Paris impose à Berlin sa griffe sur la tourelle et le canon du futur char franco-allemand (MGCS)

Sur le programme MGCS, le futur système de systèmes du combat terrestre, Français et Allemands ont enfin pu surmonter leurs divergences. Point dur des négociations, le développement et la conception de la tourelle et du canon notamment. In fine, Nexter la co-développera avec Rheinmetall.
Michel Cabirol
L'accord trouvé « établit très clairement qu'en matière de production, il y aura une répartition de 50/50 entre les industries des différentes nations », a clairement expliqué le ministre de la Défense allemand, Boris Pistorius.
L'accord trouvé « établit très clairement qu'en matière de production, il y aura une répartition de 50/50 entre les industries des différentes nations », a clairement expliqué le ministre de la Défense allemand, Boris Pistorius. (Crédits : KNDS)

C'est une victoire impétueuse pour le ministre des Armées. Sébastien Lecornu a arraché un compromis important aux Allemands, qui s'étaient montrés jusqu'ici très réticents depuis plus d'un an à faire de la place à Nexter dans le développement des « feux » (tourelle et canon) dans le cadre du programme franco-allemand MGCS (Main Ground Combat System), selon nos informations. Pour la partie française, il n'était pas question d'abandonner des capacités industrielles chez Nexter. Côté français, c'était même une ligne rouge. D'où le blocage persistant du programme lancé depuis 2017 par Paris et Berlin. Sur plan industriel, Nexter et Rheinmetall bataillaient durement en vue d'obtenir le leadership du pilier dédiés aux « feux », un pilier jugé crucial en France pour le maintien de l'expertise de la BITD française (Base industrielle et technologique de défense).

Dernier arrivé dans ce programme en novembre 2018 à la surprise des Français, le groupe de Düsseldorf n'a eu de cesse de vouloir marginaliser Nexter dans le MGCS. Mais, à l'arrivée, il devra coopérer avec le groupe français dans le domaine des « feux » qu'il n'avait pas du tout envie de partager. Arguant que la France avait fait une concession majeure en acceptant de co-développer le moteur du futur avion de combat (New Generation Fighter) du programme SCAF par le motoriste allemand MTU et Safran, Sébastien Lecornu n'a pas lâché l'affaire face aux Allemands en tenant une ligne de négociations ferme. Et finalement vendredi matin les ministres de la Défense allemand et français ont trouvé un accord sur le MGCS sur la répartition du travail entre industriels, un point clé pour débloquer ce projet jusqu'ici miné par des intérêts divergents.

« Nous nous sommes mis d'accord sur la répartition de toutes les tâches pour ce grand projet », a déclaré vendredi le ministre allemand Boris Pistorius lors d'une conférence de presse aux côtés de son homologue français Sébastien Lecornu.

Signature fin avril

Cet accord d'engagement de la prochaine phase du programme (dite « 1A », la phase de pré-démonstrateur) sera signé par les deux ministres le 26 avril. Il prévoit notamment un partage industriel réparti de façon équitable pour les huit piliers du programme. Selon Sébastien Lecornu, cet accord est un bon accord pour l'industrie française. Comme initialement prévu, la charge sera partagée à 50/50 (développement et production) entre la France (Nexter) et l'Allemagne (Krauss-Maffei Wegmann et Rheinmetall). Résultat, le groupe franco-allemand KNDS reste au centre du programme à travers Krauss-Maffei Wegmann (KMW) et Nexter.

L'accord trouvé « établit très clairement qu'en matière de production, il y aura une répartition de 50/50 entre les industries des différentes nations », a confirmé Boris Pistorius. « C'est très clairement délimité, sans laisser de place à l'interprétation ou aux malentendus », a-t-il précisé, reconnaissant qu'il s'agissait de « négociations compliquées (...) et difficiles ».

Depuis septembre dernier, la Direction générale de l'armement (DGA) et des équipes du secrétaire d'État à la défense Benedikt Zimmer travaillaient à la définition précise des différents piliers d'une part et d'autre part sur la répartition du leadership au sein des piliers entre les différents industriels. Ce travail de la DGA a été réalisé en associant les industriels tricolores concernés, notamment Nexter mais aussi Thales, Safran, MBDA et des PME. Puis les deux ministres ont réglé vendredi matin les derniers points à traiter avec la clé un accord qui valorise en principe l'expertise des industriels des deux pays.

A l'issue de ce travail, la France et l'Allemagne ont défini huit piliers (contre initialement neuf, qui pour l'heure restent très vagues : plateforme (pilier 1), feux classiques, qui regroupe et canon (pilier 2), feux innovants qui englobe les armes à énergie dirigée (lutte anti-drone) et les missiles (pilier 3). Il y a trois autres piliers sur la partie systèmes de communications et cloud de combat (pilier 4), sur la simulation (pilier 5) et sur les capteurs (pilier 6). Enfin, les deux États ont convenu de mettre en place un pilier sur la protection des différentes plateformes et, enfin, un dernier pilier sur les infrastructures nécessaires pour accueillir ces chars. La France et l'Allemagne se partagent les piliers mais les deux pays se sont montrés extrêmement réticents à détailler cet accord sur les leaderships même si globalement l'équilibre est respecté.

Les contrats seront notifiés par le BWB (Bundesamt für Wehrtechnik und Beschaffung, l'Office fédéral allemand des techniques de l'armement et de l'approvisionnement) aux industriels d'ici à la fin de l'année. Au global, ce contrat va s'élever à plusieurs centaines de millions d'euros (entre 100 et 300 millions d'euros). En outre, le coût global n'a pas été indiqué en raison des ambitions technologiques à définir encore dans certains piliers et le nombre de plateformes. Ce qui peut avoir un fort impact sur le coût du programme. Dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM), la France a déjà budgété 500 millions d'euros pour le MGCS, qui est financé à parts égales entre Paris et Berlin.

KNDS crée une filiale en Ukraine

Le groupe d'armement franco-allemand KNDS, qui fabrique notamment les chars Leopard et les canons Caesar, va produire des équipements militaires et des munitions sur le sol ukrainien, ont annoncé vendredi les ministres de la Défense des deux pays à l'issue d'une rencontre à Berlin. « Nous allons faire en sorte de produire ensemble en Ukraine des armes et des munitions », dont Kiev a besoin pour repousser l'invasion russe, a déclaré Boris Pistorius au cours d'une conférence de presse commune avec son homologue français Sébastien Lecornu.

KNDS « va s'installer en Ukraine » en créant une filiale dont l'objectif sera dans un premier temps de « former » les Ukrainiens et de « produire rapidement des pièces de rechange, notamment pour les systèmes déjà livrés », a précisé Sébastien Lecornu, sans préciser d'échéance pour l'instant. KNDS produira ce qui sera le plus utile aux Ukrainiens. Très clairement, ce sont les pièces qui cassent très vite sur des systèmes très sollicités.



Michel Cabirol

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Commentaires 26
à écrit le 25/03/2024 à 11:33
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@ Math La coopération progresse de manière unilatérale à l’avantage de l’industrie de défense française. L’industrie d’armement française est massivement soutenue par l’État français. En revanche, la politique allemande néglige l’industrie d’armeme...

le 25/03/2024 à 18:03
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Ce genre de raisonnement est contre productif. Il s’inscrit dans une démarche de revanche fondée sur peu de substance. Les temps changent. Nous le savons tous. Ce n’est pas en promouvant une nouvelle menace à l’Ouest que l’Allemagne améliorera sa sit...

à écrit le 25/03/2024 à 11:17
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@ Rogger S'il vous plaît, dites-moi les raisons pour lesquelles la France pousse obstinément l'Allemagne à coopérer militairement ? Il ne s’agit certainement pas d’un idéalisme européen. Si l’industrie de défense française dispose de capacités tech...

à écrit le 25/03/2024 à 11:06
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@ Adieu BCE L’ombre de l’hostilité héréditaire entre l’Allemagne et la France est longue. Malgré le traité d’amitié, la France considère toujours l’Allemagne comme un rival pour la domination européenne. La résistance de la France à la réunification...

le 25/03/2024 à 11:30
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Une méconnaissance des programmes franco-allemands et même plus largement européen. Pouvez-vous donner des exemples où la France veut dominer ? Vous pensez à l'attitude de Rheinmetall dans le projet MGCS ? Das ist eine Frage.

à écrit le 25/03/2024 à 10:58
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@ Adieu BCE L’ombre de l’hostilité héréditaire entre l’Allemagne et la France est longue. Malgré le traité d’amitié, la France considère toujours l’Allemagne comme un rival pour la domination européenne. La résistance de la France à la réunification...

à écrit le 24/03/2024 à 13:24
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Faites un "cocorico" tant que vous pouvez le faire ! ;-)

à écrit le 24/03/2024 à 10:59
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On voit qu'en Ukraine un ou deux drones suffisent à liquider un char russe ,je suis pas certain que ce nouveau char échappe à cela.

à écrit le 23/03/2024 à 19:04
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"Paris impose à Berlin" me semble contreproductif Tous ceux qui suivent le dossier savent que Paris avait bagarré logiquement pour piloter canon et tourelle. Ces différents étant réglés, utile d'avancer maintenant rapidement en financements R&D et ...

le 25/03/2024 à 11:03
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@ Alain d Les divergences n'ont pas été résolues. L’Allemagne a une fois de plus cédé aux exigences françaises. Le projet - comme cela a été convenu aujourd'hui - est à l'avantage de l'industrie de défense française et au détriment de l'industrie de...

le 25/03/2024 à 14:30
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Mais oui, mais oui, la méchante France récupère toujours la majorité des usines et le plus grand nombre d'emplois. L'Allemagne est toujours perdante. Sérieux? Pas utile de répondre à votre baratin tellement il est énorme.

à écrit le 23/03/2024 à 16:12
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N'oubliez pas les "cop cages" sur les tourelles et bravo au futurs suicidaires qui se verront déchiquetés par des piqure de moustiques ! Car ces moustiques ont une botte secrète, pourtant connue de tous depuis longtemps : des shaped charges, une é...

à écrit le 23/03/2024 à 14:37
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L'Allemagne fera le châssis et le moteur, la France fera le dessus, canon et tourelle ce qui nous permettra d'ajouter un coq sur le char !

à écrit le 23/03/2024 à 14:13
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A oui ces français qui aiment crier fort et proclamer la victoire avant que le combat ne commence !!!! On en a pour 20 ans !!! Ça risque de déchanter pour la France…Entre-temps Rheinmetall contruira seul le char pour toute l’Europe

le 23/03/2024 à 14:30
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Sans soutien politique du pays d’origine de Rheinmetal, à savoir l’Allemagne, ça semble un vœux pieux. J’imagine mal Rheinmetal pouvoir exporter de son propre chef de technologies militaires. Mais vous avez peut-être des informations que nous n’avons...

à écrit le 23/03/2024 à 11:36
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La guerre en Ukraine a démontré qu'il ne sert à rien d'avoir des chars à 1 M€ mini et bourrés d'électronique. La maintenance et la gestion des pièces détachées, la fragilité des électroniques ont fait qu'un vieux T90 Russe se retrouve plus efficace q...

le 24/03/2024 à 4:01
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Oui, le coût unitaire d’un char a son importance. De même que sa masse. La guerre en Ukraine sert de point de rappel, l’obtention d’un prix unitaire faible passe par un complexité maîtrisée et par l’allongement des séries. L’alignement de vue sur la ...

à écrit le 23/03/2024 à 11:25
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Je vois le problème de la coopération franco-allemande dans le domaine militaire dans le fait que la France aspire toujours à la domination. Les avantages pour l’Allemagne sont minimes. L’Allemagne devrait donc renoncer à la coopération avec la Franc...

le 23/03/2024 à 12:08
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Tirer contre son camp c'est tellement mieux à vous lire ! En matière d'armement la France est en avance sur l'Allemagne , quant aux autres partenaires auxquels pensez vous ?

le 23/03/2024 à 12:17
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C'est réciproque. Les allemands font confiance dans le fait que la France devra plier étant en faillite. Il est normal que celui qui paye soit aux commandes.

le 23/03/2024 à 14:32
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Comment dire du mal quand la coopération avance… Exercice difficile! Mais c’est dans la difficulté que l’on reconnaît un bon lobbyiste.

le 24/03/2024 à 13:38
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Bonjour, bon avant toute chose, la France a des savoir faire importants, conduit de tir performante , motorisation innovantes ( moteur diesel et turbine) , suspension hydraulique, et rechargement automatique fiable et performant... Maintenant l'Alle...

à écrit le 23/03/2024 à 10:34
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Le 26 avril, une fois encore, on se rendra compte que la partie française est perdante et que le ministre, sous tutelle du Président, a lésé nos intérêts pour parvenir à un accord. L'Europe, quoi qu'il en coûte...

à écrit le 23/03/2024 à 9:36
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Bonjour avant toute chose est de savoir si le moteur et boite de vitesse ( GMP, groups moto propulseur) se touve a l'avant du vehicule... L'équipage est le plus important donc ils doit etre protégé au maximum.. Ensuite pour le canon , (130 ou 14...

le 23/03/2024 à 10:46
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Maintenance réduite on ne sait plus faire, c'est pourquoi nos hélicoptères ont si peu de disponibilité.

le 23/03/2024 à 14:42
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Je ne pense pas que l’on ai l’information sur le calibre ou la munitions de sitôt. 2 raisons: secret militaire pour gêner les adaptations de nos ennemis potentiels et éviter de froisser les gens quand on signe un accord. L’important est que l’on soit...

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