rapidement. Une initiative qui marque une réelle évolution des pays de l'UE dans les conseils européens.
« Si on laisse l'Ukraine seule, si on laisse l'Ukraine perdre cette guerre, alors à coup sûr la Russie menacera la Moldavie, la Roumanie, la Pologne », a averti la semaine dernière Emmanuel Macron.
Quelles nouvelles pistes de financements ?
La piste des avoirs russes gelés, dont la partie la plus importante est en Europe (200 milliards d'euros sur les 300 milliards recensés dans le monde), est une réflexion qui progresse même si elle est juridiquement compliquée. Certains pays estiment qu'il est important qu'il y ait une redevabilité à la fois financière sur l'impact et la reconstruction compte tenu de l'agression russe sur l'Ukraine. Cette piste a déjà été évoquée à plusieurs reprises par la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen, notamment dans son discours sur l'état de l'Union. L'idée est d'avancer sur la question des intérêts (environ 2,7 milliards d'euros par an environ) qui sont générés par ces avoirs gelés et de le réaffecter vers le soutien à l'Ukraine. C'est une idée qui se renforce dans l'UE.
La Banque européenne d'investissement (BEI) va-t-elle enfin financer l'industrie de la défense ? Les discussions sont engagées et les lignes ont déjà bougé au niveau des discours. Le sujet doit d'abord être traité par la BEI elle-même, et notamment son conseil d'administration où la Commission européenne siège. Mais il serait logique dès lors que la Commission investit dans le domaine de la défense et de la sécurité que la BEI avec ses moyens financiers vienne en appui de cette politique. La BEI a toujours été présente pour soutenir les politiques de la Commission européenne. Et la nouvelle présidente de la BEI, Nadia Calviño, semble prête à examiner ce dossier brûlant au regard de ces premières déclarations. Pour autant, ce dossier prendra un certain temps à se décanter et à lever certains verrous idéologiques, notamment par rapport à la lettre de mission initiale de la BEI. Quatorze pays européens, dont la France et l'Allemagne, veulent que la BEI puisse aussi financer l'industrie de défense dans l'UE. Ce qui n'est toujours pas le cas plus de soixante ans après sa création.
Le financement du soutien à l'Ukraine. La France et d'autres pays comme l'Estonie sont favorables au lancement d'un grand emprunt européen afin de répondre, comme cela avait été le cas lors de la pandémie de Covid, à la menace russe pesant sur l'Europe. Mais l'Allemagne s'y oppose, et les Vingt-Sept se limiteront à un examen de toutes les options en matière de financements en vue d'un rapport attendu en juin. C'est une discussion qui va être lancée dans les prochaines semaines, voire prochains mois mais pas nécessairement lors de ce Conseil européen de printemps. Dans le cadre de la campagne européenne, certains partis en parlent déjà. C'est un sujet pour la prochaine Commission à l'horizon de 2026. La Commission dispose d'une étude révélant l'impact positif d'avoir un endettement commun pour pérenniser la croissance dans des périodes de crise. Autre point positif, la capacité que l'Union a eue de se financer sur les marchés. Ces éléments feront très clairement partie des débats.
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