Le gouvernement français entend renforcer la traque aux fraudeurs. Un mois jour pour jour après la présentation du premier bilan de lutte contre les fraudes par Gabriel Attal, le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave s'est rendu ce vendredi dans les locaux de la direction nationale de vérification des situations fiscales (DNVSF) à Paris. Composé de 260 agents, ce service d'élite est en charge d'enquêter sur les plus hauts revenus en France. Autant dire que les enjeux sont colossaux. « S'assurer que les personnes qui ont le plus de moyens s'acquittent effectivement de leurs impôts revêt une importance cruciale », a déclaré le ministre Cazenave devant les fonctionnaires présents.
Après une brève présentation des compétences des enquêteurs, Thomas Cazenave a salué un « bilan remarquable ». « Parce qu'au fond, cette minorité qui se détourne de ses obligations, ceux qui fraudent, que font-ils ? Ils défont notre pacte social. Ils abîment la confiance qu'ont les Français dans l'Etat. Ils sapent au quotidien le consentement à l'impôt », a-t-il regretté. En plein marasme budgétaire, l'exécutif sait que la lutte contre la fraude fiscale pourrait lui permettre de trouver de nouvelles recettes publiques pour combler le déficit public dans le rouge.
900 millions d'euros mis en recouvrement, 80% des sommes recouvrées selon Bercy
Dans le viseur de ce service d'enquête figurent environ 20.000 contribuables dont les revenus annuels dépassent un million d'euros et disposent d'un patrimoine imposable à l'IFI (impôt sur la fortune immobilière) de plus de 7 millions d'euros. « Il faut de la ténacité pour faire aboutir des dossiers très longs », a déclaré Stéphane Créange à la tête de la DNVSF. « Ces dossiers sont sensibles en raison des enjeux financiers. Nous contrôlons les personnes les plus riches du pays », a rappelé le patron de ce service d'enquête.
En 2023, ses équipes ont traité 1.600 dossiers. Sur ce total, « 900 millions d'euros ont été mis en recouvrement, c'est le double de 2019. Il y a une montée en charge », a expliqué Thomas Cazenave. D'après les chiffres communiqués par Bercy, 80% de cette somme est recouvrée. Ce qui représente 720 millions d'euros effectivement récupérés par le fisc.
Pour rappel, les montants recouvrés dans les différents types de fraudes fiscales ou sociales par les administrations sont généralement bien inférieurs. Lors de la présentation du bilan des différentes fraudes, le ministre des Comptes publics avait d'ailleurs expliqué que « l'enjeu pour nous est de mieux recouvrer les sommes dues », Interrogé sur le montant global des sommes recouvrées en matière de fraude fiscale, le Premier ministre Gabriel Attal avait botté en touche.
Renforcement de l'arsenal juridique et technique
Lors de son intervention, le ministre délégué aux Comptes publics a réhaussé les objectifs des enquêteurs. « La progression constatée en matière d'impôt sur le revenu en 2023 doit s'étendre et nous devons viser la même hausse des contrôles pour les droits de succession et la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus », a-t-il résumé. Annoncés dans le projet de loi de finances pour 2024 à titre d'expérimentation, les aviseurs fiscaux (ce sont des informateurs qui peuvent être rémunérés par l'administration) seront pérennisés. « C'est, je le sais, une source importante d'informations en particulier pour la DNVSF qui a su exploiter les informations transmises par un aviseur pour récupérer près d'une centaine de millions d'euros ».
Sur le front juridique, la création du délit de mise à disposition des schémas de fraude fiscale devrait permettre aux autorités de s'attaquer plus facilement aux cabinets spécialisés. «Certaines officines sont spécialisées dans les schémas de fraude fiscale », a rappelé le ministre. Sur le plan technique, Thomas Cazenave a également mis l'accent sur le développement du webscraping, c'est-à-dire la collecte importante de données sur les réseaux sociaux. Ce qui n'est pas sans poser des questions juridiques, notamment sur l'utilisation des photos.
Cette technique est particulièrement utilisée dans les enquêtes portant sur les domiciliations fiscales à l'étranger par exemple. Enfin, Bercy souhaite que l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) et du data mining soit « massifiée et généralisée notamment aux dossiers les plus complexes qui intègrent de l'IFI, des revenus fonciers ou des successions complexes ».
Cinq personnes supplémentaires pour la traquer les plus grandes fraudes
En revanche, les moyens humains supplémentaires pour 2023 devraient se limiter à cinq personnes pour ce service, a annoncé Thomas Cazenave. Une situation dénoncée par les syndicats. « Après plusieurs années de suppressions de postes dans la sphère du contrôle fiscal, Gabriel Attal avait dans un élan de générosité parlé de créations d'emploi. Au final, l'opération se solde essentiellement par du redéploiement ou transfert d'emploi », avait relevé Solidaires finances publiques il y a quelques semaines. Autant dire que l'opération du gouvernement risque de faire grincer des dents.