Gabriel Attal : « Nous ne devons pas caler sur la route du plein-emploi »

ENTRETIEN EXCLUSIF - Le chef du gouvernement détaille, dans La Tribune Dimanche, les mesures de la réforme de l'assurance chômage.
Gabriel Attal ce samedi à Matignon.
Gabriel Attal ce samedi à Matignon. (Crédits : © LTD / ELIOT BLONDET/ABACA POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

LA TRIBUNE DIMANCHE - Vous vous êtes engagé à durcir les modalités d'accès à l'assurance chômage. Qu'avez-vous décidé ?

GABRIEL ATTAL - Je suis attaché à notre système d'assurance chômage, pilier d'un modèle social que nous voulons préserver. Le cœur du financement de ce modèle social, c'est le travail. Notre action est d'aller vers le plein-emploi. Nos réformes ont permis de créer 2,5 millions d'emplois, notre taux de chômage est au plus bas depuis quarante ans... Nous avons montré que nous n'étions pas condamnés au chômage de masse. Mais si nous ne réformons pas l'assurance chômage aujourd'hui, nous risquons de caler sur la route du plein-emploi. Cette réforme, c'est donc le carburant qui nous permettra de créer toujours plus de travail dans notre pays. C'est aussi un renouvellement de notre pacte social : oui, la solidarité aide ceux qui en ont besoin en cas de coup dur. De plus, le financement de notre protection sociale ne doit pas uniquement reposer sur l'effort de classes moyennes. Les Français nous demandent de valoriser encore plus le travail : c'est ce que nous faisons. Très concrètement, nous allons changer les conditions pour avoir droit au chômage. Jusqu'ici, il fallait avoir travaillé six mois sur les vingt-quatre derniers mois pour percevoir une indemnisation. À l'avenir, il faudra avoir travaillé huit mois sur les vingt derniers. Nous prolongeons la réforme engagée en 2019, dont les études montrent qu'elle produit ses effets. Par ailleurs, nous conservons un régime plus généreux que nos voisins, en nous rapprochant du système allemand, où il faut avoir travaillé douze mois sur trente. Au Portugal et au Royaume-Uni, c'est douze mois sur vingt-quatre, et seize mois sur trente-trois en Belgique.

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Une récente étude de l'Unedic montre que réduire la durée affiliation va affecter en priorité les plus jeunes et les CDD... donc les plus précaires.

La plus grande arme contre la précarité, c'est le travail. Or, une étude de la Dares montre que renforcer les conditions d'affiliation a un impact sur le retour à l'emploi. Nous l'avons fait dans la réforme de 2019. Nous étions passés de quatre mois sur vingt-huit à six mois sur vingt-quatre : cela a marché et accéléré le retour à l'emploi. Par ailleurs, cette réforme est prise dans un contexte où il y a des créations d'emplois - près de 50 000 encore au premier trimestre - et où beaucoup d'entreprises ne parviennent pas à recruter.

Mais ces changements vont de facto réduire la durée d'indemnisation...

Oui, comme nous réduisons la période de référence d'affiliation, il y aura un impact sur la durée d'indemnisation. J'assume de dire que, dans les conditions actuelles, cette durée d'indemnisation passera donc de dix- huit mois à quinze mois. Dans le même temps, nous renforçons massivement l'accompagnement avec France Travail.

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Les partenaires sociaux vous accusent de démagogie...

Nous leur avons laissé huit mois pour négocier sur l'emploi des seniors. Ils ne sont pas parvenus à un accord. La ministre du Travail, Catherine Vautrin, les a rencontrés la semaine dernière pour échanger sur les paramètres. C'est en responsabilité que nous prenons ces décisions. Cette réforme de l'assurance chômage entrera en vigueur à l'automne. J'ai parlé d'« automne du travail ». Nous allons prendre un décret, le 1er juillet, pour qu'elle puisse entrer en vigueur le 1er décembre.

Je veux débloquer les recrutements pour les seniors en créant un bonus emploi senior

Et concernant les seniors ?

Le taux d'emploi des seniors continue de progresser grâce aux réformes que nous avons engagées. Des propositions de suppression de la filière seniors ont été faites par certains. Mais je refuse que cette filière seniors soit supprimée, car il est important de maintenir une protection et des règles spécifiques. Dans la discussion des partenaires sociaux, un consensus semblait s'être établi autour de l'application mécanique de la réforme des retraites, ce qui signifie le relèvement de deux ans, de 55 à 57 ans, de la filière. Je reprends cette mesure dans notre réforme. Mais ce n'est pas tout. À partir d'un certain âge, quand on perd son emploi, on est souvent condamné au chômage. Je veux débloquer les recrutements pour les seniors en créant un bonus emploi senior pour mieux accompagner la reprise d'emploi : un senior au chômage qui reprendra un emploi moins bien rémunéré que son emploi précédent pourra cumuler son nouveau salaire avec son allocation chômage pour atteindre le même salaire qu'il avait avant de tomber au chômage. Par exemple, prenons un demandeur de 57 ans qui était payé 3 000 euros brut et qui est indemnisé 1600 euros mensuels par France Travail. Demain, si on lui propose un emploi à 2 000 euros brut - donc 1 000 euros de moins que son ancienne rémunération -, il pourra cumuler ce nouvel emploi à 2 000 euros avec 1 000 euros versés par l'Assurance chômage. Et il retrouvera ainsi sa rémunération initiale pendant un an.

N'est-ce pas inciter les patrons à payer moins les seniors ?

Non, c'est pour cela qu'il y a un plafonnement. L'idée est de permettre de montrer aux entreprises qu'elles ont tout intérêt à recruter des seniors. Mais j'estime que nous pouvons aller plus loin pour l'emploi des seniors. C'est pourquoi je souhaite que de nouvelles mesures soient prises dans l'acte 2 de la réforme du travail. Je pense par exemple à la création de l'« index seniors », prévu par la réforme des retraites et censuré par le Conseil constitutionnel. Je souhaite aussi que la proposition des partenaires sociaux de créer un CDI senior soit étudiée. Catherine Vautrin lancera des négociations après l'été pour un texte de loi d'ici à la fin de l'année.

Quels sont vos objectifs d'un point de vue budgétaire ?

Ce n'est pas une réforme d'économie, mais de prospérité et d'activité. Preuve en est : la précédente réforme, en 2019, nous l'avions faite quand le déficit était à 3%. Le gain se mesurera par un nombre plus important de Français qui travailleront. Et donc plus de financements pour notre système.

Cela nous permettra d'aller vers le chemin du plein-emploi

Allez-vous généraliser le bonus-malus ?

Tout le monde doit partager l'effort. Il faut continuer à lutter contre la précarité des contrats courts et améliorer la qualité de l'emploi. Je suis attaché au bonus-malus, mis en place en 2021, et dont les études montrent qu'il responsabilise les entreprises. Ce système permet de baisser les cotisations des entreprises qui signent des contrats de plus longue durée. Aujourd'hui, 7 secteurs sont concernés et je souhaite examiner l'opportunité de l'étendre en fonction de l'évaluation à conduire. Comment ? Je charge Catherine Vautrin de mener une concertation pour identifier les secteurs qui auront vocation à entrer dans ce système et à quel rythme.

Le chômage remonte légèrement. Conservez-vous le principe de contracyclicité ?

Quand l'économie va mieux, les règles doivent inciter davantage à la reprise d'emploi. Au contraire, quand le contexte est moins favorable, il faut accompagner sur une plus longue durée les demandeurs d'emploi. Pour préparer le rebond économique de 2025 que nous annoncent les prévisionnistes, je souhaite que les règles soient encore plus incitatives quand la croissance repartira davantage et que le taux de chômage diminuera. C'est pourquoi nous ajouterons un nouveau seuil à 6,5% de taux de chômage. Cela nous permettra d'aller vers le chemin du plein-emploi. À chaque fois que l'on a eu des réformes autour du travail depuis 2017, elles ont rencontré des oppositions : assurance chômage, ordonnances travail, apprentissage, formation professionnelle... mais elles ont porté leurs fruits. Il n'y a pas de fatalité au chômage dans notre pays.

Commentaires 18
à écrit le 29/05/2024 à 14:50
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Ce souhait est mort vous n'allez pas vers le pleine emploi mais vers la suppression des aides !!! C'est totalement différent

à écrit le 27/05/2024 à 9:40
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Ne pas caler = formation, formation, formation ? Pour correspondre aux demandes des employeurs. On peut avoir 10 000 offres et 10 000 demandes mais qu'il n'y ait aucun point commun entre les deux, résultat zéro embauche possible. Y a pas de miracle, ...

à écrit le 27/05/2024 à 1:04
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Virer les chômeurs de Pole Emploi et les envoyer au RSA ne fait pas le plein emploi. Ca en aura l'apparence certes.

à écrit le 26/05/2024 à 18:26
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Ils font pire que caler...ils passent leur temps à se couchet!

à écrit le 26/05/2024 à 12:54
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Réponse de Henri: Le souci pour l'Italie était essentiellement le sud où la vie est nettement moins chère. Les salaires sont relativement plus bas mais depuis 3 ans un salaire mini est mis en place. Avec 600 € dans le sud de l'Italie, il est raisonn...

le 26/05/2024 à 15:50
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C'est pas ça qu'il te demandait Henry... ^^

à écrit le 26/05/2024 à 11:20
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7 ans en arrière, une excellente stratégie de communication sans stratégie et un mensonge peut vous propulser au sommet, mais quand la réalité vous rattrape on voit le résultat, avec un peu d'amour propre il faut savoir passer la main

à écrit le 26/05/2024 à 10:55
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La Mélonie, présidente du conseil italien, a divisé par 2 l'équivalent du RSA pour les personnes en âge de travailler et en bonne santé passant de 600€ par mois à 300€ par mois. Résultat: 1 million de personnes sont sorties du "RSA" et se sont mises ...

le 26/05/2024 à 12:28
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Pouvez-vous communiquer votre source sur le résultat : 1 million de personnes qui se sont mises à travailler ? Pouvez-vous aussi communiquer le salaire moyen en Italie ?

le 26/05/2024 à 15:49
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L’ennemi imaginaire...

le 26/05/2024 à 21:28
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Libé aout 23 "Jeudi 27 juillet(2023), environ 169 000 foyers italiens ont reçu un message les informant qu’ils ne percevraient plus le revenu de citoyenneté à partir du 1er août. .... Cette aide de 581€/mois, en moyenne, similaire au RSA français, ét...

à écrit le 26/05/2024 à 10:34
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Dixit quelqu'un qui n'a jamais travaillé de sa vie...

à écrit le 26/05/2024 à 10:00
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Des nations de travailleurs pauvres qui cumulent des boulots de mauvaise qualité. Voilà le rêve des ultra-libéraux qui poussent les citoyens à voter pour des extrêmes... mais fondamentalement, ils sont capitalistes, pas démocrates. Donc, ça ne les dé...

le 26/05/2024 à 10:14
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il ne faut parler de pleine emploi a condition d'avoir une vision industriel et un plan a tres long terme car si c'est pour remunerer des emplois sous le seuil de pauvrete les assedics sont le projet de certain socialistes commencer par penalis...

le 26/05/2024 à 10:25
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Un pays qui n'est pas compétitif et qui n'a pas une économie viable ne peut se permettre que un faux semblant de démocratie parce que il n'a que à subir les décisions des autres, de servir ses maîtres ou de payer ses dettes. L'histoire nous le montre...

le 26/05/2024 à 11:43
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Les pauvres n’avaient qu’à travailler à l’école…

le 27/05/2024 à 15:25
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@Macool : on peut de nos jours très bien être pauvre en ayant travaillé à l'école et c'est d'ailleurs pour ça que l'Etat doit créer toujours plus d'emplois de fonctionnaires, pour assécher le vivier de cadres des partis extrémistes...

à écrit le 26/05/2024 à 9:38
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Si on veut le plein emploi en France, il faudrait peut-être arrêter d'importer 150 000 personnes chaque année en France ? Et arrêter de parler des métiers "en tension", car il est normal d'avoir des métiers en tension

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